Quand à la fin d'une chanson,
Tu t'retrouves à poil, sans tes bottes,
On te surnomme la venison,
Ou bien la pute, et c'est ta faute.
* * *
Samedi soir, 20h, au Sekishoku bar.
Dans le vestiaire réservé aux employés, Goya retire ses vêtements quotidiens; manteau, bottes, écharpe, et bonnet s'entassent en vrac sur le banc. Quelques secondes puis pull, jean, débardeur et chaussette forment un second tas. Ne reste plus sur le corps de la jeune danseuse qu'un body noir, composé de quelques pièces de tissus liées par des ficelles, qui épouse son corps à la manière d'une toile d'araignée, sans laisser guère plus à l'imagination que ne l'aurait fait un simple bikini. Deer jette un oeil à son profil, dans le miroir mural; elle se cambre, accentuant la courbure de sa croupe, avant de passer les mains sur la peau de son ventre, tendue et lisse. Simple rituel. Elle détache son regard d'elle même et enfile un chemisier et une jupe noir, puis glisse les pieds dans une paire de talons aiguilles. Ces vêtements seront retirés en temps voulu. Son cœur bat puissamment alors qu'elle arrange ses cheveux par des coups de brosse fébrile. Cela n'a rien d'exceptionnel; ce trac l'accompagne chaque début de samedi soir, lorsque l'heure de devenir le centre de l'attention approche. Elle attache ses cheveux en queue, fourre toutes ses affaires en vrac dans un casier à code étiqueté
Deer, avant de faire face à la porte menant à la salle principale du bar.
"Aller, pff-pff." - se chuchote-t-elle fermement.
Elle raidit ses muscles, prend une inspiration et se lance d'un pas saccadé vers la porte.
https://www.youtube.com/watch?v=I2dfGC1oziEDeer émerge derrière le comptoir; le patron la salue de la tête et lui indique simplement
"Tu passes dans quinzes minutes."La salle du bar est grande et luxueuse, baignant dans une pénombre aux teintes pourpre, emplie d'un brouhaha de rires et de basses étouffées. A l'autre bout se trouve la scène sur laquelle elle s'exhibera bientôt; entre elle et sa destination, des tables et quelques billards forment des ilots rectangulaires de tailles variables où les clients stationnent en discutant, buvant et jouant. Le plafond est haut; à peine visible, noyé dans l'obscurité. Suspendues à ce quasi-vide, des lampes fournissent leur lumière ténue au lieu. Deux mezzanines surplombent le reste de la salle, en longeant les mur bâbord et tribord.
Deer entame une marche nonchalante entre les table, balayant des yeux la foule. Quelques hommes croisent son regard, certains sourient: elle leur répond d'un coin de lèvre. Elle ne tarde pas à apercevoir un habitué, attablé en compagnie de deux autres hommes et d'une femme. Un quarantenaire assez drôle, et sur lequel elle a une certaine prise. Une source de revenus non négligeable. Il l’aperçoit à son tour, et l'enjoint à approcher d'un mouvement de bras; se sentant à nouveau en terrain connu, Deer sourit de toutes ses dents et presse le pas vers son bienfaiteur.