Les X-Men ignoraient ce que Fatalis avait derrière la tête pour capturer Wanda, mais autant dire qu’ils n’étaient nullement confiants. Fatalis… Fatalis restait Fatalis. Et, même si la presse occidentale n’avait pas tari d’éloges sur l’ouverture de la Latvérie au monde, en affirmant que l’un des derniers bastions de la « |i]tyrannie postmoderne[/i] » s’était éteint (ne laissant plus, à en croire la presse américaine, comme dictatures de renom, que Cuba et la Corée du Nord), nul n’était dupe. Lucia Von Bardas, l’actuelle Première Ministre, n’était qu’un pion. Tous les efforts de la CIA ou du S.H.I.E.L.D. pour destituer Fatalis n’avaient jamais réussi, parce que, fondamentalement, les Latvériens étaient à l’image des Européens continentaux, toujours en quête d’un sauveur providentiel, un monarque. Il était fascinant de voir combien le continent européen, qui avait pourtant accouché de la philosophie des Lumières, était toujours en adoration inconsciente pour son passé, celui d’une Europe monarchiste où le pouvoir était détenu entre les mains d’une petite classe écrasant la majorité populaire. Fatalis était le cas typique du dictateur bienveillant, et Ororo, en tant qu’Africaine, était bien placée pour savoir combien la politique était plus subtile et bien plus complexe que les avis de comptoir. On ne pouvait pas juste chasser un dictateur et implanter la démocratie dans un pays en croyant que ça passerait. Il suffisait de voir comment les révolutions arabes avaient tourné. La Libye était un autre cas d’école, un pays dirigé par un dictateur, qui avait sombré dans le chaos à sa chute. Et les exemples ne faisaient que se multiplier : l’Iran suite à la destitution de Saddam Hussein, la Syrie, etc… Jusqu’à quel point pouvait-on considérer les dictateurs comme un mal nécessaire ? L’avis d’Ororo était certes biaisé, mais elle tenait compte de tout cela en se rendant en Latvérie, consciente que cette expédition avait toutes les chances d’échouer.
Pour autant, les X-Men avaient bien conscience d’une chose : on ne pouvait pas laisser une bombe à retardement comme Wanda Maximoff entre les mains du Docteur Fatalis. Qui sait jusqu’à quel point ce dernier serait susceptible de l’endoctriner, et de l’utiliser comme vecteur pour ses fins mégalomaniaques ? Il était donc urgent de le sauver… Mais ce fut en survolant l’Atlantique qu’ils furent interrompus par un puissant Hélicarrier, et par…
« X-Men, ici le Directeur Maria Hill ! Nous savons où vous comptez vous rendre, et nous ne pouvons pas vous laisser faire. »
Ororo regarda brièvement Kitty, puis appuya sur le bouton des communications, afin de lui répondre.
« Si vous savez nos intentions, alors vous savez aussi qu’il est urgent d’agir, et de…
- Pardonnez-moi, Madame Munroe, mais je n’ai pas le sentiment que vos actions aient été d’une efficacité quelconque à raisonner la Sorcière-Rouge…
- Elle est confuse, et ce n’est pas en la laissant en Latvérie que…
- Nous avons reçu une communication officielle du gouvernement démocratique de Latvérie en ce sens. Nous ne pouvons pas vous laisser attaquer un État souverain et menacer de déclencher une crise internationale majeure.
- Ne me faites pas rire, Directeur Hill, persifla Ororo. Nous sommes des X-Men, considérés comme des pestiférés par nos propres autorités. Nous ne répondons pas à vos ordres, et l’une des nôtres est…
- Ce problème dépasse de loin la simple sphère mutante, la coupa Maria Hill. Mais vous vous méprenez, Madame Munroe, ce n’était pas une requête. C’était un ordre.
- Est-ce une menace ? » gronda Ororo.
Maria Hill et Ororo Munroe étaient deux têtes brûlées.
« Le Blackbird que vous pilotez est une technologie du S.H.I.E.L.D., un RS-150. Des prototypes très efficaces avant l’apparition des Quinjets. Pensez-vous vraiment que votre vieux coucou peut rivaliser contre un Hélicarrier de dernière génération ? »
Maria Hill semblait très sérieuse, et Ororo se pinça les lèvres.
« Il est temps que nous discutions… Tous ensemble.
- Tous ensemble ?
- Vous… Le S.H.I.E.L.D… Et les Avengers. »
« Victor ne m’a rien demandé, ma chérie… »
Fatalis avait beau être un tyran, même lui savait qu’il était incapable de contrôler le pays sans le contrôle des grandes familles ancestrales. Jadis, il avait fait l’erreur de mésestimer l’importance de la noblesse, et avait eu affaire à une révolte menée par le fils de l’ancien Roi, Rudolfo Fortunov. Les Fortunov avaient même repris brièvement le pouvoir, sous le règne de Zorba, frère de Rudolfo, mais la situation avait été catastrophique pour le pays, le plongeant dans les affres d’une guerre civile. C’est d’ailleurs suite à la révolte de Zorba que la Latvérie s’ouvrit à la démocratie. Une alliance de façade, mais nécessaire, afin de laisser au Docteur le temps de récupérer la mainmise sur le pays, ce qui passait par l’aristocratie. La Latvérie comprenait en effet de très vieilles familles, implantées dans le pays depuis le Moyen-Âge, comme les Durov. Anna était l’une des filles du clan Durov, une jeune femme bisexuelle très chaude, qui aimait beaucoup se reposer au château, et constituait une amante de premier choix.
Outre sa grande beauté, elle avait suivi de prestigieuses études à l’université de Princeton, d’où elle était ressortie avec plusieurs diplômes, et quelques scandales sexuels à son actif impliquant des enseignants. Anna sentit les doutes de Wanda, et l’embrassa rapidement, comme pour la calmer, mais sentit le trouble de la Sorcière-Rouge s’accroître.
« C’est très simple, mon cœur. Victor m’a dit que tu étais une femme belle, mais très nerveuse, et qui avait besoin de se détendre. Et, de ce que je peux dire, tu as effectivement beaucoup de tension…
- Et ça, ce n’est pas bien, enchaîna Karÿe. Pour parvenir à la stabilité émotionnelle, il faut que le corps soit apaisé. Et, quand l’esprit est confus, apaiser le corps permet aussi d’apaiser l’esprit. »
C’était une approche très new age de la spiritualité, mais Anna sentait bien que Wanda aimait le goût de ses lèvres, un goût de fraise, et elle l’embrassa encore. Dans son élégante nuisette, elle était irrésistible, et d’une beauté terrifiante.
« Là, là, laisse-toi faire, ma chérie… »
Anna était debout, contre elle, et l’embrassa ensuite dans le creux du cou, pendant que Karyë se glissait dans le dos de Wanda, massant ses épaules, et l’amena à tourner la tête, pour l’embrasser à son tour. C’était comme Fatalis l’avait dit ; la dernière fois, ils avaient été bien trop rapides.
Il ne tenait pas à renouveler cette erreur.