Soldes [Roger]

Les soldes, c'est pour tout le monde, même aussi pour elle.

Noyée dans la foule de gens qui bondaient le centre commercial, Astaroth, habillée d'une longue robe et coiffée d'un grand chapeau d'été pour cacher son visage des humains qui la feraient vite remarquer de par sa pigmentation de peau trop peu commune pour ces idiots.

Malheureusement, si elle était la maîtresse dans les limbes, même de l'argent volé sur ce monde, elle n'arrivait pas à le dupliquer. Du coup, comme tout le monde, elle avait flashé sur une magnifique jupe à volants et s'était trouvé sans les moyens de se l'offrir... Surtout que c'était soldé, bon sang !

Qu'à cela ne tienne, elle avait décidé de se refaire une garde-robe terrienne et elle le ferait. Elle reviendrait... Et elle aurait ce qu'elle voulait.

Les heures passèrent, avant que, tard la nuit, on dit une ombre bouger dans le centre commercial. Cette ombre dégageait quelque chose de surnaturel, d'impossible, on sentait son mouvement et qu'elle possédait un objectif... La démone ressortit de l'ombre une fois dans le magasin en question, avant de mettre la main sur le fameux vêtement, encore disponible.

" Haaa, je te l'avais dit que tu serais à moi... "

Fit-elle avant d'aller voir dans la cabine d'essayage si ca lui allait: parfait. Un chemisier blanc assez déboutonné, sa minijupe à volant, des haut talons terriens, des bas couleur chair... Elle avait enfin pu rassembler une nouvelle tenue terrienne, fière d'elle, elle sursauta en entendant un bruit dans le magasin, craignant avoir été surprise.

" Hein ? "

Le centre commercial. La nuit. Vide... Habituellement, ce genre d'endroit est bondé, à tel point qu'on ne voit pas devant soi. La foule est si dense, si compacte, qu'on a l'impression de ne faire qu'un avec cette file sans fin d'êtres qui se dirige vers tel ou tel endroit. Et quand on en sort, ça nous dégoûte. On en sort poisseux, gluant, et couvert de sueur...
Mais là, personne, pas un chat. A tel point qu'on se demande bien si on est dans le même endroit... Les boutiques, les cafés grillagés, ainsi que les panneaux " -50% " ne laissent pourtant pas le moindre doute. C'est bel et bien un centre commercial. Et on se dit, avec le contraste, que le voir vide ainsi, c'est presque triste... Trop calme, trop silencieux...

" Rhaaaagrou, bordel de bite à cul, y a pas idée de cracher autant de chewing-gum par terre! Quels porcs ces humains! "

Le centre commercial. La nuit. Vide... Enfin presque... Comme cette exclamation laisse témoigner, Roger venait de glisser sur un chewing gum, et celui-ci s'était collé à la chair visqueuse du tentacule. Chaque fois, c'était toujours aussi horripilant, et c'était un enfer à enlever. Pourquoi les êtres humaines devaient-ils être si sales, et si négligents pour ne pas penser aux tentacules violeurs et rampants qui pourraient passer là après eux... Décidément.
Mais tout cela ne nous dit pas ce que Roger venait faire ici. Et bien la réponse est toute simple.

Roger, lui, sa passion, c'est de lire. Kant, Nietzsche, Baudelaire, Voltaire, Rimbaud, Werber, Freud, toute lecture assez captivante et intelligente pour plaire au tentacule, et il restait des heures entières à dévorer, les uns après les autres, les ouvrages qui lui tombaient dans le creux de la main. Mais ici, sur terre, les tentacules ne sont pas légions. Et il faut de l'argent pour s'acheter des livres, ce qui peut vite devenir problématique...  Aussi, pour garnir sa collection, dans son petit chez soi, Roger était venu faire une tournée nocturne, histoire de trouver de quoi mettre chez lui.
Il n'avait pas encore trouvé la librairie, combattant déjà contre les détritus de l'entrée. Une peau de banane mal placée le fit se cogner contre un bac d'eau savonneuse, que des techniciens de surface avaient du oublier ici, renversant son contenu sur le sol, juste à l'entrée d'un magasin de vêtements. Entrée qui, d'ailleurs, semblait avoir été forcée... Mais ça, il n'eut pas le temps de s'en préoccuper, car le parterre glissant et humide l'avait lancé sur la serpillère, qui elle même, par un jeu de levier, l'avait propulsé dans les airs, à l'intérieur du magasin, où sa dernière vision fut d'apercevoir une silhouette. Il n'était donc pas seul ici, et vu sa trajectoire, il allait atterrir sur cet autre visiteur nocturne. Le choc fut violent, et renversa la personne au sol, sur les fesses, tandis que lui, Roger, avait heurté son visage, et s'était enroulé autour de son cou, sonné et désorienté.

Elle n'eut même pas le temps de se promener plus longtemps avec sa nouvelle tenue, la dernière chose qu'elle vit fut une petite tête à l'allure surprise, avant de sentir un truc long, gluant et qui apparement avait élu domicile autour de sa tête s'attacher à elle, elle se mit à pousser des cris hystériques en essayant d'arracher le tentacule de son visage.

" EEEEEK, UN SERPENT ! "

Encore aveuglée, elle pris le tentacule par un bout, et se mit a le faire tourner en l'air comme un lasso, avant de l'envoyer valdinguer dans un rayon où étaient suspendus des débardeurs et autre décolletés, son coeur battant la chamade sous la surprise et la peur, Astaroth alla s'assoir sur le comptoir, en reprenant son souffle.

" Bon sang, qu'est ce que c'était que cette chose ?! "

Sa curiosité et appuyée par sa confiance en ses pouvoirs démoniaques, Astaroth trouvit le courage d'aller voir ce qu'elle venait de lancer dans le rayon de vêtement, intriguée par l'étrange animal qui lui avait sauté a la figure.

" Petit, petit, petit ?... "

Nouveau vol plané. D'après le "EEEEEk" caractéristique, Roger put déterminer, malgré la visibilité restreinte que lui offrait la nuit, que c'était une femme qui fouillait le magasin de vêtements. Secouant sa petite tête verte pour reprendre ses esprits, le tentacule remarqua soudain quelque chose, de sa position bien cachée parmi les cintres et les hauts peu couverts. Cette femme dégageait quelque chose... Quelque chose de malsain. Peu habilité, cependant, aux mondes que l'homme a créé par ses croyances, il ne put distinguer rien de plus.
Profitant qu'Astaroth batte en retraite vers le comptoir, Roger descendit de son perchoir, et, aussi agile et silencieux qu'un renard, trouva une nouvelle cachette, entre deux pantalons au sommet d'une armoire.
Une fois positionné, et quand il examina plus en détail la générale démone, ses petits yeux noirs s'écarquillèrent au maximum. Pour une raison qui, j'imagine, lecteur assidu, ne t'es pas difficile de deviner. Pour retranscrire ses pensées au mot près....

WOW! Quelle paire de... Melons elle a celle là!

Les livres. Kant. Werber. Baudelaire. Voltaire. Et tous les autres. Maintenant, tout ça n'avait que peu d'importance. Des poitrines de ce genre, on en trouvait pas beaucoup, encore moins ici, au japon, où ils étaient plutôt adepte des bonnets A, ou, encore pire, des faux seins d'une taille complètement démesurée. Mais ceux là, d'après ce que pouvait voir la créature verte, ils étaient vrais. Vrais, et gorgés de vie. Et... Bleus. Bleus? Mais, les humains ne sont pas bleus...
Quel était donc ce mystère? Pour Roger, c'était là une double satisfaction: il allait avoir un bon repas pour satisfaire son appétit sexuel, ainsi qu'un mystère à résoudre. Mais la teinte de peau étrange ainsi que l'énergie démoniaque qui se dégageait d'Astaroth obligeaient Roger à la plus grande prudence... Il ne fallait pas l'approcher sans se couvrir un minimum...

Un tentacule de la main de Roger se planta dans le mur, et émergea, quelque mètres plus loin, sous le rayon jeans. Répétant la même opération encore plusieurs fois, il avait maintenant une dizaine de tentacules cachés un peu partout dans le magasin, alors que, bien caché, le tentacule principal menait ses troupes à la baguette comme des petits soldats.
Prenant le plus grand soin pour ne pas révéler sa présence, il fit bouger quelques uns des tentacules, et ignora les quelques appels que lui lançait Astaroth. Le traiter comme une bête qu'on pouvait appeler d'une telle manière, c'était une insulte grave à sa personne. Mais il passa l'éponge... Elle avait deux gros... Arguments. Oui, c'est ça, des arguments.

Du côté d'Astaroth, le magasin était vide, plus aucun signe de vie... Jusqu'à ce que, sans crier gare, l'un des rayons, situé à l'opposé de la position de Roger, se mette à bouger tout seul. Deux ou trois autres rayons firent de même, et on entendait quelque chose ramper sur le sol... Et le pire de tout... Ils étaient plusieurs.

Sa progression s'était faite à pas de loup, espérait-elle encore trouver l'origine de cette frayeur, cette bestiole avait dû décamper depuis un bon moment... Néanmoins, trop intriguée par cet étrange animal qui possédait un faciès assez curieux pour le peu qu'elle s'en souvenait, et il avait le mérite d'attirer son attention à ce point.

Mais le silence dans le magasin était trop oppressant, et ça la rendait nerveuse. Elle n'avait pas peur, juste que cette attente commençait à l'agacer, et elle espérait bien que ce satané animal sorte de son trou pour voir à quoi il ressemble...

Elle ne voyait, ni entendait les signaux que pouvait provoquer Roger. Et n'étant pas d'essence démoniaque comme les tentacules qui grouillent dans les limbes, difficile de pouvoir le "sentir"... Difficile de prédire où ce trouvait cette bestiole et elle ne voulait pas tricher. Après tout, elle était une honnête démone.

" Bon, tu va te décider à sortir de ton trou ou il va falloir que je vienne te chercher ? "

Et là, un bruit. Même, des bruits. Soit il était fameusement longs, soit ils étaient à plusieurs. Dans les deux cas, elle allait faire attention a ne pas le tuer, ou au moins en garder un. Elle pointa son doigt vers l'origine des bruits, de son doigt partit une boule de feu qui alla exploser sous les rayons, cramant certains des tentacules. Elle souffla sur son doigt d'où partait la fumée, comme un tireur après avoir vidé son chargeur.

" Je déteste jouer à cache-cache. "

" NON MAIS C'EST QUOI CE BORDEL? "

Un cri à faire sursauter n'importe qui... Un cri poussé par Roger, qui, tout droit, était sortit tout seul de sa cachette. Les yeux exorbités, la bouche grande ouverte. En même temps, il n'avait jamais, mais alors JAMAIS vu de magie. Il pensait ça impossible. Et pourtant, on venait de lancer devant lui une boule de feu. Ses tentacules auxiliaires l'avaient senti passer... Lui non. Les tentacules, à leur destruction, coupant tout échange nerveux avec le corps principal.

Lui et Astaroth étaient tous les deux là, à se regarder dans le blanc des yeux, aussi surpris l'un que l'autre. ça dura un petit moment. Après quoi, Roger, se reprenant, fonça sur Astaroth, passa sous ses bras, l'examina des pieds à la tête, examinant chaque parcelle de son corps, soulevant de sa main tentaculaire les bras de la démone quand besoin était.
Puis, finalement, s'avouant vaincu de n'avoir rien trouvé, il s'enroula autour du bras gauche de la générale qu'il remontait à toute vitesse pour se retrouver en tête à tête avec elle. Sa petite tête était toujours aussi mignonne avec ses écailles en pic, et ce malgré les deux yeux froncés qu'il montrait à la femme.

" Bon, alors, il est où le truc? Tu as une bombonne d'aérosol et un briquet planqués dans la manche, c'est ça...? Ha, non, je viens de vérifier... "

Se grattant le menton, perplexe, Roger fit pendant un court instant part belle à ses réflexions, sans s'occuper outre mesure de celle à qui il squattait le bras. Vraiment, il ne voyait pas ce que ça pouvait être... Il n'y avait pas l'air d'avoir de trucage... Alors... Est-ce que c'était de la magie? A cette pensée, le tentacule éclata d'un rire à demi étouffé. Non. Impossible. La magie, ça n'existe pas. Ce n'est pas quelque chose de scientifiquement prouvable. Elle devait avoir caché un quelconque dispositif incendiaire quelque part... C'est la seule explication...
Rassuré sur ce point, la créature gélatineuse voulu reprendre la tâche à laquelle il s'était attelé, mais fut bloqué dans son élan par le fait de prendre enfin conscience du contact qu'avait son corps contre le bras de la démone.
Il était doux... Plus que doux, il était confortable, c'était un véritable plaisir pour le toucher, et sous tant de bonheur, Roger ne put s'empêcher de retourner à ses bas instincts d'animal, et de se frotter contre ce bras tout en poussant des petit "Agroouuuuuuu" semblables à des ronronnements.

Le cri dans son dos la fit sursauter et elle aussi pousser un cri de terreur, encore surprise par ce maudit animal qui s'amusait à la faire stresser depuis dix bonnes minutes et que ça commençait à vraiment lui courir sur le haricot

Surtout que celui là, elle l'avait pas vu venir. Un animal qui parle, correctement qui plus est, c'était vraiment pas commun. Surtout quand il se met a vous monter sur le bras sans rien demander.

" Hein ?... "

Incrédule, elle regarda le tentacule lui remonter le bras et commencer à l'inspecter sur tous les angles. Durant ce laps de temps, elle se demandait si elle n'était pas en train de rêver, dans le genre rêve vraiment stupide elle avait fait rarement pire. Et là c'était pas rien, quand elle vit la petite tête de... Du... Du serpent sans écaille se pointer juste en face de son nez.

" Euh, non, pas du tout... "

Répondit-elle naïvement, alors qu'elle n'avait même pas réalisé qu'un vrai tentacule était en train de squatter son bras et qu'il commencait a se frotter dessus comme un chien en chaleur. Et là, ce fut le débordement.

" Ca suffit maintenant. "

Elle saisit l'animal par le "cou" ou du moins la zone sous sa tête et l'amena juste en face d'elle, il avait droit à une Astaroth visiblement très peu amusée de la familiarité du tentacule, alors qu'elle amenait un autre doigt juste en face du visage du "monstre", accusateur.

" Bon, d'abord, sache que mon bras c'est pas un perchoir. Ensuite, tu va m'expliquer ce que tu fiches ici et qui tu es, parce que je commence à en avoir marre de me faire surprendre depuis tout à l'heure, maudit animal ! "

Elle retira son doigt pour éviter de lui enfoncer un ongle dans l'oeil.

" Et puis d'abord, on t'as jamais appris à dire bonjour avant d'aborder quelqu'un, espèce de malpoli ? "

" Un animal!? "

Ce fut le mot de trop. Se dégageant de la grippe de la démone aussi facilement que si il glissait dans de la neige, se dressant de tout son long face à celle-ci, ses petits yeux agacés et frustrés à l'extrême, Roger n'allait pas laisser faire sans rien dire.

" Je ne suis pas une vulgaire bestiole madame. Et lâchez moi, avant que je ne m'énerve. Je ne doute pas que cet air menaçant puisse venir à bout d'un sale cabot, mais vous ne m'aurez pas aussi facilement! Et puis, après tout, la question s'applique tout autant à vous qu'à moi! Vous non plus n'avez pas votre place dans ce bâtiment à cette heure tardive. "

À peine sa réponse terminée, Roger s'ancra solidement dans le sol, et fit jaillir un beau nombre de tentacules sous Astaroth, un à chaque poignet, un à chaque épaule, un à chaque cheville, et un à chaque cuisse. De quoi la maintenir solidement en place, et l'empêcher de l'attraper à nouveau par le cou, chose qui l'exaspérait au plus haut point.

" Revenons en à nos moutons... Ha, oui... Aux dernières nouvelles, quand le but est de violer la personne en face, le but n'est pas d'être poli ou galant, agrouuuuuuuu. Non mais. J'ai juste été destabilisé... Parce que votre peau est la plus douce que je n'ai jamais touché. Et que vous avez... Des arguments de poids, qu'on ne croise pas souvent par ici. Ha, sinon, je m'appelle Roger. D'autres questions? "

Pour éviter que la générale ne s'échappe de la prise qu'il lui infligeait, le tentacule resserra l'étreinte de chacun des ses membres sur ceux d'Astaroth, prouvant à celle-ci qu'il ne plaisantait pas.

Et en plus, ce petit monstre était susceptible, allons donc... Décidément, elle pourra se vanter avoir tout vu, pendant des millénaires. Un serpent sans écaille qui parle et qui en plus peut s'énerver. Ca, ca aurait été un moment fort de son existence.

La démone regardit l'animal glisser de sa main. Pas étonnant, en étant façonné comme une anguille et aussi glissant qu'un savon mouillé, pas dur de pouvoir s'échapper d'une poigne de main aussi aisément qu'on ouvre son frigo. Surtout que celui là, avec son air arrogant et supérieur, il était déjà en train de l'énerver.

" Je pourrai en dire la même chose de toi, petit emmerdeur ! Tu crois vraiment qu'avec ta tête d'ourson tu va m'attendrir ? Et puis moi j'ai une bonne raison d'être ici: c'est les soldes ! "

Elle fut interrompue quand elle vit l'armée de tentacule sortir du sol. D'un air blasée, elle poussa un soupir, en se passant une main sur le front.

" Oh, c'est pas vrai... J'ai une désagréable sensation de déjà-vu. "

Sans réagir, elle laissa le tentacule s'enrouler autour d'elle, la soulever du sol. C'était une sensation assez amusante, souvent, mais là ca ne l'amusait pas, surtout avec le ton que prenait cet animal. Il avait besoin d'être bien éduqué.

" Ca, ca s'applique aux lycéennes naïves qui croient encore au prince charmant. Avec moi, tu t'es attaqué a un trop gros morceau, et j'EXIGE un minimum de politesse quand on m'aborde. Alors si l'envie te prends d'étendre ta famille, peut-être que si tu aurais été légèrement plus gentlemen j'aurai accepté ta proposition, mais là tu commences à m'énerver avec ton air supérieur. Et oui, j'ai une autre question... "

Le corps d'Astaroth se mit a s'entourer de flammes, brûlant toute tentacule qui avait le malheur de toucher son corps ou de s'approcher d'elle, libérant ainsi la démone de l'emprise de Roger.

" Ta mère ne t'as jamais appris à faire attention où tu poses tes tentacules, malotru ?! "

Les flammes disparurent, laissant à Roger le soin de bien réfléchir avant de reposer ses tentacules sur elle.

" Alors tu es très amusant, seulement tes mauvaise manières me rebutent. Il va probablement falloir que je te réapprenne à bien te conduire, il me semble. "

Dès l'instant où les tentacules étaient entré en combustion, Roger s'était figé. Complètement figé. La tête vers l'arrière, les yeux exorbités, et une expression laissant deviner toute la surprise qu'il avait subit. Il resta fixe ainsi pendant de longue minutes. De très longues minutes. Pendant lesquelles toute action d'Astaroth n'eut aucune importance pour lui. Face à cet étalage de pouvoirs démoniaques, le cerveau de Roger s'était bloqué, pour refuser en bloc une information qui lui semblait impossible.

Et ç'aurait pu rester comme ça longtemps. Seulement, deux tentacules émergèrent lentement du sol, le bout plié comme pour servir de visage. Les deux regardèrent Astaroth, puis Roger, puis se fixèrent, et laissèrent deviner une gêne énorme. Malgré l'absence de parole, tous deux se mouvaient comme si ils se parlaient via le langage des signes. Sur quoi faire, sur le fait qu'il fallait réussir à bouger Roger avant la fin de la nuit, et pour savoir quelle était la cause de ce "bug".
ça ressemblait à un spectacle de marionnettes, en moins drôle.
L'un des tentacules ce posa sur l'un des seins d'Astaroth, l'extrémité tournée vers son comparse pour lui indiquer que c'était ça la cause de l'arrêt de leur maître. L'autre, sceptique, pointa le tas de cendres, tout en mimant qu'il s'agissait d'un tentacule qui avait prit feu. Le premier, quand à lui, se détacha de la généreuse poitrine de la démone, et soutenu qu'il s'agissait bien d'elle la cause de tout cela.

Incapable de se mettre d'accord, les deux appendices commencèrent à se frapper et tenter de s'immobiliser. La violence est le dernier des arguments, lorsqu'on a épuisé tous les autres. D'autres tentacules surgirent du sol, les uns tentant vainement de séparer les deux qui se battaient, et les autres, au contraire, les encourageant en bougeant leur bout de gauche à droite, et de droite à gauche. Le spectacle avait quelque chose de drôle, de voir que sans leur papa ces tentacules réagissaient comme des hommes. Il y aurait eu le son, ç'aurait été hilarant. Mais Roger ne bougeait pas. Pas d'un pouce. Il était trop choqué d'avoir vu de la magie pour rester autrement que dans cette pose, bien que lui même, contrairement à ses tentacules, ne craignait pas le feu. Ni grand chose d'ailleurs.