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- Tout était parfaitement paisible, comme toujours. Il était en effet bien rare que quiconque vienne rendre visite à la Déesse Mère et cela pour plusieurs raisons. Les mortels perdaient peu à peu leur foi, ils craignaient les Dieux ou bien ils ne trouvaient tout simplement pas l'entrée. Il faut dire que la belle Déesse prenait plaisir à changer de paysage et de ce fait, son temple changeait régulièrement d'endroit.
Ce matin là, le soleil commençait à peine à se lever, mais Cybèle était déjà là et ne ratait rien du spectacle. Le temple, dressé au sommet d'une montagne aride, lui donnait une vue imprenable à des kilomètres à la ronde. Le ciel noir changea de couleur petit à petit, jusqu'à donner aux cieux une couleur emplie de lumière jaune, rose et orangée. Le vent soufflait fort et la Déesse pouvait entendre les pans de sa robe claquer et danser autour d'elle, tout comme sa longue chevelure clair et soyeuse. Elle ouvrit les bras, comme pour accueillir l'astre solaire en son sein. Sa chaleur ne tarda pas à l'enlacer toute entière. Elle s'étira longuement la nuque tandis que la tramontane jouait encore autour d'elle, bruyant, mais agréable.
Cybèle resta ainsi un long moment, jusqu'à ce que le soleil est entièrement dépassé l'horizon, puis elle rouvrit les yeux, tourna les talons et rentra dans sa chambre donnant sur l'immense terrasse où elle se trouvait une seconde plus tôt. La pièce était très grande, richement décorée et une odeur d'encens apaisante flottait dans l'air. Le grand lit à baldaquin était soigneusement fait, chaque chose était à sa place. Elle passa rapidement devant le miroir de sa coiffeuse et arrangea son épaisse chevelure blonde avant de quitter la pièce.
Un silence religieux pesait sur les lieux, comme toujours. Seul le bruit de ses pas brisèrent la tranquillité excessive. Lorsqu'elle pénétra dans la salle principale où se tenait son trône, deux énormes lions couchés de part et d'autre du siège sacré se levèrent en ronronnant et trottinèrent jusqu'à elle. Cybèle posa un genoux à terre et accueillit les fauves dans ses bras, souriante, enfouissant son visage dans leur crinière.
Bonjour mes chatons. Avez-vous bien dormit ?Les bêtes lui répondirent en ronronnant de plus belle. Alors, elle se releva et les invita à la suivre au-dehors. Elle passa de longues heures à l'extérieur, profitant de la compagnie de quelques rapaces gracieux et d'une baignade dans un torrent glacé. Elle fit un peu de lecture, assise au bord d'un précipice, puis cueillit quelques fleurs d'altitude pour en faire un bouquet qu'elle installa dans l'un des couloirs du temple. Les lieux avaient beau être vide la plupart du temps, ce n'était pas une excuse pour le négliger. Bien au contraire.
Le soleil déclinait déjà lorsqu'elle retourna dans ses quartiers pour prendre un bain moussant et parfumé et se changer pour le dîner. Cybèle était aussi maniaque pour l'intérieur de son temps que pour son hygiène personnelle. Elle était une déesse après tout.
Elle opta pour une nouvelle apparence toute de rouge.
Ses cheveux étaient du plus bel écarlate et sa longue robe à la traîne interminable s'y accordait parfaitement.Satisfaite de son apparence et de la tenue qu'elle avait choisit, elle s'accorda une courte danse solitaire dans sa chambre, puis rejoignit l'immense salle à manger où, comme par enchantement, un repas l'attendait déjà.
A cette heure, dans le temple,
une douce musique relaxante se faisait entendre. Tout était éclairé à l'aide de bougies et de lustres précieux.
Perdue dans ses pensées, Cybèle s'était installée en bout de table et rêvassait, tardant à entamer son repas. D'une main, elle caressait l'un de ses lions qui lui tenait compagnie et de l'autre, elle écrivait un poème qui venait de lui passer par la tête. Elle aimait retranscrire directement les choses, même si une assiette remplie de délicieuse victuailles lui chatouillait les narines. Elle n'était pas vraiment obligée de se nourrir, ce n'était pas vital pour elle. Mais elle aimait cela.
C'est à peu près à la fin de son poème qu'elle eut une sensation étrange. Elle releva la tête et le lion prêt d'elle s'agita. Il bondit sur ses quartes pâtes, sembla écouter, immobile, puis se mit à grogner et à se diriger lentement vers une salle adjacente. Curieuse, Cybèle reposa délicatement sa plume et se leva à son tour pour suivre le fauve.
La pièce d'à côté était un petit salon confortable, peu éclairé. Le lion semblait flairer quelque chose, sans pour autant parvenir à en trouver la source exact. Finalement, Cybèle s'approcha et posa une main délicate sur sa tête.
Allons, ce n'est sans doute rien. Si nous avons réellement un visiteur, il se montrera bien assez tôt.Sur ce, souriante, elle retourna s'asseoir et commença son repas. Elle n'était pas sotte, elle se doutait bien que quelque chose ou quelqu'un était entré dans son temple. Mais après tout, les portes étaient grandes ouvertes et si la personne ou toute autre chose que ce soit voulait se montrer à elle, il le ferait. Ou pas. En attendant, elle dégustait quelques crevettes roses du bout des doigts tout en relisant son poème. Le lion s'était éloigné pour rejoindre son comparse et tout redevint extrêmement calme.