«
Cours, Adam, vite !! »
La peur donne des ailes, affirme le vieux proverbe. Un proverbe qui n’a jamais été aussi vrai qu’en ce moment. Le long du chemin menant de la plantation à la ferme, les deux couraient à toute allure, dans une nuit noire. Habituellement, le sentier était éclairé par les bougies situées sur les autels de l’Ordre Immaculé. Mais là, toutes les bougies étaient éteintes, et la lumière venait dans leur dos, des claquements et des hurlements. Adam, fort heureusement, était jeune, et allait plus vite que sa grande-sœur, Hélène, qui lui ordonnait de courir, et de surtout ne pas se retourner.
Les hurlements, les grognements, le souffle, la chaleur infernale d’un feu aux lueurs verdâtres… Elle était là… La créature infernale, accompagnée de ses bêtes immondes !
La Bête ! Adam voyait plusieurs racines d’arbres déformer le sol, et parvint à les éviter en sautant… Mais pas Hélène, qui trébucha en hurlant. Alors, Adam, malgré ce que sa grande sœur lui avait dit, se retourna.
«
Hélène ?! -
FUIS, ADAM !! -
Mais… »
La Bête hurla alors, et Hélène le regarda à nouveau, tentant en vain de se relever. Les chiens infernaux étaient là, surplombant la colline. D’
ignobles chiens verdâtres, grands et puissants, ressemblant à de cauchemardesques spectres nimbés de vert. Ils grondèrent dangereusement en se rapprochant du jeune homme, et ce dernier, dans un sursaut, se mit à filer.
Au sommet du colline, le vert laissa progressivement la place à un rouge infernal, tandis que les créatures fusèrent vers Hélène, les hurlements de cette dernière poursuivant le jeune homme tandis qu’il filait à toute allure le long du sentier le ramenant vers la ferme familiale…
Auberge des Deux-Ours«
La Bête ! beugla le nain en reposant sèchement sa tasse.
Si fait, que j’vous dis ! La Bête ! Un monstre énorme, un molosse échappé des Enfers, voilà tout, avec sa putain de horde ! C’est un cerbère, ni plus, ni moins ! »
À l’
intérieur de l’auberge, les conversations allaient bon train. Dans cette région campagnarde, proche de Nexus, qu’on appelait « région des Deux-Vallées », une région paisible et bon vivante, l’arrivée de la Bête avait des conséquences importantes. Les pouvoirs publics se préoccupaient des séries de meurtres qu’on avait initialement attentés à des chiens errants, avant de revoir ce jugement devant l’accumulation des meurtres, les attaques envers les autels de l’Ordre (on avait uriné sur les croix, ou même mangé ces dernières), et, surtout, devant le témoignage d’un rescapé… Un jeune homme répondant au nom d’Adam.
Le village le plus touché était le village agricole le plus proche de l’auberge des Deux-Ours, Foënic. Foënic était très insatisfaite du traitement réalisé par les pouvoirs publics, qui piétinaient, et avaient juste augmenté la garde locale. Pour beaucoup des habitants, Nexus ne se préoccupait guère de ce qui, à leurs yeux, était encore considéré comme des chiens errants. Mais, suite au témoignage d’Adam, et sous l’insistance de son père, un riche propriétaire terrien, tous les notables de la région s’étaient réunis pour solliciter les guildes privées, les sorceleurs, en demandant la mise à mort du chien démoniaque, «
la Bête ». Des chasseurs s’aventuraient donc, des membres de guildes, et l’auberge était remplie.
Une auberge fortifiée, une auberge de voyage, entourée par une palissade en bois, et défendue par les soldats de Nexus.
«
Les chiens verdâtres sont des Barghests, expliquait un elfe,
des créatures qui naissent de malédictions. -
Ta gueule, face-de-pet ! » tambourina le nain.
Il but une pleine rasade de sa liqueur de cerises, s’essuya du revers de la main sa barbe poisseuse, et enchaîna :
«
C’est que des clébards démoniaques, j’vous dis ! Mon cousin Dentrôk, il en a affronté dans la mine ! Des saloperies qui s’échappent d’une Faille démoniaque, ou de ce qu’jsais un autre truc… »
Le nain termina son assertion en rotant un bon coup.
C’est sur cette réplique pleine d’intelligence que Cirillia entra dans l’auberge. La jeune sorceleuse, portant deux épées dans son dos, à la mode des sorceleurs, balaya l’assistance d’un regard. L’auberge était comblée, et, à droite, dans un coin, des pugilistes s’affrontaient, monnayant pari. D’autres jouaient au poker de dés nain, au gwynt, un jeu de carte stratégique, ou encore à la Caravane, un autre jeu de cartes importé de Tekhos.
*
Eh bien… Tout ça est vraiment charmant.*
La jeune femme s’avança alors.