Alastar aimait ces moments. Ces moments où, seul dans un appartement qui n’était pas le sien, qui était celui d’une fille, il découvrait leur intimité. À sa manière, il la partageait, et en apprenait énormément sur Cléo. Tel un amant jaloux et possessif, il explora tout, surtout ses affaires. L’Incube renifla chacune des culottes de la femme, à la recherche de cette délicieuse odeur de sexe, cette odeur que l’être démoniaque pouvait continuer à percevoir, même après que les vêtements soient nettoyés. Il s’enivrait de l’odeur de cette femme, voyant sa passion pour les dessins, pour la représentation graphique. Cette exploration silencieuse qu’il fit de son petit appartement, c’était une vraie rencontre, une manière de la découvrir, sans tabous et sans artifices. L’odeur de l’homme était inexistante, que ce soit dans sa chambre, sa salle de bains, son salon… Elle était célibataire, semblable à un magnifique fruit mûr prêt à se faire cueillir.
Le facétieux démon resta néanmoins sage. Il repensait à cette nuit torride, ce qui l’amena à devoir soulager sa frustration. Chez lui, le désir sexuel naissait vite et fort, comme une tempête qui éclaterait du jour ou lendemain. Et, en étant là, dans le refuge de cette femme, il sentait cette tempête venir, durcissant sa virilité. Néanmoins, faute de pouvoir se détendre sur elle, il alla voir une bienheureuse voisine.
Quand Cléo finit par revenir, Alastar était là, et tout en la reluquant (c’était à croire que, inconsciemment, Cléo voulait attiser son désir), il constata que, effectivement, un puissant pouvoir magique se dégageait d’elle. Lorsqu’elle posa une pierre magique contre son corps, Alastar vit ce dernier s’illuminer, sa silhouette magnifique, de celle dont on faisait les rêves, se recouvrant d’innombrables arabesques et fresques.
*C’est… C’est fascinant. Quelle merveille, quelle beauté !*
Le brave Incube en était tout secoué. Une véritable nymphe de magie, qui étincelait comme un phare, avant que la pierre ne se calme, et qu’elle ne se déplace. Tout simplement fasciné, le Diablotin la suivait silencieusement, sa magie étouffant ses bruits de pas. C’est ainsi qu’elle continua à travailler, en laissant de la musique défiler dans la pièce. Alastar, lui, était là, observant son visage, sa chevelure, réfléchissant à tout ce qu’il allait lui faire subir cette nuit. Il était sûr que c’était elle. Là, si proche d’elle, elle ne pouvait pas mentir. C’était sa présence qu’il ressentait, cette silhouette éthérée qui était venue le troubler pendant la nuit.
C’est avec un sourire amusé qu’il constata, outre les talents de la femme, l’image qu’elle venait de faire.
*Ciel, mais c’est moi ! Diable, que je suis beau !*
Visiblement, le « rêve » de Cléo l’avait marqué, et elle se redressa à nouveau, filant vers sa cuisine, où elle avait fait bouillir du thé. Elle avait mis sur son corps un gilet informe et laid, une sorte d’infâme serpillière, qui, heureusement, n’avait pas dissimulé son soutien-gorge bleu, mettant superbement en valeur sa lourde et belle poitrine. Si la projection astrale qu’Alastar avait vu avait représenté une silhouette féminine sans forme précise, il devait bien reconnaître, en ayant la femme sous le nez, qu’elle était vraiment de toute beauté. Une splendeur comme on en faisait rarement, et, de surcroît, rousse.
Le Diablotin réfléchit un peu, puis finit par avoir une idée, et se déplaça hors de la cuisine, en venant s’installer devant la tablette de la femme. Il claqua alors des doigts, un son qui se répercuta dans tout l’appartement, tout en éteignant la musique, et se matérialisa, sous sa forme usuelle, observant la tablette… Et, quand la femme s’approcha, il releva la tête en lui souriant.
« J’aime particulièrement la manière dont tu as représenté mes cornes… Cléo. »
Alastar se leva alors, et sa longue queue caudale apparut derrière lui, glissant et remuant sur le sol.
Il n’en disait pas plus sur le coup, attendant de voir sa réaction.