La galerie commerciale
Gensai était une galerie commerciale abandonnée au sein du Quartier de la Toussaint. Du moins, le terme officiel, pour désigner cette galerie commerciale, était «
en cours de rénovation », notamment si on en jugeait les panneaux de construire rouillés qui flottaient autour de ce complexe. La galerie commerciale était située à la fois à la surface et sous terre, et avait eu pour but, jadis, d’être au cœur de la Toussaint, à une époque où la crise économique n’avait pas ravagé le quartier, et contraint la plupart des commerçants à devoir fermer boutique, gangrénés entre des recettes insuffisantes, l’insécurité galopante, et les multiples taxes locales, qu’elles émanent du gouvernement ou des Yakuzas. Le concept de base était, avec la construction du métro, d’avoir, au centre de la Toussaint, une station de métro centrale, s’articulant autour d’un lieu de vie, avec un parc, des aires de jeux pour enfants, et une grande artère commerciale, qui s’étalait donc sous le sol, depuis la station de métro, sous un immeuble d’habitation, avec, sur le devant, un grand parc. Le projet avait été bien entamé, mai, quand certains conseillers municipaux avaient réalisé qu’il n’était pas dans leur intérêt, ou, plutôt, dans l’intérêt des Yakuzas, de redynamiser un quartier qui survivait très bien grâce au marché de la drogue, et que la venue d’individus risquait de mettre à mal, on avait trouvé de multiples moyens de ralentir le projet. Au final, que restait-il du «
projet Gensai » ?
Un parc abandonné, avec des aires de jeux que les familles utilisaient le jour, et une station de métro abandonnée sous un immeuble lugubre, insalubre, et où les Yakuzas, propriétaires des murs, n’avaient guère envie de donner de l’argent pour reconstruire l’ensemble. La triste image d’un pays qui, après un essor économique fulgurant, subissait les contrecoups de son économie.
Gensai était un endroit où la police traînait peu, d’une part parce que c’était souterrain, et d’autre part parce qu’on savait très bien que ce n’était pas l’endroit où de simples touristes innocents se rendaient. On y organisait des fêtes chargées de drogues, d’alcools, où les touristes américaines finissaient droguées, et se réveillaient dans l’arrière d’un fourgon, à des milliers de kilomètres de là, pour être vendues comme esclaves... Si ce n’est dans une autre dimension.
Le mal commun à toute société qui se laissait être gangrénée par la misère et la pauvreté... Mais, récemment, un mal plus sinueux s’était instauré dans
Gensai. Non pas que le trafic de stupéfiants, la prostitution, soient négligeables, mais, quand on parlait de vampirisation, et de Faille démoniaque, Rayne avait tendance à considérer que c’était plus important.
«
Porfyro se rend dans la station... -
Méfie-toi de ce que tu trouveras là-dedans. Si Ephemera est vraiment derrière tout ça... -
Severin... Je sais de quoi elle est capable. Tout comme je sais aussi, que lors de notre dernière rencontre, j’ai failli la tuer. -
C’est une leçon qu’elle a retenu, elle s’est améliorée depuis. Et, si elle compte vraiment récupérer l’ancien empire de Kagan... -
Et bien, je suis là pour empêcher ça, non ? »
Severin était un ancien agent de liaison, à l’époque où Rayne travaillait avec la Brimstone. Et Ephemera, elle, était son ancienne amante. Mais, dans leur petite vie romancée, Kagan était un jour venu voir son ancienne fille, et lui avait révélé qui elle était. Ephemera avait renié son amour, et était devenue... Et bien, la salope intersidérale qu’elle était actuellement, et accessoirement l’une des sœurs de Rayne.
L’une des rares qu’elle n’avait pas encore tué, en réalité, et ce n’était pas faute d’avoir essayé, mais la pute était aussi lâche que vicieuse. Lors de leur dernier combat, elle avait affronté Rayne dans un zoo, avec l’aide de ses foutus ninjas, un combat particulièrement éprouvant, et Rayne avait grièvement blessé Ephemera, manquant de peu de la tuer. Sa sœur s’était enfuie, et avait laissé Rayne régler ses comptes avec leur père, le
Maître vampire Kagan.
Kagan avait alors développé une sorte d’arme futuriste, le Linceul, une arme bactériologique qui consistait à balancer dans le ciel une sorte de vaporisant rouge reposant sur du sang, et dont le but, concrètement, était d’améliorer sensiblement les pouvoirs des vampires. Rayne n’avait pu empêcher le Linceul de se lancer, et, pour la Brimstone, une société secrète fondée il y a des siècles en Angleterre pour combattre les vampires, cet échec était un aveu de trahison. Severin et Rayne avaient été virés, et, après avoir réussi à stopper Kagan, ils avaient décidé de le traquer. Le Linceul avait été détruit, mais Kagan avait survécu, tout comme les deux sœurs tarées de Rayne :
Ferril, la plus forte des trois, mais aussi la plus stupide, et
Ephemera, la plus vicieuse, et la plus sournoise.
Sympathique famille, fondée selon les principes d’un vampire dément et mégalomane, dans la haine et la souffrance.
Rayne les traquait depuis des années, et avait éliminé la plupart des membres de sa famille. Et Ephemera était sur sa liste.
Porfyro, lui, était un simple vampire, qu’elle pistait depuis quelques semaines... Depuis qu’elle avait appris qu’Ephemera avait installé une cellule vampirique à Seikusu. Il aurait été inutile de le tuer. Porfyro était un jeune vampire, avec tout ce que les jeunes vampires avaient d’arrogants. Il s’enfilait des rails de coke, fous de joie de constater que les anticorps vampiriques le protégeaient très bien des effets négatifs de la drogue, et s’enfilait les putes. Repérer ce boulet avait été enfantin, et, maintenant, la souris avait mordu à l’hameçon.
Ephemera était là, à l’intérieur, Rayne le sentait...
Et l’endroit était lourdement gardé. Elle en était encore à la phase de repérage, dans le parc, en cherchant comment entrer, et en espérant pouvoir en finir avec cette salope, cette fois.
La simple idée de voir sa tête tranchée entre ses genoux, ça avait de quoi la faire mouiller...