Et déjà une barrière se brisait entre les deux personnages. Certes, ils n’étaient pas encore au niveau du tutoiement, mais comme toute chose avait un début, c’était un excellent départ qui confortait le seigneur du peuple perdu sur ses compétences en matière de cour et de belles lettres.
« _ Il en sera fait selon vos ordres … Skye. »La manière si sublime, si douce dont prononça Losgar le nom de la souveraine avaient un impact très particulier. Souffleté comme la brise d’un printemps après un rigoureux hiver, elle avait l’effet d’une délicieuse mélodie. Des frissons pouvaient parcourir la peau des gens lorsque le guerrier de l’espace jouait des mots avec ce timbre envoutant. Le genre de frissons qu’on ressent après un plaisir ravissant.
Ensembles, ils préparèrent couvertures, eau et nourriture pour se sustenter. Tandis qu’il scrutait l’extérieur à la recherche de quoi que ce soit risquant de venir troubler leurs repos, la reine dorée alla défaire son armure, cachant sa vertu derrière son destrier. Respectons son intimité, il obtempéra d’un hochement de tête affirmatif à la demande de Skye.
« _ C’était d’ailleurs mon intention. Je ne tarderais pas … et je ne serais pas loin non plus. »Il s’aventura alors à l’extérieur, dans l’obscurité la plus totale et le silence le plus inquiétant. C’était l’atmosphère typique d’un vieux film d’horreur, avec les ombres, les paires de yeux derrières les buissons et les quelques bruits angoissants qui troublaient le silence pesant des landes désolées. Les prédateurs étaient des rois tyranniques régnant sans partage sur ces terres et menaçant le voyageur égaré d’une mort atroce entre leurs crocs monstrueux.
Mais ici, les rôles étaient inversés. Car le prédateur était Losgar. Cette nuit, il était au sommet de la chaîne alimentaire et ferait régner sa propre loi de la jungle à quiconque contestera sa suprématie naturelle.
Et la nature, capricieuse, sembla vouloir vérifier cette thèse dans la très célèbre loi de la sélection naturelle en opposant l’intrus à un des terrifiants canidés qui rôdaient entre les rochers asséchés. Alors que le Noxien rassemblait tranquillement les nombreuses branches et buches traînant sur le sol stérile, un grondement tonitruant dérangea sa quiétude. Un imposant loup d’une taille défiant l’imagination se campait sur ses pattes musclées, les babines retroussées pour laisser apparaître une rangée de crocs aussi aiguisés que les lames d’un rasoir. Des griffes aptes à éventrer un troll et un regard bestial complétaient la vision d’horreur qu’offrait cette force de la nature.
L’homme se retourna, et le silence se fit, oppressant. Le temps lui-même semblait s’être tut pour assister à ce combat. Rien ne vint troubler cet instant où les deux opposants se jugeaient du regard. Mais là où celui du loup exprimait un appétit primitif et un instant de prédation aiguisé, celui de Losgar était plutôt à mi-chemin entre l’ennui désabusé et une sorte d’intérêt soudain. Une idée germait dans sa tête alors qu’il laissait tomber le bois. Oui … ça pourrait plaire à la reine.
Au moment même où les branches percutèrent le sol rocheux, la bête se jeta sur lui, toutes griffes dehors, prêtes à le déchiqueter comme un vulgaire daim. On entendit un hurlement bestial, puis plus rien.
Un certain moment plus tard, Losgar revint vers la caverne où l’attendait Skye. Cette dernière, habillée d’une tenue des plus ravissantes, attisaient l’émerveillement silencieux du prince déchu, appréciant ce style vestimentaire qui laissait paraître sans être vulgaire les courbes douces et juvéniles de la belle souveraine.
Losgar avait une surprise pour elle. Mais d’abord, il disposa en une pile ordonnée le bois du campement en l’encerclant de quelques pierres pour le maintenir en place. Skye utilisa alors pour la première fois devant le Noxien ses dons magiques, embrasant les buches et offrant ainsi lumière et chaleur aux voyageurs crispés par le froid.
« _ Votre secret sera bien gardé. Oh … je vous ais apporté un petit cadeau pour vous tenir au chaud. »Sur ces paroles, il sortit, puis revint avec en main nulle autre que la peau du loup. La peau formait un manteau chaleureux de fourrure grise, et aurait été vendu contre une petite fortune dans les marchés des grandes métropoles. Doucement, il déposa le manteau royal contre les épaules de la souveraine, avec une tendresse respectueuse.
La tâche fut quelque peu corsée, mais il était fier du résultat. Après avoir abattu la bête, il la dépeça à l’aide de l’un de ses crocs, par manque d’outils adéquats, et traîna la peau sanglante jusqu’à un cours d’eau où il put la laver puis la faire sécher à grand renfort de pouvoirs finement dosés. Mais voilà le résultat était très satisfaisant. Un cadeau digne d’une reine !
« _ Je trouve que le manteau vous va à ravir. Il vous donne un côté … envoûtant. » Murmura son garde-du-corps avant de s’installer sur sa couverture avec une certaine attitude décontractée, sourire aux lèvres et les yeux faisant miroiter la lumière du feu crépitant.
« _ Un côté presque surnaturel, relevant du divin. Mais ce n’est que mon humble avis d’admirateur. »