Un petit imprévu. [PV: Malk]

Encore une soirée comme les autres. Il était 20h40 et bientôt l'heure pour la nonne d'aller se coucher. Encore une petite heure pendant laquelle elle allait prier, bénir le Seigneur et le remercier pour tout ce qu'il avait fait pour elle. Il était vrai que, depuis qu'elle avait quitté ses parents pour rejoindre l'Ordre, Arphélia menait une tout autre vie. Bien moins palpitante, certes, mais finalement cela lui convenait bien. Si ses parents n'étaient pas intervenus, elle aurait très certainement sombré dans la débauche.

La Mère Supérieure prit place sur l'autel et Arphélia, ainsi que les autres nonnes, s'assirent sur les bancs en bois afin de prier.

- Remercions le Seigneur pour toutes les grâces reçues au cours de cette journée. Supplions-le d'apporter son secours aux plus démunis, de répondre aux besoins de l'humanité.

La blondinette ferma les yeux et se mit à prier, comme toutes ses soeurs. Toutefois, elle ne parvint pas à se concentrer bien longtemps, trop envahie par les bons souvenirs de son ancienne vie. D'accord, le sexe lui manquait mais pas que. Les petits plaisirs de la vie aussi ... Manger quelques biscuits à 16h, bronzer sur la plage, boire du soda bien frais, sortir avec ses amis... En quelques mots, profiter de la vie. Elle était entièrement dévouée à Dieu et en un sens, peut-être que cette façon de vivre lui offrirait un ticket pour le Paradis. Qui sait ?  Une chose était sûre, elle n'avait aucune envie de passer l’éternité en Enfer. Bien sûr, elle ignorait ce qui s'y trouvait mais s'imaginait le pire... Des femmes mutantes, capables de s'ouvrir le ventre pour en sortir un tentacule monstrueux et visqueux. La nonne savait que si elle replongeait dans le vice, ces drôles de femmes allaient l'attendre de pied ferme.

L'heure finit par s'écouler et lorsqu'Arphélia ouvrit les yeux, il ne restait plus qu'elle et la Mère Supérieure. Celle-ci vint prendre place à ses côtés et la fixa, le regard compatissant.

- Tu as l'air perdue dans tes pensées, ma fille.

Arphélia admirait tout particulièrement cette vieille femme. Chaque fois qu'elle n'allait pas bien, sa voix apaisante et son incroyable gentillesse lui redonnaient le sourire. Aussi, elle se confia sans hésiter.

- Ma mère... Il m'arrive parfois de regretter mon ancienne vie. Non pas que je n'aime pas celle-ci, bien au contraire mais... C'est différent.

Comme toujours, elle se montrait compréhensive. Elles parlèrent pendant de longues minutes jusqu'à ce que la Mère Supérieure aille se coucher, laissant à Arphélia le temps d'une dernière prière avant d'y aller à son tour. La pièce était quasiment sombre, maintenant. Les quelques bougies présentes étaient posées sur l'autel, éclairant seulement le fils de Dieu sur son crucifix. La nonne ferma de nouveau les yeux, priant pour que sa vie connaisse quelques rebondissements ...

Comme une araignée, la main décharnée du guerrier se cramponna à la porte de la chapelle... dans un sinistre grincement elle se décida à bouger, poussé par le simple poids de l'homme. Ses jambes chancelantes le firent rentrer tandis que ses lourdes épaules tremblaient, comme accablé par un mal invisible. Ses yeux vitreux et aussi sombres que l'obsidienne, fixaient le fond de la pièce.
La lourde épée qu'il trainait dans son sillage faisait un bruit épouvantable et seul son souffle rauque parvenait à surpasser ce vacarme. Le râle rauque d'un animal agonisant, d'un buffle au frontière de la mort après un terrible effort.

Sa main libre vient serrer quelque chose contre sa poitrine, comme une extension de son cœur. Il grimaça, hurla avant de tomber un genoux au sol, courbant l'échine pour cracher du sang.
Il sembla pousser son corps dans des limites extrêmes, ses muscles se bandèrent plus que de raison, faisant apparaître un grand nombre de veine.
La lame se souleva pour aller se coincer dans le bois d'un banc... emporter par l'élan le guerrier se releva et fit quelque pas en avant avant de tomber lui aussi dans un autre banc qu'il fracasse de son crâne.
Il s'écroula au sol et roula sur le dos, murmurant des mots qui n'avaient pas de sens, pas d'origine et pas d’existence sur ce plan astrale. Il cramponnait toujours quelque chose qui se trouvait au niveau de son cœur... laissant ses yeux entièrement noir partir dans tout les sens.

Donan n'était pourtant pas homme à se laisser abattre aussi facilement. Et bien qu'il ne présentait pas de blessure apparente, son corps semblait avoir longuement combattu.
Il était à bout de souffle, un long filet de bave et de sang se perdait dans sa barbe et son front se perlait de sueur... sa respiration s'accéléra au point d'atteindre un rythme effrayant et ses jambes frappait de temps à autre dans le vide, balayant se qui se trouvait sur son passage.
Il cogna l'arrière de son crâne plusieurs fois avant d'inspirer à pleine poumon pour prononcer c'est quelques mots.

- Pitié, donne moi la putain de force... sale... trou du cul ! J'arracherais ton âme de ce corps !

Une seule voix mais deux timbres différents, comme si il était possédé par un être à la voix plus sombre et surréaliste.

La prière touchait à sa faim et Arphélia se releva lentement du banc sur lequel elle se trouvait. Marchant vers l'autel, elle tendit les doigts pour attraper une pince-éteignoir puis éteignit une première bougie. Et, avant qu'elle n'ait le temps d'en éteindre une autre, un bruit assourdissant vint l'interrompre. La nonne sursauta, lâchant l'objet qu'elle tenait sous la surprise. Qui donc pouvait provoquer un tel vacarme ? "Qui" ? Non... Peut-être "Quoi". La nonne en était convaincue; les femmes aux tentacules débarquaient pour l'emmener de force en Enfer. Pourquoi diable avait-elle songé au passé ?! Tremblant de toute part, elle saisit le crucifix autour de son cou et inspira profondément.

La bête derrière elle semblait traîner quelque chose ... Peut-être une hache ou une épée...? Des bruits inhumains contrastaient avec le silence habituel du convent et Arphélia faillit tourner de l'oeil. Cependant, un hurlement suivit d'un gros "BOUM" la firent se retourner. Elle constata alors avec stupeur qu'il ne s'agissait non pas d'une femme mutante mais d'un homme gravement blessé et affaibli. L'inconnu marchait avec peine et, en tombant, fracassa l'un des bancs en bois rien qu'avec son poids. Une véritable montagne de muscles, un colosse comme on en voit dans les films de combat. Il tomba lourdement sur le sol et la nonne se rua sur lui pour lui venir en aide.

- Monsieur ! Monsieur, vous allez bien ? lui dit-elle d'un ton paniqué.

Il était là, par terre, murmurant des mots incompréhensibles. Ses yeux sombres partaient dans tous les sens, comme s'il était fou, voire possédé par un démon. Arphélia déglutit, se redressant doucement. Elle devait l'exorciser, là, tout de suite, mais en était incapable. La jeune femme n'avait jamais pratiqué l'exorcisme et ne savait pas comment l'aider. Prévenir les autres reviendrait à signer son arrêt de mort. Horrifiée, la nonne commençait à se perdre dans ses réflexions. Elle refusait de se lancer dans des rituels qu'elle ne maîtrisait pas.

- E-Ecoutez ! Je... Je vais chercher de quoi vous soigner !

Sur ce, elle partit dans l'ombre et revient quelques minutes plus tard avec une bassine d'eau chaude, quelques serviettes et de l'alcool. Là, elle s'agenouilla à ses côtés et commença à nettoyer ses plaies d'une main tremblante avant de les désinfecter. Et, tout en s'appliquant pour le soigner, elle se mit à prier tout bas dans l'espoir que Dieu lui vienne en aide.