La dernière fois qu’ils s’étaient parlés, sur son île privée, les choses ne s’étaient pas très bien passées. Doutzen reconnaissait volontiers qu’elle avait sa part de responsabilité dans ce désastre, et qu’elle avait sans aucun doute blessé Alex avec cruauté. Les torts n’étaient pas exclusifs, bien entendu, comme souvent le cas, mais elle n’avait pas envie de jouer à se renvoyer continuellement la balle. Elle prenait sa part, et, cette fois, elle ne pouvait pas tout mettre sur le dos de Reto, comme elle en avait généralement l’habitude. Son « père », à ce moment, se désintéressait d’Alex, ne le voyant guère que comme un rival. Mais, maintenant ? Alex venait de faire un retour explosif dans sa vie, une vie qui ne cessait de se compliquer. Outre Reto et Alex, Doutzen était en effet maintenant proche d’une autre personne : Aoki Kou, sa « Maîtresse », dont elle se demandait comment les choses allaient évoluer entre elles.
Alex revenait donc dans sa vie, et l’homme avait visiblement... Changé. Même sans tenir compte de la situation actuelle, du chaos ambiant qui résultait, il paraissait négligé, fatigué. Doutzen l’avait plaqué férocement, car elle avait espéré que, ce faisant, Alex puisse retourner voir Kelly, puisse retourner assurer ses fonctions de père... Ce qui, visiblement, était difficile, même si Doutz’ n’avait pas vraiment d’informations là-dessus. En fait, elle ne savait pas vraiment comment aborder sa situation avec Alex. Pour elle, l’homme appartenait au passé, un passé dont elle n’était pas très fière, mais qu’elle estimait tout de même comme étant révolue. Et pourtant, il était là, face à elle, la replongeant dans une série de questions... Marrant de voir comment, après avoir risqué la mort, l’esprit humain revenait à des problématiques simples et ordinaires, comme une sorte de moyen de se protéger.
Elle sourit quand l’homme avoua être ravi de l’avoir revue, et elle hocha la tête.
«
Oui... Moi aussi. »
Difficile de parler, difficile de se concentrer, car elle était encore secouée. La jeune femme se mordilla les lèvres. S’il n’y avait pas sa caractère de petite femme naïve et fragile, elle aurait vraiment l’apparence d’une femme fatale dans sa longue robe rouge. Il ne manquait plus que les lunettes. Encore un peu, et elle ressemblerait à Ada Wong !
«
Je... Je sais que c’est un peu tard, et que ce n’est pas vraiment le moment, mais... Je suis désolée... Pour la dernière fois. Je... J’ai été méchante, et... Je le regrette. »
Elle venait de le dire, spontanément, et ce n’était pas Reto qui parlait, ici, mais bien elle. Avoir rencontré Aoki il y a quelques semaines avait aidé Doutzen à aller mieux, et à mieux admettre ce qu’elle était. Reto avait fait d’elle une prostituée, mais c’était Seikusu qui l’avait transformé en perverse. Elle ne pouvait pas tout reprocher à Reto.
Le van ralentit brusquement, et s’arrêta dans un crissement de pneus... Puis les portes arrières s’ouvrirent alors. Le van venait de débarquer dans la cour de la maison de Reto, et Doutzen vit trois hommes : deux hommes de main... Et
Reto, au milieu de ce duo, venant d’ouvrir les portes.
«
Monsieur Sanderson ! Il était temps que nous nous rencontrions, vous ne croyez pas ? »
Reto parlait d’une voix forte, puis son regard se tourna vers Doutzen.
«
Tu n’as rien, ma puce ? »
L’intéressée secoua négativement la tête.
«
N-Non... -
Bien ! Parfait, parfait ! Tu vois que tu en étais capable, ma chérie... »
Doutzen n’osait rien dire, et Reto s’écarta, leur faisant signe de sortir. Doutzen descendit la première, posant ses bottes sur le gravier. Le van s’était arrêté sur une cour face à un long escalier en pierre menant à la villa japonaise. C’était le refuge de Reto, un manoir planté au milieu de la ville, un ancien sanctuaire shinto reconverti en maison il y a des décennies de cela. Quand ce fut au tour d’Alex, Reto posa une main sur son épaule, avec un sourire sur les lèvres :
«
Qui aurait cru que ce soit moi qui vous sauve, Monsieur Sanderson ? Mais il semblerait que vous ayez plus d’importance vivant que mort, et que je préfère vous voir à la tête de votre société que six pieds sous terre. »