Ce monde était autant un cirque que celui qu’il avait connu, si ce n’est plus. On aurait puc roire que retrouver un monde plein de vie et d’ardeur, après l’enfer qu’il avait quitté, lui aurait plu, mais, au contraire, voir tous ces visages, ces rues bondées, la télévision balançant ses émissions minables, ne faisaient que lui rappeler ce qu’il avait vécu... Et perdu. Il y avait bien longtemps que l’alcool ne pouvait plus le rendre ivre, à cause de son facteur autoguérisseur, et, s’il se rendait aux bars le soir, c’était plus par habitude qu’autre chose. Seikusu abritait, fort heureusement, une bonne communauté d’Occidentaux, de gaijins venant principalement des États-Unis. Une communauté qui avait commencé à fleurir quand le Japon s’était ouvert à l’étranger, pendant l’ère Meiji, et surtout pendant la période de reconstruction et d’occupation américaine qui avait suivi la capitulation du Japon, et où les Américains s’étaient installés au Japon, et avaient reconstruit le pays en assurant sa sécurité.
Le Japon était un pays que Logan connaissait très bien, et pour cause. Il s’était imprégné de la culture japonaise, et avait même aimé une Japonaise, à une époque, Mariko Yashida. En continuant à mener ses recherches sur Internet, il avait appris que, sur ce monde-là aussi, il y avait eu une Mariko Yashida, dont le père était également un seigneur du crime, et qui avait été assassiné. Deux dimensions parallèles, mais, à chaque fois, la même histoire. Savage lui avait dit que ce monde était très proche du leur, mais il était loin de se douter à quel point, et ceci ne pouvait que le troubler davantage. S’il ne s’était pas encore manifesté auprès du SHIELD, ou auprès de la communauté des justiciers, ce n’était pas sans raison. L’homme n’avait aucune confiance dans le SHIELD, et, outre cela, il était encore désorienté, perdu... Quelle était sa place dans ce monde ? Il ne pouvait pas être Wolverine, car Wolverine existait déjà. Quant aux X-Men... Ils étaient aux abois. Le Jour-M avait décimé le peuple mutant. Logan était venu ici pour empêcher que le scénario qu’il avait connu ne se réitère, mais il doutait sincèrement de réussir à faire évoluer les choses, maintenant.
*Est-il déjà trop tard pour que je puisse faire quoi que ce soit ? Ou suis-je devenu lâche avec le temps ?*
Il errait ainsi dans les rues de Seikusu, avec comme zone fixe le foyer de Marie-Hélène. Un édifice qui avait justement été fondé pendant la reconstruction japonaise. Seikusu avait été ravagée en profondeur, et une Occidentale, Marie-Hélène Dubreuil, d’origine française, avait choisi de fonder cet endroit. Elle avait quitté son pays, la France, avec ses parents dans les années ayant suivi le krach boursier, et avait toujours eu le cœur sur la main, son père étant un médecin qui avait rejoint la Croix-Rouge. Marie-Hélène avait vu avec horreur le monde s’enfoncer dans une guerre sous la montée des totalitarismes et des régimes dictatoriaux. Elle avait fondé ce foyer, et, des années après, il était toujours là. Le foyer était à la fois une structure d’accueil, d’hébergement, et une association de quartier, bénéficiant de subventions émanant de la mairie. Des subventions maigres. Logan s’en était rapidement rendu compte en voyant l’état de délabrement des murs, les fuites d’eau, l’isolation, le système électrique complètement usé. Hélas, Seikusu était gangréné par la criminalité organisée, et la gérante du foyer ne voulait pas avoir affaire aux Yakuzas.
« Notre position est compliquée, lui avait-elle expliqué. Après la guerre, les Yakuzas ont profité de l’état de délabrement de la ville pour récupérer la nue-propriété d’une grande quantité de terrains. Ils les ont rachetés pour des bouchées de pain, ou ont volé les plans cadastraux. Notre bailleur est un Yakuza, un Yakuza qui aimerait bien nous expulser. Nous nous accrochons, mais la situation est tendue. »
Le foyer avait l’assistance de plusieurs juristes bénévoles pour faire valoir leur dossier devant les tribunaux, mais, fréquemment, ces derniers étaient menacés par les Yakuzas, ce qui faisait que le dossier était mal parti. Logan avait ainsi appris que la ville vivait sous la coupe réglée des clans yakuzas, notamment du clan des Guramu. Il était le plus grand clan de la ville, un clan historique, qui avait été fondé dans les années ayant suivi la création du port de pêche de Seikusu. Logan était bien placé pour savoir que, au Japon, la criminalité organisée était une inébranlable institution. Il les avait déjà affrontés dans le passé.
L’homme travaillait bénévolement pour le foyer, où il se faisait appeler « Monsieur Logan ». Il réparait le bâtiment. Les travaux manuels ne l’effrayaient guère, car il avait après tout, dans une autre vie, et dans une autre époque, bâti sa ferme... Sa ferme pour ses enfants. Jean et Scott... Leur simple mention suffisait à l’attrister, et, même s’il était dans un autre univers, leur souvenir continuait à le hanter. De tout el désastre qu’était sa vie, Jean et Scott avaient été ses seules réussites, et il les avait également perdu.
En cet après-midi, l’homme était dans le séjour du foyer, ou, plutôt, dans une pièce attenante à ce dernier, changeant les fusibles, grommelant dans sa barbe quand il se faisait électrocuter.
« Saloperies de fusibles à la con... grommelait-il »
Entendant un bruit de pas dans son dos, il se retourna brièvement, et vit Ashley filer en le saluant. L’homme répondit en hochant la tête.
« Fais gaffe à toi, petite... »
Il n’était pas sûr qu’elle l’ait entendue. Ashley était un joli brin de fille, mais du genre à foutre le bordel. Il savait qu’elle avait de mauvaises fréquentations, et qu’elle avait un casier judiciaire. Elle était belle, avec sa chevelure blonde et ses beaux yeux bleus, mais c’était une beauté qui attirait les pervers. Logan ne dit rien de plus, retournant s’occuper des disjoncteurs... Quand il entendit un hurlement, et reconnut clairement la voix.
*Ashley !*
Logan, qui portait un débardeur blanc et un simple treillis, se rua dehors, débarquant sur le trottoir. Il vit alors des individus avec des cagoules et des vestes noires, se rapprochant d’un van.
« ASHLEY ! »
L’un des tueurs tourna brièvement la tête vers lui, puis il vit le van filer rapidement. Logan s’élança alors à sa poursuite, se mettant à courir, mais même lui ne pouvait espérer distancer un van. En soupirant, il regarda autour de lui, et aperçut un scooter arrêté à un feu rouge, feu que le van avait allégrement grillé.
*C’est pour la bonne cause...*
Le mutant s’élança vers le véhicule, et renversa l’adolescent.
« Pousse-toi, petit.
- Hey nan mais ça va pas, sale taré ! Hey ! Ma bécane !! »
Logan s’élança sur cette dernière. Rien à voir avec une Harley-Davidson, il avait l’impression que tout son corps ressortait de partout sur cet engin minuscule et pétaradant, mais, au moins, pouvait-il rouler. Il partit sur la gauche, filant le long d’une rue piétonne, faisant hurler plusieurs piétons, et rejoignit ensuite une autre rue, où il vit le van noir en train de rouler.
*Oh ça non, vous ne filerez pas ainsi, sales enfoirés !*
L’homme mit les gaz, poussant le moteur du scooter à fond, tout en se rapprochant du van. Son objectif était de sauter dessus, et de récupérer Ashley à coups de griffes. Plus jamais un môme ne mourrait par sa faute ! Quels que soient ces connards, ils allaient vite apprendre de quoi un mutant avec des griffes en adamantium était capable !