L’acte sexuel est bien souvent comparé à une danse, et s’il est possible qu’une telle métaphore puisse échapper à plus d’un, elle est en réalité aisément explicable, car il s’agit d’une activité à laquelle on s’adonne typiquement en duo (il existe bien des pratiques qui nécessitent plus de deux participants, mais elles ne sont pas parmi les plus courantes) et pour laquelle pratiquer il est nécessaire de s’harmoniser avec son partenaire, de faire corps avec lui afin que les mouvements exécutés puissent se faire sans molester la personne au contact de laquelle on s’agite : parfois, au début, on hésite, on se cambre, on est nerveux, on se marche sur les pieds, puis généralement, peu à peu, on se laisse entraîner par la musique et les gestes acquièrent de l’assurance, on se laisse aller à des hardiesses, on ne craint plus de virevolter et de faire virevolter, et dans le meilleur des cas, toute la gestuelle se confond en un tout souple et gracieux qui se poursuit sans jamais devoir sembler s’achever jusqu’au pas final où toute la tension retombe alors, laissant le couple apprécier la performance à laquelle il vient de s’adonner.
Pour le moment, le musicien en chef qu’était leur sang battant à leurs tempes n’avait pas encore donné la pleine mesure de sa ferveur, mais il avait dépassé le stade de l’échauffement et commençait à entraîner les deux humains allongés sur le canapé dans une succession d’attouchements qui repoussaient toujours plus les barrières dressées entre eux, les rapprochant à chaque minute qui passait alors que, l’un après l’autre, les vêtements dont ils étaient couverts tombaient pour que l’homme comme la femme pût apprécier la beauté du corps qui se présentait à sa vue, mais aussi à son toucher. Toute trace de gêne était absente, seules subsistaient quelques crispations qui se manifestaient de temps à autre en des rémanences de la vulnérabilité dans laquelle ils s’étaient retrouvés en se donnant à autrui, avant de disparaître sous la simple certitude que l’être même qui les étreignait était celui qu’ils désiraient sans s’en dédire.
Hisae en particulier devait faire preuve d’une confiance impressionnante, puisque si Saïl était quelqu’un de relativement dépourvu d’attaches ayant acquis un tempérament plutôt baroudeur au fil des mois, elle était bien plus liée à Seikusu, en particulier aux locaux dans lesquels se déroulaient leurs ébats, et si jamais cet étranger qu’elle avait accueilli devait s’avérer être un scélérat, elle se retrouverait bien plus vulnérable que si une telle éventualité se présentait inversement. Tel n’était pas le cas, car même en sondant l’esprit du médecin jusque dans ses recoins les plus cachés, on aurait été bien en peine d’y trouver la moindre pensée malveillante à l’égard de cet ange si désirable : véritablement, il aurait décroché la lune pour elle, même si, à en juger par l’éclat transcendant de ses iris, elle était déjà plus que convenablement dotée niveau astres, les saphirs d’un bleu irréellement profond paraissant luire d’un éclat propre qui envoûtait le jeune homme.
Il savait que, si enthousiasmée qu’elle pût être par sa libido visiblement exacerbée par la situation ainsi que par les bons sentiments qu’elle se sentait à son égard, il ne devait pas être facile pour elle de se donner ainsi à quelqu’un qu’elle connaissait à peine, aussi observait-il parfois quelques pauses dans ses gestes sans pour autant rompre le contact avec elle afin de la laisser poursuivre sa découverte de lui : comme pour une démarche scientifique, elle observait, s’interrogeait, tâtonnait –au sens figuré comme au sens propre, pour le plus grand bonheur de son amant-, sauf qu’il n’y avait pas de raisonnement derrière tout cela, simplement des envies charnelles et une passion sincères que celui qu’elle parcourait, caressait, dénudait, lui rendait sans réserve. Rien de proprement transcendant, de vorace ou de torride dans leurs agissements, mais tout n’était que douceur, et les délices dont cela emplissait cette nuit complice valaient bien la partie de jambes en l’air la plus endiablée : lui comme elle étaient manifestement d’un naturel doux qui n’aimait ni brusquer ni être brusqué, et pour cette raison, chacun allait à son rythme, confiant dans le fait que cela n’incommoderait pas son partenaire.
Toutefois, afin de ne pas faire dire à la situation ce qu’elle ne voulait pas dire, que les choses soient claires, l’ambiance était loin d’être platonique, l’air se teintant de l’odeur pénétrante des phéromones enivrants que dégageaient les deux corps en ébullition en un appel instinctif à une étreinte ardente, les envies sexuelles trouvant les signes de leur existence dans la chaleur qui ne cessait de grimper ainsi que dans la respiration presque haletante des deux jeunes personnes, plus spécifiquement dans les soupirs d’Hisae de même que dans la façon dont elle se mordait la lèvre, et dans les mouvements de Saïl qui ne cessaient de gagner en vitesse alors que son érection s’affirmait.
L’adolescente gagnait en assurance, et celle-ci se manifesta dans le sourire ensorceleur qu’elle afficha, sa bouche perlée de fines dents blanche formant comme ce croissant de lune surnaturel en lequel consistait l’énigmatique expression enjouée du chat du Cheshire ; et à l’instar d’un chat, elle se redressa pour le pousser en arrière de ses mains et l’inviter à prendre une posture moins dominante qu’il adopta sans broncher, ayant ainsi tout le loisir d’apprécier en contre-plongée ces courbes voluptueuses qui lui mettaient l’eau à la bouche. A voir le regard qu’elle lui lança, il sentit un frisson lui parcourir le corps, et eut la pensée fugace que si elle lui avait ordonné n’importe quoi en ce moment même, il lui aurait obéi sans discuter ; non pas parce qu’elle le menait par la braguette comme on disait communément et comme on aurait pu le croire dans le cas présent, mais parce qu’elle irradiait d’une présence si attendrissante et enjôleuse à la fois qu’il avait envie de tout faire pour combler n’importe lesquelles de ses envies.
Baiser qui fut comme une onctueuse trophallaxie, comme l’échange à la fois intime et sincère d’une énergie propre à chacun qui circulait sans réserve d’une entité à l’autre afin que leurs essences se mêlassent et que chacun pût acquérir une connexion plus forte encore avec l’objet de son affection en ce lien qui se scellait par le biais de ces mêmes organes qui servaient à se sustenter : ils se nourrissaient de ce qu’était l’autre, se rassasiaient de son être, leurs langues se frottant l’une à l’autre presque fébrilement pour mieux se sentir. Alors que la main de la jeune fille passait sur son ventre en des spirales descendantes, les siennes opérèrent un parcours opposé, partant des hanches d’Hisae dont il pétrit fermement la peau douce et élastique pour remonter jusqu’au haut de son dos au niveau duquel il titilla la poitrine de la belle blonde pour atteindre la chevelure d’or au sein de laquelle les paluches se perdirent, fourrageant amoureusement à l’intérieur de cette masse épaisse encore humide, caressant la nuque ferme.
Soudain, l’un des appendices manuels redescendit sans crier gare, frottant tendrement contre l’échine de la créature à la joliesse princière, pour finir son parcours au niveau de son short dans lequel elle s’insinua de toute la longueur de ses doigts, palpant délicatement la croupe pleine et bien en chair sans pour autant l’empoigner à la manière d’un malappris tout en amorçant un mouvement de contournement qui épousa les formes du bassin pour aboutir aux régions pubiennes de l’adolescente dont ils effleurèrent les poils alors qu’ils remontaient pour s’emparer du mécanisme de fermeture du vêtement sur lequel ils conservèrent une prise experte. Saïl choisit ce moment pour interrompre leurs embrassements et fixer sa chère et tendre avec insistance –enfin, avec encore plus d’insistance qu’auparavant si cela était possible-, son regard teinté d’une lueur interrogative : encore une fois, il ne voulait pas que le déroulement des évènements fût trop précipité pour elle, et lui demandait ainsi muettement la permission de dévoiler d’autres parcelles de chair parmi les plus intimes.