L'incendie des désirs [Salama]

Être une alraune possède un tas d'avantages : j'ai des pouvoirs extraordinaires, comme l'émission de phéromones ou la communication avec les plantes, j'appartiens à l'espèce la plus proche de la nature d'un point de vue biologique et je peux assouvir pratiquement toutes mes envies physiques sans trop de problèmes. Cependant, ces pouvoirs entraînent aussi certains devoirs auxquels je ne peux pas me soustraire, peu importe les conditions ou les événements. Quand la nature m'appelle, je dois lui répondre.

Cette journée avait très bien commencée. Après quelques bisous de ma maman pour me réveiller et un bon petit-déjeuner, nous partîmes toutes les deux pour le lycée. Pendant qu'elle donnait ses cours, moi je m'occupais de son jardin et de son laboratoire : j'arrosais ses plantes, je surveillais ses spécimens et, quand j'avais un peu de temps libre, je me livrais à mes propres tests sur mes pouvoirs que je découvrais un peu plus chaque jour. Mais mon bonheur fut cruellement interrompu au milieu de la journée, vers l'heure du déjeuner, quand je sentis comme un déchirement dans mon cœur qui me faisait atrocement souffrir. Ma maman me trouva recroquevillée sur le sol du jardin, en train de pleurer et de me tordre de douleur. Je ne savais pas ce qui m'arrivait, alors elle me demanda de lui décrire ce que je ressentais. Et quand j'eus fini de parler, elle comprit tout de suite. Et comme la douleur ne voulait pas s'en aller, elle m'injecta un calmant d'origine végétal qu'elle combina à une bonne dose d'amour maternel. Je retrouvai mon calme en à peine une minute.

Ivy m'expliqua que ce que je ressentais était un transfert émotionnel de la nature en train de souffrir, une sorte d'appel à l'aide à l'intention des alraunes. Puisque les fleurs et les arbres ne pouvaient pas crier, alors je criais pour eux. Et d'après la douleur que je ressentais encore, ça devait vraiment être grave. Je pouvais même percevoir d'où l'appel venait : une petite forêt près de l'endroit ou j'étais venue au monde. Il fallait que je me rende là-bas pour stopper le problème, réparer les dégâts et guérir les blessés et il fallait que je le fasse tout de suite, mais je ne me sentais pas le courage de partir pour une telle épreuve sans ma maman. Heureusement pour moi, elle était prête à tout pour la nature, qu'elle soit ici ou sur Terra, et accepta de m'accompagner pour voir comment je m'en sortais pour guérir la forêt. Il lui fallut juste utiliser ses pouvoirs de méta-humaine pour endormir la méfiance du proviseur du lycée et ses élèves, ensuite nous partîmes toutes les deux en direction du portail vers Terra qui allait nous amener à l'entrée de la forêt qui m'a vue naître. La zone en danger ne sera pas très loin.

Une fois sur Terra, je laissai mon instinct d'alraune me guider jusqu'à la zone sinistrée, dont je pouvais encore entendre les supplications. Et quand nous y arrivâmes enfin, le spectacle était tout simplement horrible à voir : un incendie avait ravagé les bois, détruisant la moindre parcelle de verdure et tuant de nombreux animaux sur son passage. Et le feu n'était pas encore éteint. Je pouvais sentir les feuilles crépiter et tomber en cendre sur le sol noir et mort. Je souffrais le martyr, c'est pourquoi Ivy décida qu'il fallait nous répartir les tâches : pendant qu'elle allait éteindre le feu, je devais faire renaître la nature partout où l'incendie était passé.

« Mais maman, c'est dangereux d'aller là bas. »

Elle me répondit qu'elle ne craignait rien, que ce n'était pas la première fois qu'elle maîtrisait un feu de forêt. Et alors qu'elle partait pour s'enfoncer dans la forêt, j’attrapai son bras.

« Fais attention s'il te plaît. »

Ma maman me sourit, puis embrassa délicatement mes lèvres avant de partir pour aller calmer le feu. Je la regardai s'éloigner jusqu'à la perdre de vue puis je m'attelai à ma tâche.

Usant de mes pouvoirs d'alraune, j'appelais la vie qui se cachait encore sous terre et qui flottait dans les airs. Car même en proie au feu, une forêt peut toujours renaître de ses cendres si on lui donne un petit coup de main. Je vis les fleurs s'ouvrir à nouveau, les arbres retrouver leurs feuilles et leur écorce, l'herbe repousser pour me chatouiller les doigts de pied. Et à mesure que la forêt reprenait vie, je revivais avec elle. Je m'étais même mise toute nue pour pouvoir me rouler dans l'herbe verte et rire du bonheur que je ressentais. Être obligée de porter des vêtements en permanence était l'une des trois choses que je détestais le plus sur Terre, j'étais donc très contente de pouvoir me livrer au naturisme sur Terra. Autour de moi, je voyais les animaux et les autres habitants de la forêt s'attrouper pour me voir jouer. Je crus même apercevoir des fées.

Explorer Terra et faire des découvertes, c'est cool. Salama aimait bien faire ce genre de choses. Rencontrer de nouvelles personnes aussi d'ailleurs. Mais parfois, on s'en lasse un peu et on veux faire un break de quelques jours, avec des copines. Et comme la porte des Enfers est un peu loin, le plus simple, c'est souvent de se poser dans une forêt pour retrouver ses amies les fées des forêts. Yep, elles ont beau êtres peureuses de la plupart des autres créatures et parfois un peu trop naïves, la fée infernale avait quand même réussie l'exploit d'en corrompre certaine au sexe et à la luxure. Et le petit plus des fée, c'est que leur mouille ont des parfums fruités, qui varient d'une fée à l'autre. Parait que la sienne à un goût d'agrumes d'ailleurs. Puis baiser dans les branches d'un framboisier, avec un de ses gros fruits en collation après une partie de jambes en l'air, c'est toujours sympa...

Seulement voilà, toute idées joyeuse la quitta lorsque Salama sentit une odeur de brûler traverser ses narines. Non pas que l'odeur en elle même était désagréables – à coté du soufre, c'était même bien plus agréable – mais comme c'était dans l'habitat de ses amies, elle fut aussitôt prise de panique et décida d'accélérer ses battements d'ailes... pour constater l’ampleur de la catastrophe. Toutefois, son premier réflexe ne fut pas de chercher ses amies, mais bien de contrôler les flammes. Hé ! C'est une Pyromancienne, tout de même ! Aussi, Salama plongea au cœur des flammes, sans prêter attention à la femme qui s'y trouvait déjà, et une mélopée s’éleva dans les airs... trop faiblement toutefois, au milieu du craquement des flammes et à cause de sa petite taille, pour qu'on puisse l'entendre.

« Per spiritum elementaris, flammis, spargens cinerem capiti congregabo vos in manu mea, et cessare faciamus... Reverse entia purificationis ! »

Les flammes semblèrent alors se détacher des arbres et des fougères pour se rassembler et se compresser entre ses mains, un minuscule point lumineux au milieu d'un tourbillon de feu, de moins en moins intense, jusqu'à ce que la moindre petite flammèche cesse d'exister. L'air devint de nouveau respirable et la fumée se dissipa d'elle même, l’incendie éteint. La femme – vêtue de végétaux – pouvait donc voir que l'origine de ce miracle venait d'une petite fée orange, qui pourtant ne prit pas la peine de rester faire les présentation et fila aussi vite qu'elle était arrivée. D'une part, elle s'inquiétait pour ses amies et, d'autre part, l’incendie était pour elle, clairement criminel... L'air n'était tout simplement pas suffisamment chaud et sec pour que ce soit naturel... Hors, le responsable devait bien se trouver quelque part, dans un endroit où il serait suffisamment en sécurité pour réchapper aux flammes... Et l'endroit le plus logique serait donc près du lac...

La forêt renaissait autour de moi, et ça me rendait si joyeuse que je me roulais dans l'herbe en riant. Voir la nature guérir me faisait oublier l'horrible souffrance que j'avais ressentie un peu plus tôt. Mais au milieu de mon bonheur retrouvé, j'en avais presque oublié ma maman. Avait-elle réussi à maîtriser l'incendie ? En plus, la végétation allait avoir besoin de soins là où le feu était passé. Je laissai donc mon moelleux parterre d'herbe pour courir vers ma maman, en espérant qu'il ne lui soit rien arrivé. Je savais que, de part tout ce que nous partagions, j'aurais senti si quelque chose n'allait pas, mais je ne pouvais pas m'empêcher de me faire du souci. Heureusement, quand j'arrivais sur place, je voyais que non seulement elle allait très bien, mais aussi que le feu avait été maîtrisé et qu'elle commençait à réparer les dégâts. Quand elle me vit arriver, elle me fit remarquer que je me baladais nue comme un ver. J'étais tellement pressée de la retrouver que j'en avais oublié de me revêtir. Et même si ça n'avait rien de grave de me retrouver en tenue d’Ève devant elle, je fus quand même un peu gênée et me dépêchai de recouvrir mes tétons, mon intimité et mes fesses avec des feuilles.

« C'est incroyable. Comment tu as fait pour maîtriser l'incendie ? »

Elle me répondit qu'elle n'avait rien fait, que c'était l’œuvre d'une fée orange.

« C'est vrai ? Par où elle est partie ? J'aimerais la remercier pour ce qu'elle a fait. »

Ma maman m'indiqua la direction, mais ajouta qu'il y avait peu de chances que je la retrouve. Les fées sont connues pour leur peur des inconnus.

« Je suis sûre que je vais la trouver. Et dans le cas contraire, alors je reviens tout de suite, on finit de guérir la forêt et puis on rentre. »

Elle ne chercha pas à m'arrêter, elle me demanda seulement d'être prudente. Après le lui avoir promis, je partais à la recherche de la fée orange.

Je marchai dans les bois sans apercevoir la moindre créature volante. Je ne voyais que des animaux terrestres et des végétaux non touchés par l'incendie. Au moins, j'étais soulagée de voir que le feu ne s'était pas assez propagé pour devenir incontrôlable. Au bout d'une petite dizaine de minutes de marche, j'arrivai à un lac caché au cœur de la forêt, un point d'eau cristallin et pur mais où, pour une raison que j'ignorai, il n'y avait pas un seul animal. Je n'y vis que deux êtres vivants : la fameuse fée orange qui avait maîtrisé l'incendie, et un drôle d'individu qui me faisait froid dans le dos par sa seule vue. Cachée derrière un buisson, je n'étais pas assez près pour entendre ce qu'ils disaient ou de quoi ils parlaient, mais je pouvais distinguer une voix de femme, probablement celle de la fée, chargée d'une profonde colère envers son interlocuteur. Ce dernier, quant à lui, ne parlait quasiment pas. Et tout à coup, il y eut un grand flash blanc et il disparut sans laisser de trace. Après avoir vu ça, je ne savais plus très bien quoi penser, mais j'avais toujours envie de remercier la fée pour ce qu'elle avait fait. Je sortis doucement du buisson et m'adressai à elle avec une voix calme.

« Euh... Bonjour. »

Elle se retourna brusquement vers moi.

« Du calme, je suis une amie. Je m'appelle Kyli. Je voulais juste vous remercier d'avoir arrêté l'incendie, ça a peut-être sauvé la vie de ma maman. »

Une question me brûlait les lèvres, et je ne pus résister à l'envie de la poser.

« Euh... Je peux vous demander qui était l'homme à qui vous parliez ? »

Salama virevolta rapidement jusqu'au lac, slalomant entre les branches. Elle connaissait cette forêt comme ça po... euh nan, elle a pas de poche dans sa tunique... plutôt comme sa cha... euh... Bref, toujours est-il que la fée connaissait cette forêt par cœur, et donc qu'elle était certaine de trouver rapidement sa cible. Et effectivement, elle vit rouge en émergeant devant le lac. Au centre de celui-ci, sur un îlot, il y'avait un homme, seul, dans une bure sombre et tirant de ses mains des boules de feu... et qui visait vachement bien mine de rien, même de loin. Lorsqu'il en tira une autre, Salama se plaça sur sa trajectoire et l'intercepta, avant de la renvoyer sur lui. La boule de feu lui explosa à la tronche mais, comme il fallait s'y attendre, il s'en sortit plutôt bien, grâce à son armure...

« Enfoiré d'salopard d'mes couilles, j'vais t'réduire en cendre et t'envoyer en Enfer, Lulu s'rra content d'avoir un nouveau joujou à triturer !! »

L'homme eu un temps d'hésitation. Quoi de plus normal après tout, personne au monde ne s'attendrait à se faire invectiver par une si petite créature, plus particulièrement une fée. Néanmoins, vu que la fée en question manipulait le feu et parlais de manière si familière du maître des Enfers, elle devait être bien moins innocente que la plupart des créatures vivant dans cette forêt. Avec un ton calme, il s'adressa à la fée, tout en préparant une rune de téléportation.

« Cette forêt cessera d'exister et permettra à notre Empire de s'étendre, selon la volonté de notre empereur. »

Et un flash lumineux plus tard, il disparut, tandis que la petite rouquine elle, dû fermer les yeux pour ne pas être aveuglée. Elle jura, comprenant qu'il devait s'agir d'un mage d'Ashnard, sans doute envoyé en éclaireur, et espérait sincèrement qu'il n'avait pas emporté avec lui une ou deux de ses amies, pour servir d'esclaves ou de simple poupées sexuelles. Salama entendit alors comme un appel au loin, se retourna et PAR LES CORNES DE LULU ?! Booordeeel... Elle avait la berlue ou la forêt avait repoussée comme si de rien était ? Salama se frotta les mirettes et les cligna plusieurs fois, avant de se rendre compte qu'une fille à la peau verte essayait d'attirer son attention. Toujours surprise, elle la regarda s'approcher sans esquiver le moindre mouvement, se demandant surtout de quel espèce elle était et, surtout, si elle était responsable de cette soudaine renaissance.

« Du calme, je suis une amie. Je m'appelle Kyli. Je voulais juste vous remercier d'avoir arrêté l'incendie, ça a peut-être sauvé la vie de ma maman.

- Oh... euh... de rien...

- Euh... Je peux vous demander qui était l'homme à qui vous parliez ?

- Juste un salopard d'pyromancien qui a pris la fuite... Sans rire, si j'le r'vois dans l'coin, j'lui fait bouffer s'qui lui sert de burnes... »

L'était en colère la fée... Elle rumina un peu dans son coin, continuant d'insulter l'homme qui avait cramé une bonne partie de la forêt d'ses copines, avant de s’intéresser de nouveau à l'étrange créature... Elle était toute verte, avec des fleurs dans les cheveux et des feuilles en guise de vêtements...

« T'es quoi toi ? Un genre de Nymphe ? T'es plutôt pas mal foutue... »

- Juste un salopard d'pyromancien qui a pris la fuite... Sans rire, si j'le r'vois dans l'coin, j'lui fait bouffer s'qui lui sert de burnes... »[/b]

Cette fée avait un langage plutôt graveleux pour une créature appartenant à une espèce connue pour sa timidité. Et d'ailleurs, elle n'en resta pas là, puisqu'elle ajouta dans la foulée que j'avais un physique agréable à voir, mais dans un langage plus cru.

« Non, je suis une alraune, une créature mi-animale mi-végétale. Et merci, vous êtes très jolie vous aussi. »

Ce n'était pas qu'un retour de politesse, je trouvais vraiment cette fée très belle. Même si j'avais du mal à voir les détails de son corps à cause de sa petite taille, je pouvais voir qu'elle avait les courbes d'une vraie femme, qui se distinguaient parfaitement malgré la présence de sa tunique orange moulante. Elle avait aussi une chevelure rousse et des yeux rubis et, contrairement aux autres fées, elle ne semblait pas être timide ou craintive. Elle était près de moi et continuait de se rapprocher. En fixant ses petits yeux, je crus même y voir la même petite étincelle que celle qu'il y avait dans les yeux des humains qui regardaient ma maman avec envie, principalement ses élèves mais aussi des inconnus dans la rue. Mais je ne pouvais pas en être sûre à cause du manque de visibilité sur un aussi petit corps.

« Bon eh bien... voilà. Merci encore pour votre aide. Je... Je vais y aller. »

Mais elle me demanda de rester. Je fus un peu surprise de sa demande. Cette fée défiait tous les codes établis sur son espèce et je ne comprenais même pas pourquoi elle voulait que je reste avec elle. Seulement, il y a une chose que j'avais oubliée : lorsque je suis en présence d'une personne qui m'attire sexuellement, comme c'était le cas avec cette petite créature au corps bien ferme, il arrive que je relâche des phéromones d'attraction sans même m'en rendre compte. En plus, j'étais tellement contente de savoir la forêt hors de danger que j'en relâchai encore plus de phéromones. N'en étant pas consciente, je ne pouvais même pas envisager l'idée que cette petite fée puisse être attirée par moi.