Il n’existait aucun environnement naturel qui ne soit hostile, ou insoluble, pour Shaïra. Si la Lamia avait l’habitude d’errer dans des forêts, le désert ne la rebutait pas. Elle était comme les serpents, une espèce qu’on pouvait rencontrer dans toutes les zones tempérées du globe, à l’exception des zones polaires. Désert ou forêt, c’était indifférent pour une créature reptilienne. L’errance de Shaïra avait amené la Lamia à sortir des profondes forêts centrales de Terra, ces vastes forêts comme Viridia, et elle avait continué à descendre, passant dans des zones rocailleuses, montagneuses, trouvant, encore et encore, de délicieuses proies, soit à manger, soit pour se reproduire. Dernièrement, elle était sur les traces d’une caravane marchande qui devait rejoindre Papua. La caravane convoyait son lot de touristes, de gardes, et de biens. Il y avait notamment de multiples fruits et autres provisions venant de zones au climat tempéré, qu’on trouvait difficilement à Papua. Shaïra les avait suivis de loin. Même pour elle, il aurait été suicidaire d’attaquer frontalement cette caravane, car elle était trop bien gardée. C’est en chemin, alors qu’elle suivait la caravane, qu’elle avait vu ses nouvelles proies.
Papua était une région sauvage, ce qui impliquait aussi bien ce royaume poussiéreux, que les alentours. Et, en s’approchant d’
El-Kalim, une province au nord du royaume, ils s’étaient rapprochés d’un camp de brigands. Shaïra était tombée sur eux par inadvertance, en croisant, dans les montagnes, des éclaireurs occupés à chercher un moyen de piéger le convoi. Trois brigands. Deux hommes et une femme. Elle avait attendu qu’ils repartent vers leur camp pour les attaquer en route. La Lamia avait bondi sur l’un d’entre eux, et l’avait mordu à la nuque, le tuant rapidement en enfonçant ses crocs, répandant dans son corps un poison mortel. Les deux autres étaient déjà à cheval, mais elle, elle pouvait aller vite. Elle les avait poursuivis, et avait sauté dans le dos de l’autre homme. Il s’était brisé la nuque et plusieurs autres os en rebondissant sur le sol, puis elle s’était ensuite attaquée à la femme. Elle, elle ne l’avait pas tué tout de suite. Elle l’avait enroulé dans sa queue chaude et étouffante, et l’avait violé pendant plusieurs heures. Shaïra s’était bien soulagée, puis avait laissé la femme sur le sol, inanimée, du foutre dégoulinant de son sexe. Sans cheval dans les environs, elle allait probablement mourir (les humains étaient peu résistants), mais son sort était indifférent à Shaïra, qui avait repris sa route.
Ses pérégrinations l’avaient éloigné de l’est, et c’était tant mieux, car, si elle avait poursuivi dans cette route, elle aurait rejoint le vaste lac de Papua. La Lamia partit donc vers l’ouest, se rapprochant du nord d’
El-Balom, une région montagneuse et rocailleuse. Elle avait continué à descendre, et avait traversé Papua vers le sud, jusqu’à rejoindre
Al-Bim, une petite province située dans la pointe sud de Papua, très pauvre, et faiblement peuplée. Elle avait traversé cette région, laissant dans son sillage quelques cadavres et quelques femmes généreusement violées, puis était partie vers le sud, suivant des sentiers très anciens, poussiéreux, et dangereux. Sa route l’avait ainsi conduite près d’un endroit réputé maudit par les Papuans : Al Nar’ssila. On disait que, jadis, Al Nar’ssila avait été une province papuanne, avant d’être progressivement désertée, envahie par le désert. Du moins, c’est ce que les légendes disaient.
Shaïra se rapprocha de cette région, traversa les Rocailles. Des scorpions géants l’attaquèrent, mais la Lamia n’était pas un faible être humain, fragile et à la peau faible. Elle en tua certains, en évitant d’autres, et vit de nombreux cadavres dans les Rocailles. Parfois, elle s’engageait dans des canyons, et voyait des corps brisés en contrebas, dans des fosses profondes. D’autres étaient recouverts en grande partie par le désert, pourrissant depuis des années après des insolations. On pouvait se reposer à l’ombre de grands rochers, mais ces repos étaient des pièges, car les scorpions s’y terraient aussi... Ou d’autres sinistres créatures. Des vers de sable géant jaillissaient parfois du sol, et Shaïra, en rampant, pouvait les sentir se déplacer.
La Lamia poursuivit sa route, et rejoignit ainsi une mer désertique, les Dunes. Elle rencontra ici plus de difficultés à avancer. Des tempêtes de sable violentes avaient parfois lieu, l’aveuglant, et elle se nourrit à l’aide de vipères blanches, de petits serpents au venin mortel pour les humains, mais qui ne faisait rien à une Lamia... Ou pas grand-chose. Les tempêtes de sable formèrent parfois de véritables tornades, confirmant que l’environnement, ici, était dégradé. Shaïra se heurta aux redoutables
khamsins du désert, mais poursuivit sa route.
*
Je n’aime clairement pas le foutu sable !*
Ça rentrait dans votre gorge, brûlait vos yeux... Et c’était tout simplement très désagréable.
Les Dunes laissèrent ensuite place à de multiples canyons redoutables, la Mamelle de Gomorra. Elle s’y avança, en voyant, encore, des cadavres dans les ravins. Shaïra emprunta des grottes dangereuses, évitant des monstres, allant de créatures nécrophages à d’autres monstres issus du désert. C’est en traversant l’une de ces grottes que Shaïra longea le temple de Sathis. Les parois naturelles laissèrent soudain place à un mur solide et épais, trop régulier pour être une construction naturelle.
Elle longea ce mur, s’enfonça dans de nouveaux dédales, jusqu’à ressortir à l’air libre. Elle s’avança alors sur le sable, dans un air plus clément, jusqu’à voir l’
entrée du temple de Sathis. Une immense porte bâtie à flanc de montagne. Elle siffla en sentant une étrange aura s’en échapper.
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Allons, la peur est l’apanage des idiots d’humains, pas d’une Lamia !*
Cette traversée du désert avait assoiffé Shaïra, qui espérait bien trouver quelque chose à boire à l’intérieur. De fait, si elle s’était rendue dans les grottes, c’était dans l’espoir de trouver une source d’eau souterraine. Les humains étaient des idiots patentés, mais elle pensait que, s’ils avaient construit quelque chose, ce devait bien être à côté d’une source d’eau... C’est donc en suivant cette idée que la Lamia siffla à nouveau, et ondula le long du sable, puis des escaliers, et s’immisça à l’intérieur du temple... Sans inquiétude.