Mélinda n’avait pas l’habitude de sortir de son manoir pour faire autre chose que trouver de nouvelles proies. Pour autant, elle savait qu’il fallait aussi diversifier son activité, et étendre son Empire commercial. C’est à ce stade qu’elle en était aujourd’hui : s’étendre. Maintenant qu’un clan vampirique allait se former, et que Mélinda était mariée, elle avait quantité de projets et d’idées qui remuaient dans sa tête. La simple gestionnaire d’un bordel de luxe disparaissait devant la Comtesse qu’elle avait toujours rêvé être... Et une Comtesse se devait d’avoir autre chose, comme revenus, qu’un simple harem. Et, surtout, une Comtesse devait faire plaisir à son aimée. Tout cela, toute sa nouvelle situation, Mélinda la devait à Vanillia Carnelle, qu’on pouvait, de fait, maintenant appeler Vanillia
Warren. Les deux femmes s’étaient mariées dans la plus pure tradition vampirique, et, depuis lors, Mélinda avait été officiellement anoblie, mettant fin à l’ignominieuse décision de son père, il y a plusieurs siècles, de la déshériter en faisant d’elle une esclave. Elle était maintenant une noble, et elle comptait offrir un cadeau à Vanillia... Joindre l’utile à l’agréable. Mélinda avait donc décidé de s’inscrire à un concours de photographie organisée par une mystérieuse société japonaise. Un nom incompréhensible et qui ne voulait rien dire, pour dissimuler les activités réelles de la société-mère pour laquelle cette filiale travaillait : la pornographie.
Le Japon était un pays qui avait une approche très paradoxale à l’égard du sexe, résultant d’une histoire spéciale, marquée par la sensualité, et heurtée par l’arrivée du catholicisme. Il en résultait ainsi cette situation troublante, selon laquelle on pouvait
tout montrer, à l’exception des organes génitaux. Une sorte d’étonnante ambivalence amplifiée par le fait que, si la législation était assez stricte à l’égard de véritables personnes physiques, elle était beaucoup plus lascive à l’égard des dessins animés, dans la mesure où les dessins animés ne représentaient pas des personnes réelles. En conséquence, la société effectuant ce
shooting très particulier avait pris énormément de précautions Mélinda avait choisi de s’y rendre, car elle avait envie de se constituer un
book érotique pour l’offrir à Vanillia... Et, pour une fois dans sa vie, elle s’y rendait seule, et non en compagnie d’une armada d’esclaves.
Le fait que le concours commence à Seikusu l’avait intrigué, et, en faisant des recherches, elle avait découvert que, visiblement, la société en charge de cette séance était en réalité dirigée par des Tekhanes. L’idée était de réaliser dans plusieurs villes du Japon des compétitions en vue d’un grand concours national, lesdites compétitions s’étalant sur plusieurs jours, avec différentes épreuves, et un jury strict qui se chargerait peu à peu d’éluder toutes les participantes pour ne conserver que les meilleures. Un concours exclusivement féminin, qui, sous des termes pompeux et élusifs, se proposait de «
photographier la magnificence du beau sexe », dans le «
respect des traditions picturales et visuelles du Japon ». Un ensemble de phrases creuses pour désigner des photos de cul.
*
Parfois, il faut dire les choses simplement...*
Mélinda avait opté pour des vêtements urbains, délaissant sa longue robe dorée au profit d’une chemise à manches courtes et d’une minijupe, portant aussi des collants et des bottes. Ses longs cheveux bouclés filaient en cascade dans son dos, et elle s’avança dans un hall central aux murs blancs. Tout était froid, sexy, chromé, avec des hôtesses dans de séduisants tailleurs bien coupés, mettant en valeur leurs seins. Tout le building appartenait au même groupe, «
EUGENIX », avec un beau logo au centre du hall d’accueil. Des femmes à la voix sensuelle lui dirent où se rendre, et Mélinda eut l’intime conviction qu’il s’agissait de Tekhanes.
*
Ce n’est pas surprenant, Ashnard dispose aussi d’une société fictive à Seikusu...*
Cette société se chargeait notamment de permettre aux citoyens ashnardiens de régler tous les problèmes administratifs. Quand on venait d’une autre dimension, il pouvait être difficile de justifier de son identité, et c’était pour éviter ce genre de soucis, susceptible d’aboutir à de gros problèmes, que le Conseil Impérial, en toute discrétion, avait chargé les services secrets impériaux de constituer une société-écran à Seikusu, dont le seul but était d’offrir à des gens comme Mélinda les moyens de pouvoir agir sur Terre sans avoir à craindre des problèmes administratifs.
Elle y songeait quand l’ascenseur la laissa à un étage. La vampire s’avança, se rapprochant du bureau, tenant entre ses mains l’invitation. Elle s’avança donc, et vit alors une jeune femme, avec un mini-short en jean minuscule, et un haut à l’effigie de Donald Duck... Et une longue chevelure rousse. Mélinda s’avança vers elle, et lui sourit.
«
Hey ! Salut ! Je m’appelle Mélinda. Tu viens pour le concours de photo, toi aussi ? »
Elle l’observa un peu, en papillonnant des yeux, et la porte à côté de laquelle elles attendaient s’ouvrit rapidement, laissant place à
une superbe femme dans une tenue blanche, avec une culotte, un ensemble typiquement tekhan.
«
Salut, les filles ! Je vous en prie, rentrez... »
Elle les laissa entrer dans une grande pièce avec plusieurs appareils photos sur la droite montrant une sorte de chambre improvisée. Il y avait un ensemble informatique sur la gauche, avec plusieurs ordinateurs, et la femme leur sourit.
«
Je m’appelle Pepper, c’est moi qui serais votre coach pour les séances photos ! Vous voulez un truc à boire ou à manger avant de commencer, les filles ? »
Pepper les dévisageait avec une lueur joyeuse dans les yeux.