Ils firent l’amour pendant une période incalculable, et, à aucun moment, Ivy ne ressentit la fatigue... Tout en baisant, Morgan la nourrissait, enduisant son corps à l’aide de seringues, permettant de lui donner des nutriments, ou de quoi empêcher son métabolisme de dormir, tâche simplifiée par le fait que Pamela était partiellement végétale, et que son corps était sensible à la photosynthèse. Ils baisèrent dans les tréfonds de la forêt, vaporisant suffisamment de sperme et de mouille pour que les fleurs poussent en abondance, et que les champs agricoles se fertilisent joyeusement. Le blé poussa plus vite, l’herbe vint davantage en abondance, permettant de nourrir chevaux, poules, et porcs. Le
Green était au cœur de ce vaste écosystème qu’on appelait le
cycle naturel. Là où le
Red tournait autour de la prédation, le
Green, lui, avait réellement un rôle centralisateur, nourrissant le
Red et toute forme de vie. Si proche de Morgan, elle put le sentir communier avec la nature, voyageant avec lui dans le monde du
Green,
cette zone primaire qu’elle avait déjà eu l’occasion de voir, une sorte de zone située en-dehors de la réalité telle qu’on la concevait habituellement, à travers les cinq sens. Le
Green formait une sorte de sens à part, le
sens végétal, où on pouvait tout ressentir. Pendant ces quelques jours, Pamela eut l’impression d’être une Déesse, sa connexion étant renforcée par le symbiote qu’elle portait, et par son union avec le Gardien de la Sève. Ils firent donc l’amour, leurs hurlements se perdant le long de la forêt.
Le temps s’écoula comme dans un siphon, et ce fut au bout d’une bonne semaine qu’ils finirent par s’arrêter, dans une fleur qui flottait au milieu de la forêt, et dont les pétales s’ouvrirent le matin. La fleur avait poussé au-delà des arbres, et la forêt d’Eriendor, belle et magnifique, s’étalait à leurs pieds. Leur séance de baise avait impacté sur l’écosystème, car, dans le monde du
Green, tout était lié, formant une étroite et délicate harmonie. C’était la théorie de l’effet-papillon : si on faisait pousser dans un endroit une simple pousse d’herbe, cette pousse pouvait évoluer, amener des insectes, insectes qui fuiraient un autre écosystème, empêchant ainsi de nourrir des herbivores, empêchant de nourrir les prédateurs, puis les humains. Ainsi fonctionnait le
Green, comme un curieux ensemble, une délicate alchimie, la
balance naturelle. Un monde dont le Gardien de la Sève avait la charge. Sa tâche n’était pas de faire triompher le
Green sur le
Red ou sur les êtres humains, mais de veiller à l’harmonie, ce qui comprenait aussi bien les grandes et vastes forêts que des choses comme les algues.
Et là, le soleil était en train de se lever, les dardant de leurs rayons. Ils avaient arrêté, et c’était une cascade étoilée qui tombait. Ils avaient couché à l’intérieur, dans la plante refermée, dans un mélange assez incompréhensible de sperme et de mouille, mélangée à un liquide jaillissant de la plante, et qui leur avait permis de respirer. La plante avait fini par s’ouvrir, et tout ce liquide tombait en cascade sur le sol, faisant jaillir des fleurs.
«
Une baise mémorable, oui... »
Elle lui sourit, heureuse et épanouie, et l’embrassa. Ils devaient s’arrêter, probablement parce que Morgan allait maintenant devoir rétablir l’harmonie d’Eriendor.
*
Quoi de plus normal ? C’est le rôle d’une femme d’apporter un peu de désordre dans un système si bien ordonné...*
Pamela plaisantait, bien sûr. Elle était une scientifique, elle, mais elle était bien placée pour savoir que les êtres humains pouvaient parfois tout dérégler avec une touche de fantaisie... Harley Quin était là pour le lui rappeler. Néanmoins, Morgan avait un cadeau à lui adresser, et elle sourit en voyant ce petit arbre, qui permettrait de le contacter quand elle avait besoin d’aide...
«
Ou quand j’aurais envie de me faire baiser par toi, Morgan... Ne sois pas trop occupé, ça risque d’arriver vite. »
Ils s’embrassèrent une ultime fois, Pamela devant retenir l’impulsion de coucher à nouveau avec lui... Puis elle sentit le corps de l’Avatar disparaître, le contact de ses lèvres étant la dernière chose restante... Suivie d’une brise d’air. Ensuite, Pamela resta toute seule sur sa fleur, perchée au-dessus de la cime des arbres, le vent faisant remuer ses cheveux dans tous les sens.
Néanmoins, elle avait hérité d’un autre cadeau de Morgan... En souriant, elle observa sa main. L’arbre s’y était enraciné, et elle le fit disparaître dans sa paume, l’arbre s’entortillant alors autour de ses jambes, réapparaissant sous la forme de racines. Elle le planterait chez elle... En l’état, elle se concentra un peu, et vit le symbiote végétal revenir, tournoyant autour d’elle, avant qu’elle ne le fasse disparaître à nouveau.
*
Nous nous reverrons, Morgan...*
C’était une certitude pour elle.
Elle n’allait pas passer à côté d’un tel amant !
Épilogue«
Nous... Nous avons dû arrêter le chantier, Monsieur. »
Jorgen tremblait sur place. L’homme âgé avait été embauché pour réaliser un travail d’importance : déboiser la forêt d’Eriendor de plusieurs hectares, afin d’y permettre l’installation de sites pour le Baron. Malheureusement, comme il l’expliquait au Baron dans son manoir de Nexus, l’opération avait échoué.
Le bureau du Baron était plongé dans une relative pénombre, éclairé par quelques bougies brûlant dans les coins, rendant difficile de voir ce qu’il y avait. Le mobilier se composait de plusieurs bibliothèques, et il y avait, dans un coin, une cheminée éteinte. Jorgen était venu aussi vite que possible, à cheval, mais rejoindre cette partie-ci de Nexus depuis Eriendor avait bien pris plusieurs jours. Nexus était une ville immense, et il fallait bien une bonne journée pour la traverser de part en part. Jorgen était arrivé vers dix heures du matin en ville, et avait ensuite rejoint le manoir du Baron, le long de l’une des falaises de la ville, dans la soirée. Les portes s’étaient ouvertes sur son passage, et les pages s’étaient contentés de lui dire qu’il était attendu à l’étage, dans le bureau du Baron.
Maintenant, il tentait de se justifier, devant la sombre silhouette du Bureau, assis derrière son bureau. Une seule bougie éclairait son corps, son visage dissimulé dans la pénombre, ses mains cachées derrière des gants en cuir. Déglutissant devant son silence, Jorgen reprit :
«
Ce... La forêt est vraiment protégée ! Les vieilles légendes étaient réelles, nous n’avons rien pu faire. Il y avait ce... Cette chose verte qui jaillissait des arbres, et... D’autres hommes m’ont parlé d’une nymphe verte, aussi belle que terrible. Nous... Nous sommes prêts à vous dédommager pour... »
Le Baron se releva alors, et se mit à marcher. Jorgen dut froncer les sourcils pour essayer de voir où il était passé.
«
Je sais... Les vieux Gardiens ont donc choisi leur nouvelle pousse... Mais le fait qu’il vous ait épargné... Voilà qui, en réalité, me surprend. Il est encore jeune, inexpérimenté. »
Un rire étrange et glauque traversa alors le corps du Baron, tandis que sa voix était à vous glacer le sang. Jorgen n’avait qu’une envie : filer d’ici le plus vite possible. Instinctivement, il marchait en arrière, se rapprochant de la porte.
«
Nous... Le syndicat est parfaitement clair là-dessus, vous serez remboursés pour... -
Ooooh, mais tu n'as pas à t’en faire... L’argent n’a jamais été un problème pour moi. Pourquoi prendre cette mine si triste, mon ami ? C’est au contraire une excellente nouvelle... J’attends depuis si longtemps... Pouvoir offrir à ma fille, Abigail, un monde qui soit enfin digne de moi, de nous... »
Une voix sinistre, hachée, comme si elle jaillissait d’outre-tombe. La main de Jorgen tâtonnait dans le vide, à la recherche de la poignée de la porte... Quand le Baron s’approcha de lui, et posa sa paume de la main sur sa nuque.
Quelque chose le mordit alors, et les yeux de Jorgen s’écarquillèrent, tandis que son sang se mit à noircir, et sa peau à se flétrir.
«
Ça risque d’être un peu douloureux... Mais je n’ai pas encore totalement perdu la main. »
Alors, avant de mourir, et de renaître sous une nouvelle forme, Jorgen eut une ultime vision d’horreur, une vision qui, s’il n’était pas mort dans la seconde suivante, aurait probablement hanté jusqu’à la fin de ses jours ses nuits, son sang dégoulinant de la main de la
chose se trouvant devant lui :
FIN (?)