La fin d’année scolaire était toujours une période de grand stress. Les examens de fins d’années étaient durs et exigeants, et amenaient quantité de petits Japonais à oublier l’idée de sortir ou de faire la fête, au profit de multiples et incessantes révisions. Contrairement aux Occidentaux, les Japonais étaient très stricts avec l’école et l’Éducation Nationale. Le lycée était une étape très importante et cruciale, car c’était à partir des résultats obtenus au lycée qu’on pouvait monter de bons dossiers, afin d’espérer rejoindre les meilleures facultés. Or,
Kaori Hisae savait que leur père, Akira, voulait pour elles les plus prestigieuses universités du Japon, si ce n’est du monde. C’était un homme exigeant, qui, après disparition de Maman, s’était plongé davantage dans son travail, un travail strict et exigeant qui l’amenait parfois à partir plusieurs jours à l’étranger pour négocier des contrats. Parfois, Kaori et Ayumi avaient la chance de le suivre, et leur chambre mutuelle abritait plusieurs photographies, des souvenirs de ces voyages. On les voyait sourire joyeusement à Dubaï, ou dans d’autres pays d’Asie, voire d’Afrique. Le Japon avait beau être un pays très isolationniste, il était aussi très ouvert au commerce international. Akira se rendait aussi, avec sa compagnie, à d’importants rendez-vous aux États-Unis.
Kaori avait révisé toute la soirée, et, épuisée, elle s’était endormie la première, comme souvent, en se lovant contre Ayumi. Depuis que Maman avait disparu, Kaori ne pouvait pas dormir sans sentir le corps d’Ayumi contre la sienne. Leur père, aussi compétent soit-il, avait toujours été incapable de leur montrer son amour. Après que Maman ait disparu, Kaori et Ayumi n’avaient jamais été aussi proches l’une de l’autre. Elles étaient les deux « perles de jade » de Maman, et Kaori était sûre qu’elle n’était pas morte... Elle était sûre que Maman avait disparu, mais que, un jour, elle reviendrait... Et, de, fait, elle n’avait jamais été enterrée, son corps n’ayant jamais été retrouvé. Une enquête avait bien sûr eu lieu, mais la police n’avait rien retrouvé. Tout ce qu’on savait, c’était que leur mère avait disparu alors que la famille effectuait un voyage touristique à Kanazawa, et se rendait à Kenruko-en, l’un des plus grands jardins du Japon, un jardin ancestral, très touristique. Elle avait disparu lors d’une promenade nocturne, en étant séparée du trio. Les médias en avaient parlé, l’enquête avait amené à une fouille intégrale du jardin, mais on n’avait jamais rien trouvé... Si ce n’est un morceau déchirée de sa robe. On avait pensé à un tueur en série, un kidnappeur, mais aucune trace d’agression n’avait été relevée... Rien, absolument rien.
Officiellement, l’enquête n’était pas fermée, mais Akira savait qu’il n’y avait plus rien à faire. Il ne s’était jamais remarié, et, tandis qu’il s’enfermait dans le travail pour oublier sa souffrance, Kaori et Ayumi, elles, s’étaient rapprochées pour pouvoir espérer avoir une meilleure vie.
Kaori dormait donc paisiblement quand un étrange rêve vint l’agiter...
...Elle courait dans la forêt, épuisée, les branches d’arbres et les buissons fouettant son corps. Une robe blanche transparente filait le long de son corps en sueur. Depuis combien de temps courait-elle ? Elle était incapable de le dire... Si ce n’est qu’elle ne devait surtout pas s’arrêter. Pour quelle raison ? Parce qu’il fallait courir, et ne surtout pas se retourner ! Une menace oppressante enflait dans son dos, une menace silencieuse, un prédateur implacable. Elle courait rapidement, le cœur sur le bord des lèvres, tout sur le point d’exploser, et fila sous une branche... Pour atteindre les racines de l’Arbre-Monde.
Il se dressait devant elle, ses immenses racines aussi vastes que des gratte-ciel. Elle s’avança lentement, s’approchant d’un précipice immense. Un ravin vaste et profond. Le vent souffla à ses cheveux, et la femme se frictionna les épaules.
« Maman... »
Elle entendit alors un souffle dans son dos, un bruissement d’arbres et de feuilles. La femme vit alors une créature noirâtre massive approcher, avec huit pattes grouillant tout autour de son corps. La femme se recula, et la bête fondit sur elle, ses multiples yeux rouges étincelants de haine et de fureur...«
Kaori ! Kaori réveille-toi ! J'ai… Je l'ai vu à nouveau… -
Aaaaaahhh !! »
En hurlant, Kaori se redressa, et sa tête heurta alors douloureusement celle de sa sœur.
«
Ohhh... ! Ah, ma tête, ouille-ouille-ouille !! »
Kaori posa ses deux mains sur son front, et le massa. Serrant les dents, elle tourna son visage vers Ayumi.
«
Je... Je ne t’ai pas fait mal, h-hein ? Excuse-moi, j’ai... J’ai fait un rêve... Effrayant... »