"Envoyé"
Le message clignota plusieurs fois sous les yeux de Pete, avant que ce dernier ne referme l'ordinateur portable. Il avait longuement hésité à envoyer les photos, mais il était trop tard pour revenir en arrière. Au point où il en était il n'avait pas vraiment le choix, sinon les efforts fournis ces derniers jours auraient été vain.
Trois jours auparavant, Pete se promenait dans le parc. Le genre de balade que tout un chacun fait pour profiter du beau temps et de l'air relativement moins pollué que celui du centre ville. Son appareil autour du cou, il avait pris quelques clichés, rien de bien passionnant. Jusqu'à tomber sur cette inconnue, assise sur un banc. Presque machinalement il avait ajusté le focus pour prendre une première photographie. Quand cette dernière apparue sur l'écran de l'appareil, la surprise fut grande pour Pete. Une position indécente, et un goût indéniable pour la luxure qui suintait de cette femme alanguie sur le banc. Loin d'être refroidi par cette vision - c'était même le contraire - Pete la suivit quand elle bougea, afin de prendre d'autres clichés d'elle. A chaque fois elle apparaissait comme un objet de désir, et désireuse également. Pendant un instant, il crut qu'elle l'avait découvert, quand elle se mit à marcher vers lui. Mais elle le dépassa pour rentrer chez elle et il l'a suivi jusque là, par pure curiosité.
Le soir même il développa les photos, encore surpris et excité par les photos. Elle était vraiment belle, et donnait une image de débauche indécente d'un niveau qu'il n'avait jamais vu auparavant. Avec l'adresse, il n'eut aucun mal à trouver le nom de la demoiselle. Puis son e-mail, grâce aux réseaux sociaux. Son travail, ses hobbies. Elle donnait l'impression d'une femme correcte, si ce n'était son travail. Cachait-elle tout le temps ses vrais sentiments ? Après quelques heures, il s'était décidé sur la marche à suivre. La contacter, et essayer de profiter de la situation. Il connaissait une partie bien plus intime d'elle que n'importe qui, elle ne pourrait le nier. Il pouvait le tourner à son avantage. Un peu de bon temps, et pourquoi pas un peu plus si jamais il s'y prenait bien. Le lendemain, il était dans le club de strip-tease, à une table à l'écart. Ca avait été difficile de prendre des photos sans se faire repérer pour avoir un peu plus de preuves. Il était resté à l'écart, refusant les avances d'une autre strip-teaseuse et observant de loin les allers et venus de celle qui occupait son esprit. Le jour d'après, il la prit à nouveau en photo, sortant de chez elle. L'après midi même, elle recevait les premières photos.
Pete rouvrit son ordinateur portable et vérifia. Aucune réponse. Avait-elle reçu le mail ? Avait-elle regardé les photos ? Impossible à savoir, impossible à dire. La journée fila, ainsi que la soirée, sans qu'aucune réponse ne vienne en retour. Le lendemain matin, il se décida à envoyer un autre mail. Trois photos à nouveau, une de la veille, deux de l'avant veille. La première la montrait sur la scène du club de strip-tease, dans une position vulgaire, à quatre pattes et proposant sa croupe nue aux hommes du premier rang, avec un niveau de détails indécents. Dans la seconde, elle était à une table où elle avait aguiché un client pour récupérer un pourboire. La photo la montrait fixant d'un regard chaud le client, une main dans le pantalon de ce dernier et un air équivoque quand à son envie du moment. Sur la troisième, elle était adossée à sa porte, à peine cachée dans l'angle de celle-ci et se caressant, comme si elle cherchait à se toucher à l'abri des regards des passants. Avec les photos, une simple phrase au dessous : "16h, café des arts".
15h50. Le café en question n'était pas loin de chez elle, peut-être le connaissait-elle. Si elle avait vu les mails, elle viendrait, il en était sûr. Attablé au dehors, à l'abri du soleil mais pas de la légère brise, le jeune homme scrutait les passants, cherchant la demoiselle du regard. Il jeta un regard nerveux à sa montre, espérant que l'heure n'était pas dépassée. Dans le sac à côté de lui, il avait amené son appareil ainsi que les clichés déjà pris. Il n'avait pas encore choisi comment il allait pouvoir l'accoster, lui parler. Il commanda un second café pour passer le temps et tromper l'ennui. Si elle ne venait pas, il serait obligé d'aller chez elle directement. Une idée fusa soudain dans son esprit en pensant à cela. Son visage affichait un sourire radieux et il sut à l'instant même que cette journée allait être tout aussi excitante que les précédentes.