*Poc*
D'un seul coup, on passe du bruit au silence. Du tumulte d'une foule en délire au murmure d'une brise légère qui siffle doucement entre les rochers. Ceux-ci ressemblent à des corps. D'immenses corps distordus, fendus, démembrés, parfois enlacés les uns dans les autres, comme des lutteurs pour lesquels le temps se serait arrêté.
La petite tourne sur elle même, déboussolée. Ses mouvements désordonnés font voleter sa petite robe noire. Personne. Personne personne personne. Takamori est seule au milieu de nulle part. Où sont les gens ? Où sont... ses chaussures ? Elle avait fait ses lacets. Les chaussures ne partent pas normalement quand on a fait ses lacet. Normalement, quand elle essaie de les enlever, si les lacets sont bien faits, c'est difficile. Mais c'est possible. Mais elle n'a pas essayé, donc les chaussures devraient être là. Elle lève les yeux, ignore ses pieds... et les regarde à nouveau ; toujours pas de chaussures. Seulement sa paire de petites chaussettes roses.
Non non, c'est pas possible, maman va la gronder, c'est sûr. C'est pas sa faute cette fois, elle avait fait ses lacets, mais maman ne la croira pas, elle ne la croit jamais quand c'est comme ça... En plus, il y a des cailloux sur le sol, ça fait mal aux pieds. Et c'est dur de les éviter, il y en a tellement. Les statues font peur. Il y en a qui ressemblent à des vraies personnes, et des pas gentilles.
Mais c'est sûrement ici qu'il faudra se battre. Elle doit tuer quelqu'un, mais on ne lui a pas dit qui. Elle sort quand même son opinel des sa poche et l'ouvre. Tourner la bague en fer, monsieur Xavier a dit. Sinon la lame se replie quand on essaie de frapper avec et... tu peux dire adieu à tes doigts, gamine ! Zip ! Takamori a peur de monsieur Xavier, mais il a dit qu'il retrouverait sa maman. Elle doit juste se battre contre quelqu'un en échange ; elle ne s'est jamais battue, mais comme elle a un couteau, ça ira. Et puis, si elle tue quelqu'un ici, ça sera la faute de monsieur Xavier, pas la sienne. C'est monsieur Xavier qui l'a dit, alors...
Mais elle ne voit personne. Il est où, le monsieur qu'elle doit tuer ? Il est pas là ? On lui a dit qu'il allait se faire tuer, donc il n'est pas venu, peut être. Elle est toute seule, perdue, il n'y a pas un bruit. Et les statues font de plus en plus peur. Elle commence à marcher dans tous les sens. Des rochers, des statues partout. Elle voudrait sortir. Par où ? Tous les endroits se ressemblent. Et ça ne s'arrête jamais. Elle se précipite. Elle ne retrouve plus l'endroit d'où elle vient. C'était peut être là qu'il fallait attendre ?... Comment va-t-elle trouver l'homme qu'elle doit tuer ? Si il arrive et qu'elle n'est pas là ? Il faut courir. Courir, retrouver son chemin. Mais elle a beau courir, elle ne retrouve pas ! Et ça la brûle, ses poumons ! Elle a du mal à respirer... sa mère lui dit souvent de ne pas courir trop, à cause de son asthme.
"AAAH !"
Un caillou, en plein dans le creux du pied ! Ça fait mal. Elle tombe à quatre pattes. Elle essaie d'appeler à l'aide, mais elle n'y arrive pas. Plus d'air. Elle panique. Elle tousse. Elle ne peut plus respirer.
La petite s'adosse à un mollet titanesque, vestige d'un guerrier dont le reste du corps n'existe plus qu'en supposition. Pendant une bonne minute, elle suffoque et sanglote. Sa main tâtonne pour retrouver le couteau à son côté : elle le tient fermement. Elle ne doit pas le lâcher. Si l'homme vient, Takamori est prête à le tuer.