Devant elle, il y avait une prof’ qui avait l’air aussi belle que casse-couilles... Et encore, Amélie était familière. Elle sentit tout de suite que cette fille était le genre « pouffiasse-mal-baisée » qui tape sur les doigts des étrangers. Elle n’avait pas encore vraiment regardé les autres étudiants. Son cœur hurlait dans sa poitrine, sa chevelure était légèrement décoiffée, et elle savait qu’on pouvait la jeter dehors. L’université, c’était plus strict que le lycée, après tout. Quand Zet’ lui avait dit qu’elle y irait pour des cours, Amélie avait même cru à une farce. Elle à la fac’, sérieusement ? La fac’, c’était le domaine des génies et des têtes d’ampoules pour elle, pas des filles comme elle qui n’avaient même pas le Bac. Elle restait debout, nerveuse, et, sans même la saluer, « Miss-Malpolie » (Amélie allait l’appeler comme ça, car, en raccourcissant, ça faisait M.M, comme les M&M’s, et elle trouvait ça rigolo) lui désigna un endroit où s’asseoir.
« Me... Merci, Madame... »
Tenant sa casquette devant elle, Amélie se dépêcha de s’asseoir vers la chaise, sans vraiment s’attarder sur le visage de sa camarade, trop nerveuse. Elle le fut encore plus en écartant la chaise, car cette dernière se mit à racler, provoquant comme un bruit de déchirement qui attira quelques regards énervés. Rougissant à nouveau, Amélie, qui n’avait pas l’habitude d’être sous le feu des projecteurs, s’excusa à nouveau piteusement en s’asseyant, et sortit d’une main tremblante son cahier et son stylo. C’était un cahier à la couverture rose, Zetsu lui ayant dit que la couleur allait bien avec son string (il aimait bien la mettre mal à l’aise). Elle l’ouvrit, et on pouvait voir qu’elle avait plutôt bien écrit, couchant de nombreux kanjis avec des traductions. Si un professeur de langues aurait vu ce cahier, il n’aurait tout simplement pas cru qu’une Occidentale aurait pu en apprendre autant sur le japonais, et ce aussi rapidement.
Amélie voyait, devant elle, à côté de la prof’, l’image d’un truc qui avait l’air chimique, et se demanda où elle avait débarqué. À Mishima, on leur filait des diaporamas sur PowerPoint, en essayant de leur expliquer en quoi le japonais était fondamentalement différent des langues latines. Là où la langue latine notait à la base des phonèmes, le japonais, lui, avait été construit sur les mores... Du moins, c’est ce qu’Amélie avait retenu, mais elle savait que c’était encore plus compliqué, car le japonais connaissait trois types d’écriture différents ! Elle était ressortie complètement écroulée de son premier cours, en ayant l’intime conviction qu’elle n’arriverait jamais à apprendre le japonais, et il avait fallu que Zetsu la rassure, ainsi que Mimi’.
Plongée dans ses pensées, tout en essayant de se demander dans quelle espèce de cours pour malades mentaux elle avait débarqué, elle sentit une présence insistante à côté d’elle... Sa camarade la reluquait, et Amélie était en train d’écouter la prof’, en suçotant le bout de son stylo. Elle tourna la tête vers l’autre fille.
*Qu’est-ce qu’elle a, celle-là ? Elle a pété une durite ou quoi ?!*
La femme lui expliqua qu’elle devait faire attention à ne pas se faire remarquer, car on l’avait entendu, et elle rougit légèrement.
« Dé... Désolée... »
Néanmoins… Néanmoins, cette femme lui disait quelque chose. Amélie l’observait silencieusement, essayant de se dire où elle l’avait vu, en se disant qu’elle n’avait pas pu oublier un visage aussi joli. Visiblement, la nana devait aussi la connaître, car elle l’observait attentivement... Et s’exclama alors. Amélie sursauta en entendant le classeur de la femme tomber, et M&M’s réagit, en parlant d’un ton fort et sec. Elle se contenta d’appeler la femme par son nom, « Noriko », ce qui sembla calmer Noriko... Juste le temps pour elle de récupérer son classeur avec son pied.
*Minute...*
Les souvenirs revenaient. Ils n’avaient plus de bio’ en stock, les caisses étaient vides, et Zetsu avait entendu parler d’une dope spéciale, vendue à un prix acceptable, et qui était très efficace. La Yume, c’est comme ça qu’on l’appelait. Amélie avait suivi Zetsu dans un endroit calme de Seikusu, près du parc, le soir... Noriko lui parla à nouveau, en lui disant qu’elle l’avait déjà vu, et Amélie rougit à nouveau.
*Bien sûr, c’est toi qui m’as fumé de la dope... Seigneur...*
Noriko insistait, et Amélie se pinçait les lèvres en rougissant, n’osant pas parler. Noriko se mit alors à s’exclamer, irritant à nouveau la prof’, en instaurant un silence de mort dans la pièce .Amélie se ratatina sur place. C’était pour ça qu’elle n’avait jamais vraiment aimé le lycée... Toute cette discipline ridicule, c’était tellement barbant ! Mais, quand on avait pas les moyens de se payer un prof’ à domicile, c’était ça, ou rien. En tout cas, Noriko s’en était rappelée, tout comme Amélie. Quand elle avait vu cette femme, Amélie l’avait trouvé belle, terriblement belle. La « môme » avait pris sa dose, et s’était envoyée dans les étoiles sur un banc dans le parc, en compagnie de Zetsu. C’était bien ELLE ! Nom d’une pipe ! Amélie n’arrivait pas à y croire, et on pouvait voir sa bouche s’ouvrir sous le coup de la surprise... À peu de choses près, elle ressemblait au Coyote des cartoons quand il voyait Jessica Rabbit danser sensuellement avec sa robe à paillettes.
Noriko lui demanda si elle avait été bonne, et Amélie rougit, puis hocha la tête.
« Euh... Ouais... J’ai... J’ai sacrément plané, ça m’a fait un bien fou. »
C’était dingue ! Tomber sur elle, comme ça ! Amélie regarda la prof’, puis à nouveau Noriko, fronçant les sourcils.
« J’ai du mal à t’imaginer dans un cours de remise à niveau... Et la manière dont la prof’ t’appelle par ton nom... Vous vous connaissez ? »
Amélie pouvait faire preuve d’une certaine forme de familiarité, et, malgré le fait qu’elle soit une junkie, elle n’en restait pas moins dotée d’une certaine jugeote. Comme quoi, les deux n’étaient pas forcément incompatibles.