Cynisme, légendes et autres joyeusetés.

La nuit tombait sur la capitale et les habitants remplissaient les tavernes comme mû par un instinct de groupe : l'appel de l'alcool, du repos et du sexe facile. Cinis avait toujours trouvé ces endroits très conviviaux. Tout le monde rit, chante et se battent pour des vétilles mais au bout du compte, ça bruissait de vie et que ce soit le tavernier au sourire chaleureux au poivrot de comptoir qui n'avait plus la force de lever le godet à moitié vide qu'on lui avait servi pour la énième fois, tout respirait la légèreté. Ici pas de morosité, pas de silence lourd après une bataille désastreuse, pas de gémissements de blessés au loin dans les tentes de soin...

Cinis prit une autre gorgée de l'alcool de bas étage que l'on servait ici et se pinça l'arête du nez à l'aide de son pouce et de son index. Le plan de Terra n'était pas tellement dépaysant lorsqu'il le comparait aux autres de plan où il avait combattu et quelque part, c'était agréable. Ce qui l'était moins en revanche, c'est le rabâchage perpétuel des légendes de ce monde... Cinis comprenait le rôle des légendes mais il avait toujours été peu intéressé dans les contes où sorcières, trolls et autres gobelins s'agitaient tous en chœur dans des histoires dégoulinants d'une mièvrerie crasse. Et en ce moment, deux Terranides tentaient vainement de l'impliquer dans la conversation, parlant de la légende d'une sorcière quelconque et de son destin tragique... Cinis les trouvaient agaçants et il regrettait d'avoir accepter la conversation au départ. Il finit par dire le fond de sa pensée et Cinis n'était pas un bon diplomate avec les hommes...

"Ecoutez les gars... Vos légendes sont très mignonnes mais je n'ai aucun intérêt à vous écouter vomir vos fadaises sur des femmes en chapeau pointu, de fées et autres. Je ne veux pas vous faire descendre de votre petit nuage mais ce que vous tenez pour des faits n'est rien d'autre que des histoires de bonnes femmes dérivées d'habitude de la noblesse ou de lumières dans des marécages... Des fées offrant des cadeaux... Conneries, ce n'est pas ça la réalité des mondes."

Son humeur un peu noirci par les piliers de bar, il décida de prendre place plus loin dans la taverne, à une table à l'abri des regards. Les deux Terranides le regardèrent avec un mépris évident mais la carrure de Cinis les dissuada de tenter quoique ce soit de plus... musclé. Et c'est un verre à la main que Cinis replongea dans ses pensées.

Personnage impliqué: Kléo

J'avais écouté, d'une oreille un peu distraite, tout ce qui se racontait dans ce bar. Oh, ce n'était pas que les histoires de bar m'intéressaient outre mesure hein, après tout c'était toujours pareil: C'était l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu le dragon, vous voyez ce dont je parle n'est ce pas? Nan en fait j'étais en chasse. Chasse à quoi? Bonne question, à laquelle je vais répondre d'une manière aussi directe que vulgaire: Un plan cul. Bon j'étais donc accoudée au bar, un énième verre dans les niflettes, et je me surpris à sourire. Deux terranides à côté discutaient de légendes sur les sorcières, les montrant en grandes méchantes sorcières pleines de pustules dégueulasses, un corbeau perché sur l'épaule et un grand bâton noueux entre les mains pour lancer les sortilèges... S'ils savaient que le seul type de bâton noueux que j'ai jamais eu entre les mains était un sexe... Je lachais un profond soupir, mais relevait la tête en entendant ce type beugler que tout ça c'était que des conneries, J'étais légèrement vexée, après tout ce n'était pas plaisant de s'entendre traiter de connerie ambulante. Je me levais donc et approchais de la table de ce type.

-Vous permettez que je m'assois? Je vous ai entendu parler des sorcières à l'instant, vous ne devriez pas dire ce genre de choses, et surtout pas aussi fort en public vous savez...

En m'asseyant, je faisais un petit signe de la main. Si cet homme était réceptif à la magie, il sentirait alors une onde toucher son corps. Il sentirait alors l'onde se concentrer au niveau de son torse. S'il ne luttait pas, il sentirait même une poitrine pousser sur son corps. Oh, pas une poitrine énorme hein, je compte pas le faire paniquer de suite, je veux juste lui faire comprendre que la magie c'est sérieux, surtout avec une sorcière dans le coin. Sa poitrine ne serait que très peu imposante, de l'ordre du bonnet A, et encore un petit bonnet A, pas le genre à la limite du B. Le genre qui peut passer innaperçu sous les vêtements, enfin vous voyez j'imagine. Je souriais à présent, invitant le serveur à me remettre une dose d'alcool dans mon verre. Pas qu'il était très bon, ni très fort, mais bon ça donnait l'image de quelqu'un qui boit tranquillement sans chercher à faire quoi que ce soit de bizarre.

Cinis continua son observation de la taverne d'une oreille attentive. Il avait toujours eu une oreille aiguisée et cela lui avait servi durant maints combats... entre autre chose. Les diverses rumeurs dansaient autour de lui et il cherchait autant la promesse d'un travail que des histoires amusantes. Il entendait des blagues grivoises sur un cheval et une servante et cela le fit rire pour des raisons très différentes de celles que le commun des mortels pourraient s'imaginer. Son rire se tarit cependant rapidement car il entendit se diriger vers lui, des pas légers, des pas de femme. Il le va aussitôt les yeux et analysa la demoiselle. Elle était plutôt élégante. Blonde et belle, il se demandait comment elle faisait pour ne pas se faire mettre la main au cul toutes les cinq secondes dans ce bouge. Lorsqu'elle lui adressa la parole, il sentit toutefois une certaine vexation et ses sens se mirent en alerte.

-Je vous en prie. Prenez place et veuillez excuser mon attitude déplorable mais je supporte mal que l'on m'implique dans des légendes qui semblent sorties d'un conte pour enfant. J'ai déjà vu ce qu'était la magie et... elle n'est pas aussi caricatural.

Il sentit une vague magique dans sa direction et son instinct, ainsi que ses gênes de gargouille se mirent en branle pour se protéger de la magie insidieuse. Il se permit de répondre avec un sourire élégant.

-Oh, il semblerait que je vous ai vraiment vexé pour que vous employiez cela sur moi. J'ai dû être un poil condescendant.

Il demanda une autre chope au serveur et observa la jeune femme. Elle semblait moins que ce qu'elle n'était en réalité, aussi, il demanda :

-Puis-je savoir à qui j'ai l'honneur ? J'aime mettre un nom sur les belles femmes, cela les rend uniques dans ma mémoire... (Il rit doucement) Pardonnez-moi, mais pourquoi une poitrine ?

J'esquissais un sourire amusé, et laissais même échapper un gloussement amusé. Les contes de fées hein? S'il savait... Enfin il semblait être plus que ce qu'il paraissait aux premiers abords, puisqu'il avait réussi à bloquer sa magie. Bon en même temps un terrien basique aurait pu le bloquer par accident, m'enfin bon...

-Qu'est ce que vous avez contre les contes de fées? Moi je les trouve plutôt agréables et plaisants... Surtout les vrais contes de fées.

Cette dernière partie était lourde de sens pour la jeune sorcière. Etrangement, tout autour d'elle les regards passant sur elle se teintaient de dégoût, comme si la jeune femme était grosse, édentée avec une jambe de bois, un oeil de verre et des croûtes entre les bourrelets. Bon, peut être que j'en étais un peu responsable aussi, après tout les sortilèges d'illusion c'est souvent capricieux... Comment ça "non, l'illusion est toujours telle qu'on l'a souhaitée?" Ah, peut être remarque, il se pourrait que j'ai souhaité ne pas être emmerdée par toute une tribu de terranides en rut...

-Je suis Kléo, juste Kléo, et ne mettez pas de nom sur ma tête, vous ne me reverrez vraisemblablement pas. Pouqruoi une poitrine dites vous? Je ne vois absolument pas de quoi vous parlez...

Elle sourit un peu plus en laissant cette dernière phrase en suspens.

Cinis s'adossa à son siège et se mit à rire à son tour. La demoiselle répondait au nom de Kléo et semblait très au fait des contes de fées. En réalité, elle semblait "intruse" à cet endroit, comme si elle n'avait pas sa place et les regards de dégoût et les regards qui se détournaient le lui confirmèrent. Elle devait avoir un voile magique sur elle mais cela n'expliquait pas sa réaction face aux contes.

-Je serai ravi d'en vivre un avec vous en ce cas. Cela fait bien trop longtemps que je n'ai eu l'insigne plaisir d'un voyage agréable en terre inconnue. Et sachez que je suis quelqu'un de très... persistant, j'ai toujours su revoir les belles femmes.

Lorsqu'elle laissa phrase en suspens, il lui rendit son sourire. Elle semblait avoir un minimum de subtilité malgré son air direct et ses pupilles dilatées. La magie qu'elle employait était trop différente des terranides, peut-être était-elle également d'un autre plan ?

-Dites moi, Miss Kléo, quelle relation avec les contes de fées avez vous ? Vous semblez plus à votre place dans une maison close vu votre accoutrement. Il joignit ses mains et posa sa tête dessus en laissant son regard doré se planter dans les siens.

Je laissais mon sourire planer sur mes lèvres. Il parait que ce sourire faisait fondre les gens, et il semblerait que cela fonctionne plutôt bien, pourquoi m'en plaindrais je dans ce cas? Après tout c'est exactement ce que je cherchais en venant ici. Et c'est pas leur alcool de lopette qui va me faire changer d'avis ou me barrer la route.

-Désolée, moi je n'offre pas de contes de fées, je les fait perdurer, et croyez moi c'est tout un travail à temps plein.

Encore une fois je laissais ma phrase sans aucune explications. Après tout comme cela il comprenait ce qu'il voulait, Lago ne me cassera pas les oreilles en disant que je n'ai pas à raconter de détails là dessus, et moi j'ai la paix.

-Quelle relation avec les contes dites vous? Et bien peut être que j'y ai vécu, allez savoir...

J'aggrémentais ma phrase d'un petit rire, visant à faire passer cela pour une plaisanterie, bien que cela n'en soit nullement une. D'un geste discret sous la table, je lançais un sort un peu au hasard de la pièce. Et c'est donc tout naturellement qu'un pochard vit un bonnet D bien remplis surgir brusquement sous son T-shirt. En bon pochard bien beurré, probablement là depuis ce matin, et donc même pas foutu de se rendre compte qu'il rêvait pas, il se mit à se tripoter, ce qui m'amusait énormément. Aussi j'en lançais deux de plus, un peu au hasard de nouveau. Cette fois cependant, j'y mettais la dose. Et c'est donc tout aussi naturellement qu'un humain pourtant normal vit trois paires de seins énormes craquer littéralement son haut, et qu'une femme verrait son pantalon se déformer de deux bosses bien visibles. De nouveau je souriais, et revint ensuite à mon interlocuteur qui venait de... Nan mais stop là, il me traite de pute nan? Clac! C'est le son qu'avait fait ma main en croisant sa joue, de manière plutôt dure. Faut dire que je sais y faire, parfois les esclaves ont besoin de petites corrections et une main leste y fait souvent mieux.

-De quel droit osez vous me comparer à une pute?!

Cette phrase, je ne l'avais pas dite, je l'avais criée, si bien que désormais tout le bar se retournait pour nous regarder. Pas très sérieux pour un mec de se faire voir avec ce que tous voyaient comme le plus gros laideron de Terra, surtout lorsque celle ci hurlait qu'elle n'était pas une pute. Mais bon, je suis comme ça et puis il l'a cherché hein!

Cinis était une personne suffisamment intelligente pour tester les personnes qu'il rencontrait et sa dernière phrase avait volontairement été en décalage avec l'ensemble de son discours. Il avait noté qu'elle ne l'avait pas remarqué et que donc elle était émotive et pas forcément très maligne, ensuite elle s'était amusée à mettre un bordel monstre dans la taverne, montrant ainsi quelle forme de magie elle utilisait, comment elle l'utilisait et pourquoi elle l'utilisait. C'était donc une personne simple avec des besoins simples : s'amuser, boire et sans doute, coucher. De plus, les réponses qu'elle lui avait donné étaient claires.

Premièrement, elle faisait "perdurer" les contes de fées, ce qui voulait donc dire qu'elle était d'un plan où cela avait un sens (ou bien elle était complètement folle à lier). Secondement, sa seconde phrase était peu subtile et laissait donc penser qu'elle les faisait perdurer en "y vivant". Il n'avait aucune idée de ce que cela impliquait mais cela devait sans doute être suffisamment important pour qu'elle vienne le sermonner. Troisièmement, elle venait de le gifler. Une réaction à chaud mais un peu calculé et volontairement faite dans un milieu public, elle cherchait donc à lui faire ressentir de la honte voire de la culpabilité. C'était une instinctive.

Cinis se frotta la joue et répondit simplement, sans arrogance.

-Il n'y a que trois types de femmes aussi belles et sensuelles que vous. Les nobles, les prostituées et les religieuses. Une noble ne descendrait pas dans un telle tripot et le fait que vous employer de la magie modificatrice montre que vous n'êtes pas d'ici. Une religieuse ? Ne me faites pas rire. Il ne reste donc que la dernière option. Et avant que vous ne me gifliez encore, je tiens ces demoiselles en très haute considération, ce sont des personnes charmantes et parfois de bien meilleures conseils que tous les professeurs du monde, j'ai été aidé plusieurs fois par elles et je les chéris. Désolé pour la méprise.

Il jeta un regard noir à l'assemblée, ce qui les dissuada de poursuivre leur inspection. Ils continuèrent en revanche de s'exciter autour des poitrines et des membres magiques... Cinis regarda Kléo à nouveau et dit sans se frotter la joue.

-Vous avez un bon coup de main. Un peu d'habitude, sans doute ?

L'air énervée, je claquais des doigts après la première tirade de ce type, dont j'ignorais encore le nom. Cela eut pour effet de faire disparaitre peu à peu les attributs nouvellement apparus sur les autres personnes. Oh, mais pas d'un seul coup hein, j'aime faire durer le suspens. Et plop, le pénis greffé qui perd deux centimètres. Et pouf le bonnet D qui devient un petit C. Et pof les trois paires de seins qui deviennent deux. Et oui, j'aime bien provoquer un peu de panique. Enfin faut surtout avouer que j'ai pas encore trouvé le moyen de tout faire disparaitre en une fois, et que je dois donc patienter le temps que cela se dissipe, et c'est assez chaotique visiblement.

-Vous avez peut être ces dames en estime mais pas moi. Pour ma part, se prostituer c'est une solution qui est non seulement insultante pour ces dames, mais qui en plus les montre comme recourant à une solution plus "simple" qu'une véritable vie active.

Et ouais, z'avez vu ça? Même moi je sais lacher des trucs plutôt profond quand je veux. Bon là j'ai bu quelques chopes et faut pas trop en espérer, d'ailleurs ce que j'ai dit n'a probablement aucun sens, mais c'est l'intention qui compte il parait. Bon où en étais je? Ah oui! Les traits de mon visage restaient durs, malgré la tentative plutôt gauche de la part de cet individu pour détendre l'atmosphère en me complimentant. Donc si on est une paysanne ou une sorcière on ne peut pas être sexy? A ce rythme je vais appeler Kaï, elle va nous l'anesthésier et hop dans un bassin à crocodiles... Quoi comment ça je me perd? Rooh zut hein!

-Oui, il faut bien pour matter les muffles.

C'était sans utiliser un ton de reproches que je disais cela. Vidant mon verre, j'intimais au serveur d'en remettre une dose de plus. A combien j'en étais? Boaf, un de plus qu'il y a cinq minutes je dirais, mais à part ça... Bon, le bon côté c'est que ma nature "féérique" si je puis dire, bah ça m'empêche de finir complètement pétée à cause de l'alcool. Et ouais, tout les bénéfices du goût d'un bon alcool sans les inconvénients de l'ébriété et de la gueule de bois, jaloux hein? Bon en tout cas je regardais de nouveau ce type, comment il s'appellait au fait? Ah non il ne l'a pas dit encore c'est vrai... Bon vu sa tête il va me sortir un nom bizarre, Georges? Ah non, ce n'est pas un yéti ni un homme de la jungle c'est vrai..

-Au fait c'est quoi votre nom? J'aime bien ficher les goujats, cela les rend uniques.

Ouais, c'était complètement moche de me servir des mots qu'il a employé pour l'insulter au passage, mais moi je m'en fous je suis comme ça. Je bus une autre gorgée d'alcool, cet alcool bizarre dont je connais même pas le nom, tellement bizarre que j'ai juste pointé une bouteille au pif et que j'ai demandé "ça", enfin bref je buvais une autre gorgée en attendant sa réponse.

Cinis se demanda un instant si elle pensait réellement que la prostitution était un choix volontaire de vie ou si elle disait cela pour être cynique. C'était une pensée étrange que de croire un seul instant que la prostitution était autre chose qu'une solution de dernier recours dans une vie qui ne permettait aucune autre échappatoire. Enfin, ce n'était ni le lieu ni le moment de polémiquer sur de telles valeurs. Elle ne semblait pas, selon son analyse, du genre à discuter en large de ce genre de chose. Mais elle était directe, ne mâchait pas ses mots et avait un petit côté amusant.

-Avant que vous ne commenciez à vous énerver. Je ne considère pas les trois catégories de femmes que j'ai cités comme les seuls à pouvoir être belles mais... J'ai rarement rencontré de mendiantes ou de paysannes s'habiller de la sorte. Et... (Il se redressa, et cessa ses petits sourires.) priez moi de m'excuser pour mes dernières remarques, j'avais besoin de vérifier quelque chose.

Il réajusta son manteau, prenant pour la première fois une allure d'homme déterminé et dit.

-Mon nom est Cinis. Je suis un mercenaire et un peu con sur les bords. Merci de l'avoir noté. Maintenant que nous savons qui nous sommes, pouvez vous m'expliquer comment une magicienne d'un autre plan fait pour faire perdurer les contes de fées ? Je trouve l'idée intéressante mais je ne sais pas ce que ça implique.

Il termina la bouteille qu'il avait apporté d'un trait et se demanda un instant si il devait lui proposer d'aller ailleurs. Un voile magique était assez handicapant pendant une discussion...

De vérifier quelque chose? Qu'est ce qu'il racontait? J'haussais un sourcil interrogatif, sans vraiment chercher à répondre à sa phrase. Je le regardait remettre son manteau en place. Il avait l'air d'un mec un peu plus sérieux cette fois. Ah, Cinis donc... Un mercenaire? J'ai jamais vraiment pu blairer ce genre de personnes, je supporte déjà à peine Kaï... Bon c'est surtout pour ses faveurs que je la supporte, mais ça c'est pas ses oignons j'ai envie de dire. Tiens, un autre plan? Qu'est ce qu'il me chante là? J'ai pas de plan précis moi, j'agis au feeling, rien de plus! Oh, il voudrait savoir comment je fait perdurer les contes? Ah ah ah s'il savait, je vais devoir la jouer fine...

-Comment je fais? Et bien comme toutes les personnes qui font perdurer les contes pardis!

Et hop, encore une fois je la jouais flou. Il pourrait comprendre un peu ce qu'il voudrait, et perso j'en ai strictement rien à faire. Je m'étirais un peu en baillant. C'est pas tout ça mais le temps commençait à passer hein... Dire que ça fait déjà plus de trois heures que je suis là à boire... Si j'avais pas ce foutu voile, on m'aurait déjà abordée une bonne quinzaine de fois, juste parce qu'on aurait pensé que je suis raide morte et bonne à cueillir. Mais avec l'apparence qu'on me donnait, même complètement bourré aucun mec n'oserait approcher... Je souris un peu.

Cinis trouvait la jeune femme rafraîchissante d'une certaine manière. Elle était simple. Ce n'était pas une critique mais simplement une remarque, elle était simple et quelque part, ce simple fait rendait sa conversation intéressante et un sourire un peu triste, réminisçant d'un passé disparu, marqua son visage. Ses yeux se posèrent sur son verre et il décida d'y verser un peu de son alcool personnel, trop fort pour n'importe quel créature pour la simple et bonne raison que pour ne pas avoir la tête qui tourne, il fallait avoir le physique d'un Vadras entraîné. Cela lui donnait généralement un sentiment de paix et... une gueule de bois s'il en buvait trop.

-Je vois. Vous faites donc pousser des bites sur les princesses des contes afin qu'elle ne s'ennuie pas dans leurs tours-prisons gardée par un dragon qui traînait là ? (Il rit avec légèreté) C'était très mauvais hein ? Mais bon, je suppose qu'une belle sorcière doit avoir sa charge de travail. Oh, j'oubliais. (Il demanda à voix basse.) Désirez vous poursuivre cette discussion dans un endroit où vous n'avez pas à vous voiler ? Je ne suis pas expert dans votre magie mais il me semble que c'est fatiguant de rester ainsi en constante utilisation de magie.

Son regard était sincère et sa demande légitime. Mais il craignait que la demoiselle n'est pas... l'envie de répondre à sa proposition. Après tout, sa technique d'analyse l'avait vexée. Ah, les femmes... Une vraie mécanique complexe et incompréhensible pour ceux qui s'y frottent.

J'éclatais de rire à sa première question. C'était plutôt amusant, surtout lorsqu'on s'imaginait que je l'avais déjà fait dans ma propre histoire.

-Allez savoir, peut être que j'aime mes princesses bien couillues.

Je m'étirais de nouveau. Je penchais la tête lorsqu'il me parla de fatigue que je rencontrais à force de maintenir mon voile d'illusions. Fatigue? C'est pas une bête illusion qui me fatiguerait... Je riais de nouveau.

-Non, une illusion c'est tout bête, on fait juste rebondir la lumière de manière différente, il n'y a aucune matière, par contre si je voulais faire pousser une bite à votre chaise, de manière à ce qu'elle perce votre fessier, ce serait un peu plus fatiguant.

Je laissais un long moment avant d'ajouter en souriant.

-Mais n'allez pas penser que je n'en suis pas capable, ou vous auriez mal au cul après.

Une nouvelle fois je riais légèrement. Oh que oui j'en étais capable, je saurais même faire pousser ne bite directement dans son pantalon alors bon.

Cinis se mit à rire à son tour. Du peu qu'il connaissait la jeune femme, il se doutait qu'elle ne se vantait que très légèrement et au vu de l'esclandre de plus tôt, il paraissait évident qu'elle avait un certain pouvoir et que ses "menaces" pouvaient être facilement mises à exécution. Il se contenta de répondre avec un charmant sourire :

-Oh, je n'en doute pas un instant. Vous semblez avoir une certaine maîtrise de la magie, même si je ne pense pas la comprendre dans toute sa globalité. Mais puis-je vous demander ce qu'une femme telle que vous fait dans ce bouge ? Je suis un mercenaire et donc je fais plus ou moins partie du décor mais vous semblez plus à votre place dans un de vos contes que dans ce trou miséreux, non ?

Il marqua une pause et observa les alentours. Elle attirait un peu trop l'attention avec son voile magique. Sa forme devait être très "particulière" sans quoi les coups d'oeil dégoûtés ne seraient pas aussi importants. Il se leva de sa chaise, son grand manteau de "cuir noir" bruissant dans le mouvement et sa miséricorde tintant contre les boucles de fer de sa ceinture, il avait une sorte d'aura animale qui jurait avec son apparence d'homme raffiné (enfin, il espérait que c'était ce à quoi il ressemblait.)

-Puis-je vous inviter à boire un verre dans ma chambre pour poursuivre cette discussion ? J'ai bien mieux à boire que cette piquette.

Il se demandait si elle refuserait, après tout, elle était un mystère pour lui pour le moment et puis il ne refusait jamais un défi quand il se présentait.

J'arquais un sourcil. Comprendre la magie? C'était un peu un paradoxe ça, non? Après tout la magie n 'avait rien de scientifique, elle n'était pas à comprendre, juste à employer, non? Enfin je suis pas là pour tenir un discours à la con sur la nature de la magie non plus mais bon. Je m'étirais un peu en me levant. Il m'invitait à boire un coup? J'ai déjà vu plus discret et raffiné pour amener une fille à sa chambre, mais bon... J'haussais les épaules.

-Si vous voulez mais ça va jaser sur votre dos.

Et ouais, après tout ce n'était pas fréquent de voir une femme n'ayant d'humain que la posture, s'en aller dans une chambre avec un mec à peu près raffiné... Je souriais un peu à l'idée de l'image qu'auraient les gens quand on partirait, et le suivait en baillant une nouvelle fois à m'en décrocher la machoire. Hein? Vous voulez que je décrive l'apparence que les gens ont de moi? Et bien... Pour commencer j'ai pris pas mal. Pris quoi? Environ 100 kilos et 40 ans... Comment ça? C'est pas assez? Bon disons 60 ans alors... En plus de ça j'ai des croûtes un peu partout sur mes bras nus, la moitié des cheveux qui ont disparus pour laisser place à un crâne couvert de cicatrices infectées, je suis borgne et sans cache oeil, et en plus de ça il me manque une main, celle que j'ai utilisé pour faire de la magie tout à l'heure. Ah ouais et j'ai un gros bouton verdâtre sur le nez aussi, assez glauque non? J'observais l'assistance en leur souriant, leur dévoilant une bouche où ne restait plus que trois ou quatre dents, avant de regarder Cinis, à qui on jetait des regards de dégoût. Un nouveau claquement de doigts, et une bonne partie de l'auberge se retrouverait avec des attributs étonnants, comme des seins en trop, des bites poussant sur le torse ou même des vagins sur le nombril. Et bien sur un second claquement de doigts fera disparaitre tout les vêtements, sauf ceux de quatre ou cinq personnes, Cinis et moi compris. Et pourquoi je faisais ça? Bah parce que c'est drôle pardis! Comme ça tout le monde jette des regards accusateurs à tout le monde, sauf à moi. Pourquoi? Parce qu'on ne m'a pas vu bouger le moindre sourcil! Et bah oui, la main qui claque des doigts n'existe pas pour eux. Je souris largement à Cinis.

-On y va?

Cinis rit doucement à la remarque de la demoiselle. C'était une charmante phrase et compréhensible d'une certaine manière mais elle oubliait une chose simple et terriblement commune pour le vétéran : il n'avait aucun intérêt dans l'avis des gens sur sa personne, surtout les poivrots d'un bar miteux de la capitale. Il n'était pas noble et son nom n'était pas connu partout en ville et donc il n'avait aucune image de marque à protéger. Il observa la demoiselle s'amuser avec ses pouvoirs et soupira un peu intérieurement. Si elle continuait trop longtemps, elle risquait d'attirer la milice et elle avait un physique fictif trop... reconnaissable pour se permettre de poursuivre. Enfin, ce côté insouciant était appréciable. Il lui offrit sa main afin de la guider au milieu de ce chaos qui commençait à lui taper sur les nerfs. Qu'ils étaient bruyants !

-Oui, nous y allons. Et excusez mon comportement. Je passe beaucoup de temps à observer les gens.

Des pilliers de bar s'agitaient en désordre devant lui, certains le heurtaient également. Il toussota légèrement regarda sa compagne et déclara qu'il allait "trouver un moyen plus direct de passer". Il observa le tohu-bohu d'un oeil agacé et l'espace d'un instant, ses pupilles devinrent verticales et l'ensemble des clients se turent instantanément et formèrent un passage. Le contrôle de l'essence vitale est assez complexe à expliquer et donc, en résumé, il avait augmenter sa propre essence, son aura en quelque sorte, afin de créer une réponse instinctive chez ces humains diminués. Kléo et lui-même montèrent donc à l'étage sans encombre sous les regards apeurés et tremblants des convives. Cinis était énervé, ce qui devait sans doute être dû à la conjugaison de son alcool, de l'odeur et des hordes hurlantes, et il était effrayant pour qui n'avait pas l'habitude des dégagements d'aura et celui-ci était léger. Une fois dans la chambre, il arrêta cela, ses pupilles redevinrent rondes et le chaos reprit mais bien bruyamment étrangement.

-Désolé, c'était un peu voyant.

Il se permit de servir deux verres de son alcool clair. Cinis pouvait sembler être un goujat mercenaire au raffinement discutable, il avait également une puissance qu'il conservait la plupart du temps dissimulé. Il se mit à rire et passa une main sur son visage, l'autre tendant un gobelet en argent (l'une de ses rares possessions) à Kléo.

-Quels avaient été vos mots déjà ? "Mais n'allez pas penser que je n'en suis pas capable ou vous auriez mal au cul" ? Je pense qu'au final, c'est eux qui ont eu le plus mal dans l'affaire.

Il riait sans savoir réellement pourquoi. Il n'était pas saoul, il le savait car il n'arrivait plus à l'être depuis trois ans maintenant. Il se demandait ce que cela pouvait être.