Mélinda était beaucoup de choses à la fois, beaucoup de paradoxes et de contradictions. Elle pouvait être autoritaire, cruelle, sadique, perverse, et en même temps délicieusement douce, attentive, attendrissante, en faisant preuve d’une délicatesse qui la faisait passer pour une adorable petite fille prenant ses esclaves pour de belles poupées fragiles. La vampire suivait sa propre logique, une logique déstabilisante pour ceux et celles qui n’y étaient pas habitués. Pour l’heure, elle caressait délicatement Lissa, qui lui expliqua ce que Mélinda avait à savoir sur Evangeline. Apparemment, ses méthodes avaient globalement l’air similaires aux siennes, dans le sens où ses techniques de dressage et de formation ne reposaient pas sur la menace, la coercition, et la souffrance. Mélinda aimait ça. Elle savait qu’elle avait des méthodes assez atypiques, car elle ne voulait pas forcer ses esclaves à lui obéir par peur, mais plutôt par une sorte d’admiration profonde, de désir de faire plaisir à leur Maîtresse. C’était une technique originale, elle en avait fort bien conscience, difficile à mettre en œuvre, mais qui, sur le long terme, s’avérait très efficace. De plus, d’un point de vue philosophique (parce que, à ses heures perdues, Mélinda aimait se mettre à philosopher), elle amenait à contrebalancer ces affirmations sur la liberté, et à se demander si l’objectif suprême recherché par l’être humain n’était pas, plutôt que la liberté, celle de bonheur. Des considérations qui ne concernaient que son propre esprit ; elle n’allait pas abandonner Lissa avec ça.
Cette dernière lui expliqua qu’il existait différents types de serviteurs au manoir, et qu’ils accomplissaient des prestations au sein du village, ce qui amena Mélinda, pour le coup, à se demander quelle influence Evangeline exerçait à l’intérieur du manoir. Elle était visiblement une notable du village... En était-elle la principale dirigeante ? Ou est-ce que son influence était tempérée par des rivaux potentiels ? Des informations apparemment sans importance, mais, encore une fois, le besoin compulsif de sécurité et de contrôle de Mélinda l’obligeait à obtenir le plus de renseignements possibles. Ses doigts continuaient à jouer sur la tendre peau de la femme lorsqu’elle en arriva à parler des poupées gardiennes.
De ce que Mélinda comprit, les hommes étaient avant tout prédestinés à devenir des soldats protégeant Evangeline. Cette femme était puissante, suffisamment pour avoir été de ces régions glaciales jusqu’au cœur de l’Empire d’Ashnard juste pour pouvoir discuter avec Mélinda. Jusqu’où s’étendait son influence ? Sa puissance ? Jusqu’à quel point Mélinda pourrait-elle être son alliée ? La vampire n’avait jamais caché ses ambitions et sa soif de pouvoir. Elle ne rêvait pas de devenir une Impératrice, mais d’augmenter son influence, de redonner aux Warren la hauteur que leur nom avait, avant que la démence de son père ne réduise tout à néant... Même maintenant, des siècles après avoir tué son paternel, inconsciemment, les actions de Mélinda étaient dictées par son opposition avec son père, un être cruel qui n’avait eu de cesse de la rabaisser, de l’humilier au point de la faire se sentir plus bas que terre. Elle avait sauvé le harem, elle avait racheté une guilde, et elle était maintenant à la tête d’une entreprise florissante, en train de conclure des partenariats commerciaux avec d’autres grands noms d’Ashnard, et même d’autres contrées... Elle mettait la misère à tous ceux qui, auparavant, l’avaient tourné en ridicule, en se moquant de cette gamine arrogante pensant pouvoir, juste avec soin petit minois et ses yeux verts, rivaliser avec les redoutables et surpuissants esclavagistes ashnardiens.
« D’accord... » finit par dire Mélinda.
Elle releva lentement le visage de Lissa, et la coucha sur le dos, puis se glissa à sa portée. Une main se faufila dans les beaux cheveux de la femme, et elle l’embrassa sur les lèvres. Mélinda l’embrassa assez longuement, en s’étalant contre elle, mais sans chercher à la déshabiller. L’idée était tout simplement de l’embrasser, de partager un peu de bonheur et de douceur entre elles. Le baiser finit naturellement par se rompre, et Mélinda se redressa un peu, ses mains venant caresser le visage de la femme, glissant un peu sur ses lèvres. C’était une autre chose que la vampire aimait beaucoup, là encore, sans explication particulière : caresser les lèvres de ses amantes, glisser dessus, les titiller, en suivre la commissure, enfoncer le bout de ses ongles à l’intérieur, puis ses doigts, afin de sentir leur langue... Aucune explication rationnelle là-dedans, rien d’autre que le fruit de son désir.
Mélinda finit alors par poser ses nouvelles questions :
« Quel est le poids de ta Maîtresse dans cette ville ? Est-ce qu’elle contrôle tout ? Mes petites protégées pourront-elles se protéger en toute sérénité dans cette ville, ou doivent-elles craindre d’éventuels rivaux de ta Maîtresse ? »
Cette question correspondait presque à ce que supposait Lissa.