Lucas passa derrière elle, et elle fit mine de l'ignorer. Tout va bien ; l'aubergiste prenait son temps. Au bout de plusieurs secondes, elle commença à tiquer. Elle n'avait pas entendu la porte d'entrée s'ouvrir, ni se fermer. Elle jeta un coup d'oeil derrière elle : le gamin, fier comme un paon, attendait devant la sortie. Merde merde merde ! Leurs regards se croisèrent, et elle lui fit les gros yeux, espérant qu'il comprenne. Sors, espèce d'idiot !! Elle entendit les pas du tenancier qui revenait et se retourna vers lui, la monnaie déjà en main. Elle avait mémorisé le prix de la bouteille de la dernière fois, ce qui avait l'avantage de lui faire gagner du temps.
"Ah ! Merci M'sieur ! Voilà pour vous !
-Oh, déjà ? C'est ce que j'appelle une bonne mémoire !
-Hehe, merci ! A ce soir !"
Elle se retourna, prête à rejoindre Lucas, quand la porte de la taverne s'ouvrit, laissant entrer six gardes armés. Oh putain. Que faire que faire que faire ? Avoir l'air naturel. Amical. Quand on a rien à se reprocher, on est amicale et souriante avec les gardes.
"Eh, jeune fille, ça t'embête si on je te pose deux trois questions ?
-Eh beh... non, non, du tout. C'est à propos de... d'hier soir, j'imagine ?...
-Tu y as assisté directement ?
-Oui, j'étais... enfin, ça s'est passé sous ma fenêtre. Répondit-elle avec une certaine timidité.
-On a entendu dire que les types qui on été décimés poursuivaient un gamin. Un esclave tout frêle. Ça te dit quelque chose ?
-Oh ben... j'ai bien vu un enfant, mais il était plutôt grassouillet... Elle agita la main d'un air évasif.
-Hm, d'accord. Et le monstre ?
-Je... je n'ai pas bien regardé. Commence-t-elle à bégayer, cherchant désespérément une explication convenable. J-j'avais trop peur qu'il me voit, alors j'ai éteint ma lumière et je me suis éloignée de la fenêtre...
-Mais tu l'as bien vu, d'abord, pour avoir eu peur de lui ? L'homme fronça légèrement les sourcils d'un air sceptique.
- ... je... je..."
Elle commençait à pâlir et à trembler, ce qui n'était pas pour la rendre moins suspecte. Elle aurait du dire qu'elle dormait, qu'elle n'avait rien remarqué. Son cerveau paralysé par la peur refusait de lui donner une réponse salvatrice. Pendant trois secondes qui lui parurent une éternité, elle resta la bouche entrouverte, la tête désespérément vide, seulement consciente de ses jambes flageolantes et du frisson glacé qui glissait sous sa peau.
"Oh, c'est si compliqué comme question ? la brusqua soudain l'homme d'arme.
-Laissez la donc tranquille cette gamine, vous voyez pas qu'elle arrive pas à en parler ?"
L'aubergiste était soudain intervenu, de derrière son comptoir, parlant rustre et forte. Le garde tourna la tête vers lui, l'air passablement agacé ;
"Eh ben faudra bien ! Et je vous conseille de baisser d'un ton si vous voulez qu'on ferme les yeux sur certaines certaines marchandises à la provenance douteuse, quand on fouillera votre auberge !
-Ah, parce que vous allez fouiller mon auberge, en plus ? C'est pas assez d'emmerder les clients ?!"
Le représentant des forces de l'ordre s'était désintéressé d'elle et faisait face au propriétaire, avec lequel la conversation prenait une tonalité de plus en plus agressive. Il sembla à la jeune fille qu'elle glissait au ralenti quand elle se dirigea vers la sortie, prenant l'iar le plus désinvolte qu'elle pouvait. Elle ne fixait que la porte de sortie vers laquelle elle se dirigeait lentement; Pourvu que personne ne m'arrête, pourvu que personne ne m'arrête...
Sa main se posa sur la poignée, et elle s'échappa à l'extérieur. Elle n'avait pas jeté un regard à Lucas. Elle s'en alla dans la même direction qu'elle prenait toujours en sortant : celle du centre ville. Ce ne fut qu'après avoir tournée dans la première ruelle à portée qu'elle se retourna enfin vers Lucas, tout en se laissant tomber contre un mur pour s'y appuyer.
"Oh putain... on est sortis."