Plus les minutes défilent, moins les espoirs persistent ! Le vagabond avait pourtant eu un coup de cœur pour Seikusu, et c'est, pour le moment, la grande désillusion. Encire une soirée sans proie... Et soudain, un bruit, nul doute n'est permis. Ce sont des talons qui claquent sur le sol ; un pas alerte, sans nul doute celui d'une femme seule qui se hâte de rentrer, pour éviter une mauvaise rencontre. Oh, elle ne devrait pas s'inquiéter, même si elle ne sait pas encore que son chemin va croiser celui d'un homme hors du commun.
Un prédateur ! Un homme en chasse de sa proie, qui se glisse dans l'intervalle d'un porche, tandis que les pas se rapprochent. Vite, très vite, son esprit travaille. Quelle approche ? Quelle attaque ? Il est presque pris de court, il sort de sa cachette, il improvisera. La victime, pardon la femme, apparaît à l'angle de la rue, sur le trottoir d'en face. Marcher à sa rencontre, traverser à sa hauteur, il hésite. Pourtant, la proie est belle, une longue chevelure brune, une silhouette gracile qui ondule au gré des pas.
La proie n'a pas fait attention au prédateur ; soit elle est inconsciente, soit elle se sent en sécurité. Il avance, s'arrête et se tourne un peu pour regarder avant de traverser. Et soudain, son bras gauche, une violente douleur, un coup ou autre, dans un grand bruit de ferraille. La violence du choc l'en a même déséquilibré, et il se rattrappe in extremis à une voiture stationnée. Son bras lui fait mal, mais le pire n'est pas là, car sa proie s'enfuit, tandis qu'il essaie de comprendre.
Le bruit de métal, son sac ! La boîte, oui la boîte de fabrication de clefs qu'il avait dérobée à un serrurier. Le bruit, c'était ça ! Mais pourquoi ? Son sac est déchiré, le couvercle de la boîte est défoncé comme par un choc, et, à terre... une hache ! Pourtant, il sent encore son bras, juste une douleur comme si un coup l'avait fracturé, sans doute le choc, la violence, mais pourquoi cette hache ?
Il en oublie sa proie, cette fois. Il y a un danger, et c'est lui la proie ! Oh, il n'a pas longtemps à chercher. Mais s'il s'attendait à ça ! Madame Irma, c'est la première impression qui lui vient à l'esprit, des colliers et des breloques, mais avec une tenue anachronique et des couleurs dépareillées. Enfin, Madame Irma en rollers, ce serait original ! Il n'y a personne, ce ne peut être qu'à elle qu'appartient cette hache. Une folle, oui la folle du quartier. Et là, pas de doute, il faut juste fuir. Non par peur, mais parce qu'il est dans une ville étrangère où il faut se faire discret. Comment expliquer dans un japonais quasi nul qu'une folle habillée mi bijoux mi flashy lui a lancé une hache en pleine rue ? Elle a déjà abimé son kit de clefs, inutile d'en rajouter, car cela intriguerait les policiers. Une seule solution, fuir ! L'atelier n'est pas loin. Même en rollers, elle ne pourra pas le rattrapper, surtout qu'il y a des marches et aussi un petit escalier. Fuir, juste fuir, après on verra.
Alors, se relevant, saisissant son sac à moitié en lambeaux, il se met à courir, comme si sa vie en dépend. Oui, c'est ça, il est tombé sur il ne sait quoi, et il pourrait bien mourir ici, après avoir pourtant affronté bien des dangers !