Visiblement, l’autre Kerrigan avait du s’accoupler avec un individu qui devait avoir quelques problèmes hormonaux, vu la propension de son « fils » à lui palper le corps.
*Comment mon double a pu échouer à ce point dans son éducation ? Les mâles dominants n’ont jamais été le stéréotype-type des Tekhans, et encore moins des Formiens...*
Qu’elle ait choisi un mâle comme descendant, mais aussi comme messager, était ce qui la troublait le plus. Pour les Formiens, le sexe masculin appartenait au passé. Il était synonyme d’inefficacité, d’impuissance, de laideur. Toute l’œuvre des Formiens était vouée vers la procréation, et seules les femmes avaient, à leurs yeux, droit de diriger. Les mâles n’étaient bons qu’à une chose : capturer d’autres femmes. Que certains soient capables de diriger avaient toujours irrité Sarah, bien qu’elle savait que bon nombre d’Annexiens étaient de sexe masculin. L’Overmind faisait exception : techniquement parlant, il n’avait pas de sexe, même si on avait coutume de le représenter comme un homme. Sarah y songeait silencieusement, alors qu’Aal’Kesh, après avoir brièvement observé plusieurs cuves, lui expliqua que son futur ne serait guère rose. Un certain Naggaroth viendrait, et la rallierait au rang de Cérébrate de seconde zone.
Un tel nom ne lui disait absolument rien. Naggaroth... Le nom sonnait formien, mais elle n’avait jamais entendu parler d’une telle créature. Ainsi donc, dans le futur, Terra tomberait ? En soi, ce n’était pas impossible. Sarah savait que l’Overmind comptait envoyer des renforts, mais encore fallait-il que ces derniers arrivent. La Fourmilière n’était rien de plus qu’un avant-poste militaire, et cette résistance inattendue que les Formiens rencontraient était une source d’irritation constante. Ce monde étrange avait attiré la curiosité de l’Overmind, et Sarah avait toujours cherché à en comprendre les raisons, quitte à se heurter à l’hostilité des autres Annexiens, pour qui de telles questions n’avaient pas à se poser. Sarah était cependant curieuse, tout comme elle avait toujours cherché à comprendre pourquoi l’Overmind l’avait créé. Abathur lui avait simplement expliqué que l’Overmind avait tenté sur elle une expérience, afin d’apprendre à mieux connaître le fonctionnement des humaines. Si cet argument avait initialement pu la convaincre, elle était maintenant de plus en plus sceptique. Pour Abathur, qui restait un Formien, soit une créature formatée et disciplinée, incapable de remettre en cause les directives de ses supérieurs, cet argument coulait de source, mais, maintenant que Sarah connaissait un peu la Fourmilière, et était devenue la reine des Lames, elle avait pu constater que ses multiples raids sur la surface de Terra n’avaient nullement permis de changer la configuration de la guerre. Pourquoi avait-elle conservé son libre-arbitre ? Pourquoi n’avait-elle pas été formatée comme les autres ? L’Overmind n’avait jamais cherché à créer d’autres Annexiens similaires à son modèle. Autant de questions qui lui trituraient l’esprit, et qui trouveraient sans doute des réponses... Pourquoi envoyer autrement cet homme ?
Aal’Kesh se rapprocha d’elle, et poursuivit ses explications, lui expliquant qu’il était venu là pour lui offrir une armée, pour l’enfanter :
« Te donner de nouveaux enfants, des soldats au-delà de ceux qui existent déjà. Uniquement lié à toi et non plus à l'entièreté de la Nuée. Et, à la tête de cette nouvelle armée, tu pourras partir à la conquête du pouvoir dont je parle. »
Sarah ne dit rien, laissant les doigts de l’homme parcourir son corps, avant de se glisser vers son intimité. Cette fois-ci, Sarah estimait qu’il était un peu trop intime... Non pas qu’elle soit prude, mais elle avait d’autres soucis en tête, sur le coup, que coucher avec cet homme... Comme en savoir plus sur lui. De plus, elle n’était pas vraiment le genre de femmes qui ouvraient ses cuisses simplement parce qu’un mâle le demandait.
L’une de ses pattes heurta le torse de l’homme, et le repoussa.
« Tempère tes ardeurs, jeune homme... Je vais finir par me poser des questions sur la santé mentale de celui qui fut ton géniteur. »
Sarah croisa encore les bras, et s’avança un peu.
« Tu n’es pas venu ici pour m’enfanter. Si tu peux raconter ce genre de mensonges à ta mère, ce n’est pas le cas de moi. Aucune armée ne pourra jamais rivaliser avec celle de l’Overmind. Que pourrais-je bien faire de dix petits soldats supplémentaires, quand des centaines de milliards de Formiens noirciront le ciel, et que le Nuage Céleste flottera au-dessus de Terra ? »
Sarah connaissait l’immensité de la Horde. Dans ses songes, elle l’avait vu, et elle avait frémi devant la puissance infinie de l’Overmind. La Fourmilière n’était rien, rien d’autre qu’une goutte d’eau dans l’immensité infinie de son armée. Le Nuage Céleste désignait le cœur de l’armée de l’Overmind, une armée si dense, si vaste, si nombreuse, si infinie, qu’elle en remplissait l’espace, formant un nuage infini se concentrant autour de « cœurs » centraux : d’immenses vaisseaux-mondes, voire même des planètes entières, entièrement recouvertes de la marque des Formiens, qui avançaient à travers l’espace. Que pouvait-elle faire contre une telle invasion ? Et encore... Ça, ce n’était pas le centre de l’Overmind, là où les Formiens avaient originellement apparu.
« Et, si tu me connais si bien que ça, tu devrais savoir qu’il est inutile de poser des remarques que je n’appliquerais pas. Les techniques d’Abathur sont quelque peu agressives, mais lui pourra me dire avec certitude si tu n’es pas un quelconque cheval de Troie. Après tout, c’est lui qui m’a créé, et, si tu es réellement le fils d’une autre Kerrigan, alors tu as également du passer par lui. Quant au reste... »
Sarah croisa les bras.
« Devos appartient encore aux Tekhanes, et j’ai perdu bon nombre de Formiens. Elles aussi ont perdu du monde, mais cet Avitus m’inquiète... Je le pensais mort. Il va falloir que je trouve un moyen d’en savoir plus sur lui. Ce n’est pas la première fois que les Novaquiennes font des machines de guerre pour tuer les Annexiens, mais, généralement, leurs efforts étaient pathétiques. Il en va différemment de celle-ci. »
Kerrigan soupira. Oui, il n’y avait pas que son « fils » qui la préoccupait. Lui et ses prophéties lui semblaient pour l’heure être des problèmes nettement plus éloignés, et donc moins importants, que cette espèce de machine de guerre qui l’avait mis dans une situation des plus délicates.
« Et je suppose que cette machine, ce... Ce Terminator, si j’en crois ce que j’ai entendu, t’est inconnu dans ton monde... »
Si c’était le cas, alors c’était le premier signe qu’il y avait des différences entre les deux mondes... Il restait encore à déterminer à quel point.