Ichiro ne ressentait pas la douleur. Sa mâchoire de fer avait tenté d'entailler la lame, mais le métal était trop dense : la lame avait ripé, arrachant des sons stridents et avait enraillé le fer d'Ichiro. Mais aucun liquide sanglant ne s'échappait, aucun signe de douleur ne transparaissait du monstre, rien ne l'avait atteint.
L'homme de fer secoua la tête, un peu étourdi par la violence du choc. Il n'avait que rarement eut l'occasion de croiser le fer, mais à chaque fois, cela s'était soldé par une défaite de l'adversaire. Aujourd'hui, le camp adverse semblait receller de pouvoirs inconnus de l'hybride inhumain.
Cependant, Ichiro n'eut pas le temps d'analyser la situation que déjà, la femme reprenait son épée bien en main et s'apprêtait à lui porter un coup fatal. Bien que sa mâchoire soit de fer, le reste de son corps était resté de chair, et son adversaire l'avait noté avec attention. C'est pourquoi à présent, elle ne visait plus son visage mais son corps.
Pourtant, la jeune femme hésita. Qu'est-ce qui avait pu provoquer ces quelques secondes d'hésitations ? Avait-elle eut un sursaut de pitié ou de doute ? Une once de regret ? Ichiro n'imaginait même pas de telles choses. Un adversaire comme celle-ci ne pouvait s'appitoyer sur le sort qu'il réservait à son ennemi. Mais alors, d'où venait cette hésitation qui permit à Ichiro de plonger au sol et de roule en boule jusque dans les blés.
Cette situation ne lui plaisait guère, mais il ne voyait pas l'intérêt de se battre. Cette petite scène ne l'aiderait pas à en savoir plus sur les terres qu'il était venu explorer, or, il se doutait qu'une fille comme celle qui se trouvait en face de lui, devait avoir une multitude de choses à lui raconter.
Ichiro ne bougeait plus. Le moindre de ses mouvements auraient fait bouger les blés et auraient indiqué sa position. Or il ne le souhaitait pas. Pas encore. Il devait d'abord réfléchir quelque peu. Sa mâchoire de fer n'était pas la solution à tout ses problèmes, elle lui en avait plutôt créer. Même si maintenant, depuis de nombreuses années, il avait su en tirer profit.
Aujourd'hui, la situation était particulière, originale, unique. Ichiro appréciait cela. Il n'aimait pas les choses banales. Il était un être unique et se devait de vivre des choses uniques. Mais pour cela, encore fallait-il rester en vie !
Les secondes s'écoulaient comme des heures. La respiration haletante, Ichiro essayait de calmer les battements de son coeur. Il gardait sa concentration sur les faits et gestes de celle qui se trouvait à l'extérieur du champ de blé, mais le reste de son esprit était occupé à calmer sa colère. C'était bien la première fois de sa vie que sa mâchoire lui semblait être de trop. Il l'avait toujours cultivée comme un atout, même quand le regard d'autrui lui donnait un reflet monstrueux de lui-même. Aujourd'hui, cette arme défensive qui pouvait se révéler être un précieux allié, lui entravait son champ d'action.
Lorsqu'il réussit à calmer les battements de son coeur, il sentit petit à petit sa chair reprendre sa place et ses droits sur le bas de son visage. Tout ce qui était tranchant redevenait doux et tendre, comme une peau de bébé. Cette partie de son visage se révèlait être une peau extraordinairement douce et velouté car elle n'était que très peu altéré par l'atmosphère extérieure, toujours protégée par son bandeau, qu'Ichiro ne s'empressa pas de remettre. Ce bandeau ne l'empêchait pas de parler, mais s'il fallait reprendre le combat, cela lui ferait perdre de précieuses secondes. C'est donc le bandeau autour du cou, sans bouger d'un millimètre, qu'il s'adressa à la jeune fille à la cuirasse et à la lame de soldat.
"Qui es-tu, femme ?!"
Malheureusement, les bonnes manières avaient depuis longtemps désertées l'esprit du pauvre jeune homme. Martyrisé par la société, il ne faisait maintenant confiance qu'à ses Frères. Or pour lui, il fallait pouvoir accorder sa confiance à quelqu'un pour le respecter. Et le respect se méritait, tout comme la confiance. Or cette femme appartenait aux peuples humains, à ceux qui ne savaient distinguer la valeur des gens derrière leurs masques, et ces gens ne faisaient pas parti de ceux qu'Ichiro évaluait positivement.