Visite sur Terre. [Père_Yves]

- Tu as vue, celle-là?
- C'est une mannequin?

J'étais enfin venue faire un tour sur Terre. Depuis le temps que je le souhaitais. Déjà, les gens me regardaient. Puis, viens une phrase qui ne trompa pas:
- Elle fait du cosplay?

Je réfléchis à cette phrase un instant, puis je réalise que je suis toujours ... Enfin, que je ne suis pas sous ma forme humaine, les autres gens pouvaient voir mes queues et mes oreilles, sachant cela inutile.

Je profite du bosquet juste à coté de moi pour me cacher et changer d'apparence et marche un peu en forêt. Rapidement, j'en fait le tour. C'est que c'était une petite forêt, aucun animal intéressant, de surcroît.

De retour parmi la civilisation, de nombreuses personnes se tournent vers moi. Je n'était pas plus connue, j'étais seulement plus belle que les humaines normales dont ces hommes avaient l'habitude de voir. Mariés ou non, tous se tournèrent vers moi jusqu'à ce que je m'en aille vers une autre rue. Ce petit spectacle m'amusais fort.

Mais quelque chose me dit que j'allais certainement avoir un peu plus que des vues... Pour le moment, je m'approchais d'un genre de sanctuaire étrange où les humains se mettent à genoux les mains collées l'une l'autre sans bouger pendant plusieurs minutes. Certains font des signes de croix... Et quelle ambiance. On se croirait dans un champ de bataille permanent. Mais le lieu semble très solennel. Aussi, je regarde impressionnée... J'ignorais pour le moment que c'était cela une église.

Je ne remarque donc pas un homme qui s'était rapprochée de moi. Il me fera sursauter en prononcant son premier mot...

Midi sonne à la cloche de l’église ; je n’ai même pas vu la matinée passer. Oh certes, l’ouverture des portes à neuf heures m’avait déjà laissé le temps pour la prière matinale, ainsi qu’un rapide coup de balai et la vérification des cierges dispensés de ci de là, et de l’eau bénite du matin même. L’église est vite prête pour ses venues de paroissiens mais surtout de paroissiennes.

Trois bigotes pour la seule matinée, l’une contant les frasques de son époux, l’autre vantant sa quête de charité, la troisième me lorgnant dessus mais vraiment pas à mon goût. Tout le contraire de la très jolie Yuniko, l’une de mes élèves au Lycée Mishima. Elle, si elle me disait oui, je ne lui dirais pas non. Sauf qu’elle était venue pour un complément théologique à mes cours, et non pour une partie de jambes en l’air. Dommage, car j’avais senti une excitation certaine sous ma tenue de prêtre.

Ce sera pour une prochaine fois ! Là, il est temps que j’aile déjeuner. Un rapide coup d’œil dans le déambulatoire, juste un couple d’immigrés français que je connais un peu et qui revient souvent s’extasier sur quelque statue, comme si mon église était un lieu d’art. Même inspection côté confessionnal qui heureusement est vide quand je n’y assure pas ma permanence, et côté petite chapelle d’où je repars sur la pointe des pieds, sans déranger Madame Michelet qui vient chaque jour prier pour la mémoire de son défunt mari. Trois autres priants sont tout aussi absorbés sur les bancs centraux, et voilà qu’arrive encore quelqu’un. Décidément, si la foule arrive, c’est mon repas qui va sauter !

Mais celle-là, je ne l’ai jamais vue, j’en suis sûr. Une femme si grande, ça ne s’oublie pas. Peut-être même plus grande que moi, sans le moindre talon. Une femme si belle, ça ne s’oublie pas non plus, avec une silhouette aussi élancée et des formes au sommet de la perfection. Et tout ça dans la pénombre de l’entrée de l’église ; je n’ose imaginer ce que ça doit être, lorsqu’on est tout près d’elle en pleine lumière ! Pas une habituée des lieux assurément, car elle semble chercher je ne sais quoi. Je suis le maître de céans, c’est l’opportunité d’en savoir plus.

Mes chaussures ont l’avantage du silence, fortement conseillé en ces lieux. Et, alors qu’elle semble perdue dans sa quête, il m’est loisible de m’approcher sans qu’elle s’en doute.
Effet de surprise garanti, lorsque, d’une voix que je veux calme alors que perturbée par l’émotion, je lui lance :
«  Vous êtes perdue, Madame ? »

Phrase simple et stupide, mais la seule façon d’entamer la conversation, surtout vu mon ministère. Mais, ce que je n’avais pas prévu, c’est l’effet apocalyptique que me font ses yeux, lorsqu’elle tourne la tête vers moi.

Ahri n'a pas de talon, elle porte la même tenue que sur l'avatar, les queues et les oreilles en moins.
Tu utilises la même couleur que moi, je vais devoir en changer...
Désolé, c'est assez court...

L'église que je regardais sans savoir ce que c'était vraiment me rendait curieusement nostalgique. Mais cela me troublait étrangement. Comment pouvais-je être troublée par un truc que je n'avais jamais vu? Sans doute était ce des souvenir de cet humain qui m'a confié son savoir et mon apparence par sa magie. Peut-être que lui -même venait d'une église avant que l'armée réclame sa magie, avant qu'il ne se retrouve sur le front, puis blessé mortellement. Enfin, en ultime recours, il avait essayé de dominer magiquement la seule créature qui passait par là, en ratant son coup et permettant à Ahri d'exister?

Mais alors que je restais sur cette énigme qui m'occupais l'esprit, j'avançais sans vraiment savoir où je vais.Quand soudain, j'entends quelqu'un à coté de moi me parler :
- Vous êtes perdue, Madame ?

Le fait que je pensais que l'on ne parlait absolument pas en cet endroit m'a fait sursauter en entendant une simple phrase. Je me tourne vers cet homme, mes yeux d'or rencontrant les siens. Je le regarde des pieds à la tête, à cause de la tenue étrange qu'il portait. Quelle curieuse tenue. Toutefois, je lui répond :
- Je ... Vous... Vous m'avez fait peur.

je reprend contenance, ce n'est qu'un homme, après tout, rien d'inquiétant pour la Kitsune déguisée qui savait encore se servir de sa magie. Je poursuit :
- Je ... N'avais encore jamais vu d'église. Alors j'étais assez impressionnée.

Mais avant tout, une question me viens à l'esprit. Que me veut il ? Il était curieusement habillé...
- Qu'êtes vous ici, au juste?

Désormais, j'attendais une réponse de sa part.

(talons supprimés et couleur changée)

Certes, je sais que ma tenue peut surprendre, a fortiori au Japon où la chrétienté est loin d'être représentée en masse, voire est carrément ignorée de nombre d'habitants. Mais de là à me faire inspecter de la tête aux pieds, qui plus est dans une église où chacun entre en toutes connaissance de cause, c'en est d'autant plus incongru. Cette visiteuse a d'ailleurs fort rapidement surmonté sa peur pour ainsi m'inspecter !

Mais je ne suis pas le seul sujet de ses préoccupations ! « (…) jamais vu d'église (…) impressionnée », elle n'est venue ici que par curiosité touristique envers le bâtiment, et je dois juste constituer une attraction supplémentaire. Moi qui pensais qu'à me détailler de la tête aux pieds elle éprouvait quelque intérêt pour ma personne, je déchante d'autant plus qu'elle ne connaît même pas mes fonctions.
Je me demande vraiment d'où elle vient, mais chaque question en son temps.

« Je suis le Père Yves, ce que l'on appelle un prêtre, un homme de Dieu, un messager de sa parole, et le garant du respect de ses préceptes. Autrement dit, je veille à ce que chacun aille dans le chemin du Seigneur, même ici où mon église est toute modeste. »
J'avais cherché à peser mes mots, pour les rendre plausibles à l'inconnue. Mais, si ses yeux ont un charme comme magnétique, je ne puis dire qu'ils témoignent de la parfaite compréhension de mon rôle ici.

Là encore, je me demande si je ne suis pas allé trop loin. Déjà que les religions locales ont des divergences entre elles, que dire lorsqu'on ajoute un étranger avec ses propres convictions ? Mieux vaut ne pas s'éterniser sur le débat.
« Mais, vous, qu'est-ce qui vous a fait entrer ici ? Et pourquoi êtes-vous si impressionnée ? »

Si le pasteur était un peu dépité par mes paroles, il fallait aussi se dire que je ne regarde pas grand monde avec intérêt, sauf s'il s'agit d'un homme qui en à dans le pantalon où une autre fmelle très jolie. Toutefois, l'homme d'église répondit avec parcimonie, et je buvais ses paroles:
- Je suis le Père Yves, ce que l'on appelle un prêtre, un homme de Dieu, un messager de sa parole, et le garant du respect de ses préceptes. Autrement dit, je veille à ce que chacun aille dans le chemin du Seigneur, même ici où mon église est toute modeste.

J'ai du faire le point sur plusieurs choses. "prêtre"? "dieu"? "chemin du seigneur"?

Bon au moins, je connaissais son prénom, Yves, et ce dernier rajoutait comme surnom "père", Père Yves, en somme.
- Enchantée donc, Père Yves. Dis-je en m'inclinant.Je me nomme Ahri, parfois, on me rajoute le nom de Dame.

L'avantage d'une page blanche religieuse, c'est que Père Yves pouvait avancer des sujets chrétiens sans être pour autant bafoué. Mais ce qu'il ne savait pas vraiment, c'est qu'Ahri connaissait les Dieux, au pluriels, agissant à l'Olympe sur Terra.  Ahri, sans le vouloir, avait concilié les dires de Pères Yves et ses croyances à deux pièces de cuivres, autrement dit, Ahri se mettrais au service d'une divinité Unique parmi une panopli de Dieux sur l'Olympe.Reste plus qu'à savoir lequel, ou laquelle allait avoir une fidèle de plus.

Mais si Ahri avait mélangé ses truc, elle n'avait encore aucune idée de préterallégeance à son dieu sous anonymat, et Père Yves allait avoir une influence sur moi aussi.

- Mais, vous, qu'est-ce qui vous a fait entrer ici ? Et pourquoi êtes-vous si impressionnée ?
-Parce que c'est grand, beau et ... très calme. On pourrais entendre tout ce qui se passe dehors.

J'avais préparé la réponse au tac au tac, cela pouvait sembler étrange pour le prêtre, mais j'avais déjà mes impressions, autant les dires. Cependant, j'avais aussi des questions
- Transmettre la parole de Dieu? Vous faites comment?

J'avais plus qu'envie de savoir, et cela se voyait. Peut-être est ce la une occasion pour le curé de s'occuper d'une nouvelle adepte, même si ce n'est qu'une journée...

Quelle élégance jusque dans une révérence. Touriste peut-être, femme du monde assurément. Autant être aussi courtois, pour ne pas faire fuir cette grâce.
« Je suis heureux de vous accueillir, Dame Ahri. Permettez-moi, par respect, de vous appeler ainsi, même si cela peut paraître désuet à certains. »

Voilà une phrase que je n’aurais certainement pas dite aux lycéennes de Mishima, elles n’y auraient d’ailleurs compris fifre, plus intéressées à relever leurs jupettes d’écolières qu’à avoir un dialogue de haut rang, quitte à finalement arriver au même résultat. Mais une femme de cette classe, c’est autre chose, ça ne se trousse pas comme une lycéenne sur un coin de bureau, ni à la hussarde dans la sacristie.
Quoique des cris de plaisir dans ce qu’elle dit comme « grand, beau et calme », ça pourrait être inconvenant.
« Cette beauté et ce calme incitent à la méditation et à la prière bien sûr, mais cela apporte aussi une forme de paix à l’esprit, qui lui permet de s’envoler plus librement vers d’autres cieux, de se laisser aller à toutes sortes de pensées. »
Je lui dirais bien volontiers que, la prochaine fois que je m’assiérai seul dans l’église, mes pensées s’envoleront avec elle. Mais ce n’est pas, ou pas encore, le moment.

« Et je ne sais si vous connaissez, mais, quand je mets une musique encore plus apaisante, chacun fait un tel vide en soi et ne penser qu’à… »
Yves, tu t’égares ! Elle vient de te tendre une perche, saisis-la…
« Qu'à... la parole de Dieu, justement. Mais il en a tellement, qu’on peut en lire une chaque matin, et veiller à s’y conforter chaque jour. Comme je le dis à mes paroissiens, lors de chaque sermon, Dieu est amour, et il ne faut pas l’oublier. »
Bon, je ne leur précise pas que je mets de l’amour avec les lycéennes de Mishima ou certaines paroissiennes régulières, sans omettre d’autres qui ne se rangent dans aucune de ces catégories.

J’aurais aimé que ses yeux pétillent à ces mots, teintés de sous-entendus ; mais il semble que l’élégance ne soit pas forcément associée à la coquinerie. Tant pis !
« Voyez, lorsque je parle à celles et ceux qui se réunissent ici, je parle de tous les amours qui existent, entre parents et enfants, entre mari et femme, entre… »
Je marque un temps d’arrêt, car je sens que je m’engage sur un terrain délicat, qui plus est avec une inconnue.
« Entre un homme et une femme, quels qu’ils soient », je ne vais pas lui dire que j’ai déjà cocufié certains maris de mes paroissiennes.
« Et parfois, mais… Euh… Enfin, comment dire… Deux hommes ou deux femmes aussi… Mais… Bon, vous voyez… », terrain glissant face à une inconnue, et pas question de lui dire que j’adore voir deux lycéennes, ou deux autres femmes d’ailleurs, se caresser en ma présence.

Eh bien, je n’ai jamais autant parlé d’amour charnel, ignorant l’amour spirituel pourtant source de ma vocation.
« Voyez-vous, Dieu n’aime ni la guerre ni la violence. Certes, il s’est parfois fâché, et a détruit des villes aux moeurs disons peu communes. Mais il a aussi dit : « l'amour ne fait rien d'inconvenant ». Et c’est une phrase que j’ai faite mienne. »
Extirpant de ma poche l’une de ces pseudo-Bibles de propagande, contenant juste les mots clés, je l’ouvre à la page de ma citation préférée, déjà surlignée en jaune.
« Regardez, c’est dans la lettre aux Corinthiens. Et, depuis que j’ai décidé d’en faire ma ligne de vie, je suis ouvert à tout, et bien plus heureux. »