La Terre. La ville de Seikusu était un endroit calme, à sa façon. Bien plus que Nexus, qui grouillait d'une civilisation tellement hétéroclite que, bien qu'elle y soit née, Isabel en avait parfois le vertige. L'ancienne noble avait décidé de rester quelques jours sur Terre afin d'y souffler un peu.
Du feu, bien entendu...
Installée sur une place près du centre commercial, Cendréa s'était installée. Son sac contre un mur, elle s'était d'abord adonnée à un exercice de jonglage, pour s'échauffer en cette fin de journée. Pour capter son auditoire. Les choses sérieuses allaient commencer, alors que le jour décline pour laisser place aux tendres ténèbres, si nécessaires à Isabel. Sous les yeux extasiés du petit groupe, Cendréa alluma trois torches, après avoir vérifié que sa ceinture était solidement attaché. Nouvel exercice de jonglerie, plus impressionnant. Mais Isabel maîtrise. Son regard reste concentré sur ce qu'elle fait, ignorant presque son public. S'ils n'étaient pas assez intelligents pour garder leurs distance, ce n'était pas son problème.
Très vite, elle ne jongle plus qu'avec la main gauche. De la main droite, elle attrape une fiole de sa ceinture, boit le contenu. Et sans crier gare, Cendréa crache que les trois torches qu'elle a réunies dans sa main. Elle entendit la foule pousser un un cri étouffé. Cendréa salue d'une courbette, avant d'éteindre une de ses torches.
Cette fois, elle risque de tricher un peu. Elle boit encore une fiole complète, garde les joues gonflées. Telle une majorette, elle fait passer le bâton de la torche entre ses doigts. Dans son regard, une autre flamme brille, tandis qu'elle finit par cracher, par accoup, l'alcool dans sa bouche, créant un cercle autour de sa main, qui déclenche quelques applaudissements timides. Enfin. Et Isabel ne s'arrêtera pas là. Elle enchainera les morceaux, spectaculaires. Elle fera parfois appel à son pouvoir, sa malédiction, pour rendre le spectacle encore plus incroyable.
Les applaudissements fusent, quand le feu est éteint. Comme si les gens étaient enfin rassurés et se permettaient cet éclat de joie. Cendréa eut un sourire pour eux, un peu froid, et les premières pièces tombèrent dans la casquette prévue à cet effet. La cracheuse de feu ramassa son matériel, dans une sorte de grand sac de sport d'un marron dépassé, poussiéreux. Cendréa se demandait déjà ce qu'elle allait faire de sa soirée... Peut-être se produire ailleurs, toute la nuit, à travers la ville ? Juste pour le plaisir de s'épuiser, pour ne pas penser, et oublier...