Ici commencent mes aventures [Hera]

[Athènes, Antiquité terrienne.
Exilé à travers les mondes du multivers après avoir été désigné comme récépidentiaire d'un pouvoir jugé trop dangereux pour être laissé en liberté, le jeune Kyle Macross se retrouve propulsé dans le passé de notre monde. Perdu à une époque qu'il ne connaît que par quelques livres d'histoire, il parvient tant bien que mal à s'intégrer à la vie de la cité en tant que travailleur. Alors que son corps s'adapte à ses nouveaux pouvoirs, celui qui deviendra Sentinel Prime cherche déespérément un moyen d'accéder à une époque contemporaine.
Le destin mettra sur son chemin une personne d'une envergure particulière, clé plus où moins volontaire de son voyage et de son avenir.

Voici leur histoire.]


•••


Je comptais les jours, vous savez.
J'en étais à deux mois et le temps me semblait incroyablement long et la situation désespérée au possible. Coincé dans le passé après avoir assisté à la suite de celui que j'avais toujours considéré comme un sauveur et de qui j'avais reçu les pouvoirs afin que mon univers en soit débarrassé, je déprimais un brin. Bon sang, mettez vous à ma place ! Je m'étais retrouvé dans l'antiquité grecque et j'avais dû faire profil bas tout en assimilant ce qui se passait. Comprendre la langue parlée avait au moins été facile et je soupsonnais Zeus d'avoir daigné m'accorder une vague petite chance de survie. En ce qui concernait la lecture et l'écriture en revanche, j'avais renoncé. Putain, le grec ancien était une langue morte d'où je venais et je n'avais jamais étudié le latin où une connerie du genre, moi !
Heureusement, j'avais joué de chance et avait pû trouver un emploi dans la ville. Rien de bien glorieux, j'étais charretier et je livrais des amphores vins ça et là. Ca rapportait quelques pièces et j'avais le droit de dormir dans ce qui servait d'entrepôt. Dormir et passer mes nuits à pleurer, en soupirant à mon sort.

Pour occuper mon temps libre, je faisais énormément de sport. Mon corps réagissait drôlement aux pouvoirs de Sentinel et s'était sculpté en quelques jours, un truc d'Apollon aux muscles puissants et joliment dessinés. Je m'étais embelli et jouissait d'un certain succès auquel je n'étais pas habitué, mais en contrepartie je devais me dépenser pour ne pas devenir dingue lorsque mes muscles se mettaient à brûler de l'intérieur. Sans déconner... Sentinel pouvait voler et soulever des camions comme moi mon godet de lait de chèvre et moi j'en étais réduis à faire du marathon et du lancer de disques ! Je ne comptais pas devenir athlète ou gladiateur et je trouvais frustrant de me savoir pétri d'un pouvoir que je ne connaissais pas et que je ne parvenais pas à utiliser.

Mon seul vrai réconfort, c'étaient les Thermes. Bon sang, ça n'avait rien à voir avec l'idée qu'on s'en faisait, c'était mieux encore ! La plupart étaient mixtes et tout le monde s'y promenait nu sans que personne ne soit choqué, même si en règle générale les hommes et les femmes ne se mêlaient pas. Les femmes se pointaient dans la matinée et les hommes le reste de la journée, mais ce n'était pas là une règle absolue. En ce qui me concernait, j'y allais en fin d'après-midi afin de ne pas croiser trop de monde. Faire la causette était un excercice en soi puisque je devais éviter un vocabulaire trop...euh...futuriste pour eux.
Imaginez moi à balancer un "Wesh gros, bien chez oit' ?" au brave type qui venait faire ses ablutions, quoi. J'y allais lorsque le plus gros des baigneurs étaient déjà partis et veillait à me mettre à l'écart.

Ce jour là, j'avais jeté mon dévolu sur les thermes d'Asklepios. C'était une petite structure un peu excentrée du coeur de la ville que j'affectionnais pour sa tranquillité et son décor. En effet, les lieux étaient superbement décorés et les différents bains rendaient hommage à une divinité précise.
Nu comme un ver, j'avais profité de ce qui pouvait être l'équivalent d'une salle de sport durant une heure ou deux et avait décidé d'aller prendre mon bain dans les eaux dédiées à Hera. Pas que j'affectionnais cette divinité en particulier, mais le bassin de la reine des dieux était en fait construit en étages qui descendaient doucement vers le bain central qui se trouvait à ciel ouvert. C'était plus une sorte de piscine en fait, reliée au bassin d'Hera qui lui était chauffé. Et l'eau était...hm...divine. Les quelques femmes qui s'y baignaient l'étaient aussi, la plupart du temps.

Adossé à un rebord et les bras étendus sur ce dernier, j'avais laissé ma tête se reposer et je fixais simplement le bord opposé dont la mosaïque racontait -pour ce que j'avais cru en comprendre- une anecdote mythologique concernant la déesse mise à l'honneur dans ce bain.
Hera, donc. J'avais croisée celle de mon univers quand Zeus avait piqué sa colère et elle avait participé au sort brutal qui avait scellé en moi les pouvoirs de Sentinel. Elle m'avait fait flipper, pour tout vous dire. Une bonne femme plutôt agréable à l'oeil mais avec l'air plus sec que celui d'une prof frigide.

- Vieille peau, va.

Lançais-je à la fresque, plus pour moi même qu'autre chose. Merde, penser à tout ça me serrait le coeur et me donnait encore envie de pleurer.
Je ne voyais aucune issue à ma situation, tout comme je ne me voyais pas finir ma vie en tant que grec pousseur de chariot.

Vieille peau, va.

Ces paroles résonnérent aussitôt dans l'esprit de la jeune déesse. Car, oui, à l'époque de l'antiquité, la Reine des dieux était encore une toute jeune déesse. Déjà caractérielle, oui, et beaucoup plus hystérique qu'habituellement, et encore davantage égocentrique, je vous l'accorde, mais elle était jeune. Donc, se faire traiter de vieille peau entamait sérieusement son ego. Furieuse, elle se leva de sa méridienne, bien décidée à découvrir qui avait osé l'insulter de la sorte.

Car, oui, chaque représentation d'Héra était l'équivalent de sa présence. S'adresser à une statuette, une peinture, une prose la concernant était comme s'adresser à elle. Donc, elle entendait tout. Surtout ce genre de choses. Même si elle ignorait le nom de celui qui l'avait appelé ainsi, elle le trouverait ... Comptez là-dessus. En terme de vengeance, cette femme est une vraie furie.

Héra quitta donc Olympe en hâte, visiblement d'humeur à déglinguer violemment la moindre brindille qui viendrait l'emmerder. Cette "priére" venait des termes qu'on lui avait dédié, il y a peu ... Quand on disait, à l'Antiquité, que les dieux avaient des yeux et des oreilles partout, ce n'était qu'une mince métaphore. Trouver, retrouver une personne était relativement simple pour eux. Surtout pour une personne aussi hargneuse qu'Héra. La Reine n'y alla pas par quatre chemins : d'un pas, elle entra dans les termes, de l'autre, elle se rendit dans le bassin où stagnait cette mosaïque la représentant. Mosaïque qui lui manquerait bien, tiens, quand elle atteindrait le 21e siécle ... Le temps détruit tout, sauf les souvenirs des immortels.

Vêtue d'une longue robe noire, comme à son habitude, dont le bord touchait le sol et formait une traine d'encre autour de ses pieds, et qui dévoilait entièrement ses bras fins et ses épaules, elle se planta devant la mosaïque, les mains sur la taille. Oui, elle était entrée sans faire d'histoires, simplement et spontanément.

Afin de faire comprendre aux jeunes cons qu'il faut respecter les dieux. Merde.

- Vieille peau, hum ?

Elle haussa un sourcil. Sa longue chevelure noire encerclait son visage fin et encore jeune. Son regard d'acier trahissait la fougue de sa jeunesse, tout autant que son caractére imprévisible et emporté. Son ton était, comme toujours, sentencieux et froid, imposant l'autorité d'une Reine. Quittant tout juste l'adolescence, certes, mais Reine tout de même.

- Ose donc répéter cela.

Ces moments n'étaient jamais troublés. Ces instant de paix dans les thermes, où les corps se délassaient tout autant que les coeurs. Aucun grec n'aurait jamais osé faire un esclandre dans ces lieux, surtout là où je me trouvais : les dieux ne l'auraient pas permis, ça non ! Tout se réglait à l'extérieur, à grand renforts de coups bas et de malandrins payés pour trancher les questions épineuses dans le vif. 
Il valait mieux faire profil bas, tout de même. Beaucoup de notables fréquentaient les bains et ces messieurs n'aimaient vraiment pas qu'on leur tienne tête. A cette époque comme à la mienne, il était aisé pour les puissants de saboter une vie pour satisfaire leur simple égo. Moi, je prenais garde à ne pas l'ouvrir, la plupart du temps. Pas envie de me frotter à la garde de la ville, pas envie d'écouter un gus partir dans un long discours duquel je décrocherais vite faute de maîtrise de la langue. En vérité, vu mon air ahuri et ma très mauvaise connaissance des moeurs et du grec, je passais pour un gentil débile musclé et ça arrangeait très bien mes affaires puisque les gens me foutaient la paix pour ne pas m'avoir sur les bras.
Héhé.... L'intolérance des hommes, c'était intemporel.

Hmm... Je fermais les yeux, le corps reposant dans les eaux tandis que ma tête était apposée contre le rebord. Délicieux petit plaisir que les bains chauffés ! Mon imagination se mettait généralement à vagabonder ça et là et les scènes que je m'imaginais finissaient en scénario de film porno qui me filaient une trique que je devais systématiquement cacher en rougissant un peu de ma propre bêtise et je gageais qu'aujourd'hui, ce ne serait pas différent. Voyons, une jolie grecque qui viendrait m'aborder et qui ferait de l'apnée en respirant à l'aide de mon gros tuba.... Parfait, j'allais partir tranquillement là-dessus.

"Vieille peau, hm ?"

Mes yeux clos n'en laissèrent pas moi un sourcil s'arquer quand la voix vint à mes oreilles. Vu le ton, c'était à moi que l'accroche était adressée. Vu le ton toujours, j'avais plutôt à revenir sur Terre pour savoir à quelle sauce je risquais d'être bouffé, parce que la demoiselle -c'en était une, vu le timbre léger- ne me foutrait pas la paix si facilement.
Je daignais donc écarter les paupières, mon regard se portant sur elle à l'instant où elle me mettait au défi.

"Ose donc répéter cela."

Si j'avais eu deux sous de jugeotte, je me serais contenter de baisser les yeux et de bredouiller des excuses sincères en promettant de modérer mon langage. Seulement, je n'avais jamais brillé par mon astuce jusque là et les donneurs de leçons me couraient sur le haricot. J'emmerdais les philosophes, les artistes et autres bien-pensants. Et puis cet amour des dieux... La belle blague. D'ici à quelques siècles, Zeus et sa clique seraient un pan de l'histoire, ni plus ni moins. Autant commencer maintenant à les oublier.

- Vieille peau.

Hop. Mon regard dans le sien, la voix assurée et pour une fois dans un grec qui sonnait très correctement. Ce n'était pas malin, pas vrai ? Elle allait certainement appeller à la garde et au blasphème et me maudissant sur plusieurs générations pour mon outrecuidance, mais tant pis. J'étais gonflé de cette situation et ça tombait sur elle, point.
Rapidement, je balayais son corps du regard, m'arrêtant un peu plus longuement à sa poitrine. Vu la taille de bonnet, je n'avais vraiment rien à regretter. Soupirant, je ramenais mes oeillades vers son visage.

- Et maintenant ? Hera va descendre me foudroyer ? Lâcher ses hordes de minions me grignoter le fondement ? Me taper sur les doigts en faisant les gros yeux ?

Me redressant dans mon bain, je mis une main à plat au-dessus de mes yeux et regardait à gauche puis à droite, avant de hausser les épaules en regardant la belle aux teintes de nuit.

- Apparemment, non. Maintenant merci, mais j'aimerais bien profiter tranquillement des bains. Vous savez ou se trouve la sortie, je présume.

Esquissant un vague salut poli d'un mouvement de tête, je repris ma position nonchalante contre le bord du bassin sans plus lui prêter d'attention. Elle allait être outrée, vexée, blessée, mais elle bougerait sûrement le joli popotin que je la soupçonnais de traîner pour aller voir ailleurs si je n'y étais pas.
Affaire rondement menée, Kyle vainqueur par KO.

Quand il s'exprima, deux idées traversèrent l'esprit d'Héra : soit il était tout simplement con, soit suicidaire. Mais, dans tous les cas, la déesse ne laisserait pas passer ça. Ce type, là, qui se prélassait tout en se moquant ouvertement d'elle, qui osait sous-entendre qu'elle était une bonne à rien, semblait oublier qui était Héra. Ou, plutôt, il semblait oublier à quel point la déesse pouvait être monstrueusement rancunière. Car, oui, c'est un fait, Héra était une personne très très rancunière. Beaucoup de livres se permettront de vous le rappeler. Les amantes de Zeus, et même les bâtards qu'il avait eu avec certaines avaient subis le courroux de la Reine, et elle avait toujours eu le dessus sur eux. Et ce petit con - oui, c'est un amour, cette femme -, face à elle, ne serait pas en reste. A l'instant même où son discours pris fin, la déesse s'approcha du bassin sans dire un mot. Elle plongea une de ses mains dans l'eau, lentement. Eau qui se mit à chauffer, tout aussi lentement.

- Exactement. Héra va descendre te foudroyer.

Oui, elle aimait beaucoup parler d'elle à la troisième personne. Elle est comme ça, Héra. Aussi égocentrique que rancunière. C'est loin, très loin d'être une tendre, surtout envers ceux qui osaient lui manquer de respect. Bref, cela faisait bien 2 minutes que l'eau chauffait, et ce jeune homme pouvait bien sentir que quelque chose changeait, là, et de manière pas très naturelle. La déesse retira sa main de l'eau, qui se mit aussitôt à geler. Là, comme ça, d'un coup. Elle était du genre à adorer jouer avec le chaud et le froid. La surface du bassin se cristallisa même légèrement, sous l'effet des pouvoirs glacés de la Reine.

- ... A moins que je ne sois déjà là.

Conclut t'elle, le foudroyant du regard. Allons, allons, il ne la reconnaissait pas ? Ce jeune ingénu venait de griffer l'ego de la déesse, et elle souhaitait lui rendre la pareille. Ou, au moins, qu'il s'excuse platement devant elle. C'était comme ça. Héra et son ego sont indissociables, ne l'oublions pas ...

D'accord, j'avais mal jugé la demoiselle.
Alors que je m'étais attendu à une pluie d'insultes et de promesses de tortures diverses et variées au nom de Zeus et de tout le saint bataclan en toge et lauriers, elle n'ajouta strictement rien. Et pour ne rien vous cacher, ce fût ça qui me mit le plus mal à l'aise. Ce silence pesant qui n'amenait rien de bon et qui faisait se craqueler un peu la belle assurance qui m'avait fait l'envoyer paître avec tout ce que j'estimais être de ma superbe. Moins enclin à plaisanter sans que je sache trop pourquoi, j'ouvrir un oeil pour la voir se pencher en direction du bassin dans lequel elle plongea la main non loin de moi. Hmm. A mon avis, ce n'était pas pour me proposer une politesse digitale et tactile en guise de soumission au male dominant, mais je ne saisissais pas encore le sens de son geste.
Ses mots en revanche me fîrent ouvrir le deuxième oeil et me redresser, mon regard se plantant dans le sien. Et alors que j'allais lui balancer une réplique aussi cinglante que bien sentie, mon corps m'informa que la température de l'eau n'était plus vraiment supportable . J'étouffais un cri de douleur alors que je me sentais près d'être ébouillanté, avant qu'elle n'ôte sa main des eaux, qui perdirent instantanément en température, l'écart subit entre le chaud et le froid me tirant un cri que je ne parvins pas à réprimer, cette fois. Sûrement une petite victoire pour elle, tandis que ne sentais mon buste ceint dans l'eau... Pardon, dans la glace qui s'était formée à la surface. Debout dans cette partie du bain, j'étais immergé à mi-buste, juste de quoi souligner mes pectoraux.
Son regard me glaça autant que les cristaux délicat qui mangeait la surface de ma peau. Putaiiiiiin.... Je ne réalisais que maintenant qu'elle avait la même touche que la mosaïque qui ornait le bassin ! Le même regard de péteuse rigide et bien sûr d'elle, pareil !
Remuant un peu, je brisais la surface de la glace sans la quitter du regard.

- Son altesse m'honore de sa présence..... Je m'en voudrais de ne pas l'acceuillir comme il se doit.

Hop. Ma main partit saisir son épaule pour la tirer sans ménagement vers moi, l'envoyant rejoindre le bouillon qu'elle avait pris soin de transformer en bac à glace, le tout dans un grand "SPLASH !" sonore.
Loin d'être mauvais, je veillais tout de même à ce qu'elle remonte rapidement à la surface, tirant... Sur la bretelle de sa robe, que je déchirais sans le vouloir. Honnêtement, je ne l'avais pas cherché.

- Maintenant, tu es descendue, "ma reine". Je te frictionne le dos pour que tu n'attrapes pas froid ? Une garce a fait chuter la température du bain.

Un petit sourire amusé se vissa à la commisure de mes lèvres. J'allais attraper la crève, oui ! Mais tant pis, la voir ainsi me réjouissait.
Et puis, comme ça, sortie de l'ondée.... Je lui trouvais un côté sexy et mutin qui n'était pas déplaisant, bien que je me gardais de le monter. Hors de question de lui être agréable !

La déesse aurait pu se perdre en insultes et menaces - elle faisait cela si bien ... - mais ce ne fut pas le cas. Pourquoi ? Parce qu'elle aurait tout simplement bu la tasse. Quand son corps si tiède rencontra cette eau gelée, elle étouffa un cri. Jamais, non jamais, Héra n'aurait pu imaginer qu'on lui fasse un tel coup. La plonger dans l'eau. Gelée par ses soins. Enfoiré. Il eut bien de la chance de la remonter à la surface, d'ailleurs ... Qui sait ce qu'elle aurait pu lui réserver, comme vengeance, s'il n'avait pas pris soin de l'extirper de cette étendue réfrigérée. Bon, la bretelle cassée, ça, par contre ... Elle espérait juste qu'il ne l'ait pas fait exprés. Porter atteinte à la dignité d'une reine était un crime, mais alors porter atteinte à celle d'Héra ... C'était du suicide. Alors qu'elle envisageait tout simplement de le foudroyer sur place, tout en remontant à la surface, Héra fut surprise d'entendre sa dernière réplique. Enfin, elle fut surtout surprise de répondre à cette réplique par un sourire et un long, très long soupir.

Habituellement, elle lui aurait tranché la tête, après lui avoir fait dégusté ses entrailles. Ou quelque chose dans le genre. Mais ce ne fut pas le cas, et elle le gratifia juste d'un sourire à la fois amusé et blasé. Un sourire d'adolescente, quoi. Fissa, elle rendit à l'eau sa température normale, histoire de ne pas finir congelée.

- Si je croisais cette garce, je pense que je lui en ferais voir de toutes les couleurs.

Ironisa t'elle, avant de recoiffer sa chevelure d'encre. Elle détestait avoir les cheveux trempés. Surtout après un plongeon improvisé dans un bain glacé. Les humains ... songea t'elle en roulant des yeux.

- Et je te prierais de ne pas me tutoyer.

Oui, bon, on ne change pas Héra. C'est une reine, après tout, avec tout ce que cela implique. Même si ce ton éait impérieux, cet homme pouvait s'estimer heureux qu'elle ne l'ai pas assassiné froidement, comme ça, sur un coup de tête. La déesse finit finalement par relever les yeux vers lui, tout en achevant de se coiffer à peu près dignement.

- Quel est le nom de la personne que je dois maudire pour m'avoir expédiée dans ce bain glacé ?

Mince... Elle m'avait sourit, là ?
Moi qui pensait qu'elle sortirait de la flotte furibonde et prête à m'arracher les yeux de ses propres mains, la voilà qui en devenait presque agréable ! L'idée de la foutre dans le bouillon avait été la bonne puisque Sa Sainteté avait daigné accorder à son bain une chaleur plus convenanble, m'en faisant profiter par ricochet. Soupirant d'aise, je manquais de la remercier d'un mot et me contentait d'un très vague mouvement de tête. Elle n'avait pas fait ça pour moi, mais au moins l'avait elle fait, m'évitant de finir frigorifié dans un bassin de l'antiquité grecque. Je considérais qu'en somme, ce n'était pas une mauvaise chose. Ses mots ne fûrent pas agressif, ni même tournés contre moi. Non, la vieille peau avait préféré ironisé sur ce que j'avais dis un instant auparavant et pour le coup, ça m'arracha un sourire plus franc.

- Si tu croises cette garce, dis lui aussi que les bains se prennent nu et qu'elle est encore en toge. Les dieux n'apprécieraient pas ce genre d'offense, je pense.

Je ne mentais pas : les ablutions se faisaient en tenue d'Eve et elle devait bien le savoir. La robe était donc superflue tandis qu'elle déciderait de rester à mes côtés dans le bassin et de plus, les autres personnes pourraient mal prendre ce qui passerait à leurs yeux comme un singulier manque de correction. L'observant se recoiffer, je m'accoudais au bord orné de mosaïque, gravant chaque détail de son visage dans mon esprit. Je l'imaginais moins jolie, en vérité. Un peu plus comme une vieille prof aigrie et plus désirée depuis...pfiouuuuu !, longtemps. Ce n'était pas le cas et je devais bien lui accorder ça.

- Alors commence à me vouvoyer.

Je n'avais pas spécialement cherché à lui lancer une pique et mon ton n'était pas amer. Plutôt amusé, en fait. Enfin, elle me regardait dans les yeux ! J'y plantais les miens bien volontiers pour lui répondre un peu trop spontanément.

- Kyle Macross.

Merde ! J'avais trouvé un nom grec quand j'avais commencé à me faire à la vie de l'époque, me gardant bien d'utiliser le mien qui sonnait bien trop... futuriste, bêtement. Heureusement, un éclat de voix avait retenti dans les termes à ce moment là et je ne pouvais qu'espéré qu'il avait distrait Hera ou avait assourdi un peu mon propos. Bon, j'allais devoir rapidement passer à autre chose pour ne pas me justifier des heures durant, surtout que je n'avais aucune foutue idée de ce que j'aurais pû lui servir comme explication foireuse.

- Ta Majesté est venue simplement parce que je l'ai appelée "vieille peau" ? Je le pensais au moment où je l'ai dis, mais je dois t'avouer que maintenant que je t'ai face à moi, je le regrette. Tu n'as rien de ce que j'imaginais.

Mal tourné, ce compliment n'était était pas moins un. La regardant, j'approchais d'elle une main presque douce, qui écarta de son visage une mèche tombant qu'elle n'avait pas sû domestiquer. Le mouvement avait été reflexe, pour tout vous dire. Peut-être aurais-je dû m'en abstenir, peut-être aurais-je dû me faire moins timoré lorsque mes doigts avaient effleurés sa joue. Je n'en savais rien et ce genre de chose ne me ressemblait pas. Moi qui n'avait jamais sû m'adresser à une fille, je jouais plus où moins les jolis coeurs avec une déesse.
Merde... Qu'est ce qui me prenait ?

Dieu qu'elle détestait qu'on la tutoie. Même Zeus acceptait de se plier aux règles du vouvoiement quand elle n'était pas d'humeur tendre, alors un humain, un vulgaire humain devrait bien courber l'échine devant elle, non ? Elle ne savait pas si cela devait l'agacer ou l'amuser. Par chance, elle était de bonne humeur, alors ... Alors elle lui colla aucune gifle en le menaçant de l'éviscérer s'il refusait de la vouvoyer. L'eau était redevenue tiède, agréable, et n'avait plus rien à voir avec le déluge glacé de tantôt. La remarque sur sa tenue ne l'affecta pas, et elle ne releva d'ailleurs pas. Elle était Héra*. Elle pouvait se permettre tout ce qui lui plaisait. Ici-bas, tout le monde la craignait et la respectait, et murmurer son prénom faisait même trembler les murs. La colère de cette Reine n'était pas une légende, mais une foutue vérité. Les rares prêtresses ou pythies qui s'étaient adressées à elle s'en souviendrait toutes leurs vies, d'ailleurs ... Héra était un traumatisme à elle-seule, quant elle se mettait en colère.

Toujours est-il que, dans l'instant même, ce n'est pas le fait qu'il remette sa mèche en place qui attira son attention - enfin, si, un peu, mais elle ne laissa aucun sentiment envahir ses traits si fins ... - mais surtout le nom qu'il portait. Dieu que c'était étrange. Héra n'avait jamais eu affaire à un tel prénom, qui semblait complétement incongru. La déesse le regarda, les sourcils froncés, le dos droit, en mode Reine d'Olympe.

- ... Kyle Macross ?

Ce nom lui évoquait quelque chose, ainsi que ce visage, d'ailleurs. Maintenant qu'elle était à côté de lui, à le scruter depuis quelques minutes, il lui semblait bien que quelque chose clochait. Cet homme, elle l'avait déjà vue. Enfin, c'est ce qu'il lui semblait. Elle chassa cependant vite ces pensées de son esprit.

- Quel nom fantaisiste.

Fut la seule remarque qui passa d'entre ses lèvres, sur un ton à la fois lassé et amusé. Puis elle se décida à répondre à sa question, s'appuyant sur le bord du bain d'un bras. Elle était encore vêtue, mais n'en avait cure. De toute façon, sa toge imbibée d'eau laissait bien deviner son corps, avec une pointe de pudeur toutefois. C'était Héra, quoi.

- Je m'ennuyais. Je t'ai entendu. J'avais envie de passer mes nerfs. Voilà l'histoire !

Un mince sourire. Oui, elle était comme ça ... Du genre capricieuse. Enfin, actuellement, elle l'est toujours, rassurez-vous. Ce serait dommage qu'elle change si facilement, notre Héra. Elle encaissa le compliment, cependant, avec ce qu'il fallait de retenue. Un hochement de tête, des sourcils qui se haussent légèrement, un fin sourire.

- Je ne suis pas une vieille peau.

Maintint t'elle cependant, en lui adressant un regard un peu menaçant, mais surtout joueur. Qu'il ne lui reprenne pas l'envie de lui adresser ce genre de remarques désobligeantes. Sinon, elle serait encore en colère, et les autres dieux devraient la contenir, comme souvent. Et eux seuls savent à quel point c'est éprouvant.




* La Héra de l'Antiquité est mille fois pire que l'actuelle, qui est déjà plus humaine. Je tiens à le préciser.