Beyond Good and Evil [Nazarod Uloher] [Valfàdr]

Personnel utilisé :

• Salvation (Penelo) ;
  
• Delirium (Shea’Rin).
  
  

Relevant la tête, Shea’Rin la tourna vers Penelo, et hocha lentement cette dernière, avant de désigner du doigt l’ancien monastère abandonné.

« C’est par ici...
 -  Oui... La magie noire résonne dans ce monastère... »

Delirium haussa les épaules, et avança. Les deux femmes se trouvaient dans un endroit luxuriant et assez isolé. Elles avaient quitté le dernier village il y a deux ou trois jours, s’enfonçant dans une épaisse forêt, à la traque d’une espèce de mage noir. La région était immense, et très animée. Il y avait de nombreux animaux, et on leur avait dit, au village, qu’il existait aussi quelques tribus d’indigènes dans les environs. De toute cette population, Delirium et Salvation n’avaient croisé que des animaux, que Delirium avait tué pour leur permettre de se nourrir.

Elles poursuivaient un mage noir qui avait été repéré dans la région. Aucune information sur ce dernier, si ce n’est qu’il avait l’air d’aimer la nécromancie, et tout ce qui relevait de la magie noire. Salvation était le meilleur choix possible. Magicienne, elle pouvait sentir la magie, tandis que Delirium avait été choisie, d’une part pour escorter Salvation, d’autre part pour la guider à travers cette région assez sauvage et désolée. Le soleil commençait à se coucher alors qu’elles quittaient la forêt pour voir la silhouette de ce monastère. Il avait jadis abrité un groupe de frères religieux qui s’étaient isolés, avant d’être progressivement massacrés. Laissé à l’abandon, le monastère se juchait au sommet d’une montagne, et c’était précisément là que les deux femmes se rendaient.

« J’espère bien que ce foutu mage sera là...
 -  Sa signature magique semble conduire ici... Et je ne me suis pas trompée.
 -  Dans ce cas, finissons-en avec cette histoire. »

Gravissant un sentier escarpé après avoir traversé un ruisseau,  le duo longea les parois rocheuses entourant le monastère. Quelques corbeaux volaient autour des silencieuses tours du monastère. L’endroit semblait totalement abandonné, et était difficilement inaccessible, ce qui le rendait encore plus attirant pour un mage noir. Les deux femmes finirent par atteindre un escalier taillé dans le roc, et qui les conduisirent à la cour d’entrée du monastère. Une petite cour sablée. Les portes avaient été condamnées, et les antiques vitraux avaient, depuis longtemps, été brisés.

« Il est ici... » murmura Salvation.

Delirium regarda autour d’elle, mais sans sentir la présence de qui que ce soit. Si ça ne tenait qu’à elle, elle ne se serait jamais arrêtée ici. Néanmoins, Shea’Rin faisait confiance à Salvation et à son instinct.

« Il sait que nous sommes là ?
 -  Le contraire serait improbable. »

Shea’Rin hocha pensivement la tête. Elle parlait dans sa langue natale, une langue hachée aux accents tranchants, mais que Salvation comprenait, grâce à sa magie. Ceci en faisait un assez bon duo, mais, pour autant, Delirium évitait de trop parler. Mis à part Overlord, personne de l’équipe n’arrivait à la comprendre quand elle se lançait dans un long discours.

« Alors, ne le faisons pas attendre ! »

- Cette époque est d'un ennui... Incommensurable...

Assis sur son trône de pierre, dominant la vaste salle de réceptions de son châtelet perdu dans les tréfonds d'Abbaddon, Svart contemplait le monde des hommes de son regard froid, profond et imperturbable. Il n'avait pas abandonné sa forme humanoïde depuis son retour de Scandinavie, il y avait de cela quelques sept cent années. Il l'affectionnait particulièrement. Probablement une idée fixe dans l'esprit du Seigneur des Tourments.   

A la vue de ce monde en pleine ébullition, se battant toujours avec plus d'ardeur pour un avenir meilleur, Svart se sentait tout à fait admiratif. Il appréciait constater a quel point les créatures de ce plan parallèle pouvaient bâtir et rebâtir sans cesse sur les ruines de ce qu'il avaient construit au préalable. Ces bâtisseurs ne s'arrêteraient donc jamais ? Insatisfaits, prônant la constante évolution d'un progrès général, rêvant d'un "mieux" sans se contenter d'un "bien". Sans cesse, des groupes se formaient, s'alliant dans un but commun, se développant, se popularisant, grandissant et florissant. Des germes de nouveautés étaient plantés et arrosés chaque jour, traités avec le plus grand soin. L'on chantait "mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente", et les grands idéaux concevaient de grandes nations, et avec les grandes nations naissaient les grands peuples. C'était le fruit du travail de phénoménales fourmilières, de colossaux monuments aux fondations sans pareil, à la gloire de la civilisation. Un chantier de centaine de million d'âmes, de centaines de millier d'années.

Et l'essence de Svart se puisait dans l’annihilation de cet ouvrage. 

Ainsi était il le Seigneur de la Destruction, au deuxième sens du terme. Les alliances s'éffondraient sous sa volonté, les amitiés se déchiraient, l'amour pourrissait en infidélité, les nations s’effondraient en guerre civile. Le Maître du Désordre, l'Appel de la Zizanie, l'Avatar de l'Anarchie, l'Esprit du Chaos. On l'avait nommé de bien des façons durant les heures les plus sombres des Empires. Il était celui qui dort, en chacun des esprits, prêt à prendre le dessus le moment venu. Il pliait la Raison à la volonté des Appétits. L'accomplissement de son existence résidait dans la purge des grands concepts, tels que la morale, la foi, la justice, les valeurs et les carcans des sociétés. Sonnerait alors l’avènement de son règne... Il y avait du travail.

Son regard fut alors attiré vers un monastère abandonné, où il pressentait que d’intéressantes choses allaient se produire. Svart sourit à cette pensée... 

[Sorry pour le late post, c'était assez remué de mon côté ces derniers temps. Sorry pour les grandes images aussi, j'ai pô réussi à les réduire, pardi =/ ]

Merci à Alice pour l'astuce sur la taille des images =)

La vie avait depuis longtemps déjà abandonné ce vieux monastère où seul quelques insectes, rats et serpents grouillaient entre les vieilles pierres et les fissures du bâtiment qui, malgré le poids du temps s'étant effondré sur ses fondations, continuait de braver ce que l'on pourrait penser comme improbable pour un endroit de cet acabit, et vraisemblablement aussi vieux que celui-ci. Sa structure était recouverte de poussière à l'intérieur, et de mousse verdoyante à l'extérieur, de nombreuses racines d'arbres centenaires environnants avaient brisé ou poussé des dalles ou des briques afin de se frayer un chemin dans le monastère. Il se trouvait loin de toute civilisation, entouré de falaises et de forêt, ce qui réduisait grandement son accessibilité, et ce qui pouvait potentiellement offrir un bon repère pour des gens mal-intentionnés, comme par exemple les membres des Treize Ombres, cette clique de mages noirs aux desseins les plus maléfiques qui soient.
Les mages avaient investit les locaux, les ayant fouillés dans les moindres recoins, comme si ils étaient à la recherche de quelque chose, ce qui n'aurait pas été improbable, puisqu'il n'était pas rare de trouver d'étranges reliques cachées dans les lieux sacrés comme les monastère, que cela soit des objets bénéfiques, considérés, en l'occurrence, comme des saintes reliques, ou bien des objets plus sombres, surveillés afin que personne ne mette la main dessus et ne s'en serve pour de mauvaises choses. Mais même si la recherche d'accessoires magiques pouvait éventuellement intéresser les sorciers, ils n'étaient apparemment pas venus dans le but de participer à une sorte de chasse au trésor. Ils portaient tous leur cape noire de cérémonie, leur capuche masquant en grande partie leur visage, examinant les lieux, dégageant les débris se trouvant dans le grand hall, laissant supposer qu'ils comptaient investir cette salle à un but particulier.

Nazarod fût le premier à sentir la présence d'étrangers à proximité du monastère. Deux femmes, elles n'étaient pas encore entrées dans le bâtiment, mais il pouvait clairement sentir qu'elles se dirigeaient dans cette direction. Que voulait-elle ? Peu importe, il n'y avait pas de place pour des intrus ici, ils avaient des choses importantes à faire, et personne ne pouvait gâcher ce moment. Le Serpent se tourna vers ses acolytes qui, apparemment, avaient également sentit la présence des deux femmes. Sans mot dire, l'une des mages commença à réciter à voix basse une incantation. Si dans un premier temps, rien ne semblait se passer, ailleurs dans le manoir, là où les squelettes des moines dormaient depuis longtemps, une énergie nécromantique commença à se répandre, ramenant doucement mais sûrement ces squelettes à la vie, ou du moins, la non-vie. La mage leur donna mentalement l'ordre de trouver les deux intrus et de les tuer. Les esclaves d'os se mirent en route vers l'entrée du monastère, afin de les intercepter à leur arrivée.

Pendant ce temps, Nazarod, lui, s'était préparé, avec l'aide des autres ombres, à ce qu'ils appelaient "la grande invocation". L'elfe ne portait plus sa robe de cérémonie, et se trouvait assis en tailleur, torse nu, un bol duquel s'échappait une fumée nauséabonde dans les mains, la tête baissée, récitant de sombres incantations. Des bougies et de l'encens avait été allumé et disposé autour du sorcier. Pendant que les autres mages noirs se mirent à entourer leur chef, concentrant leur énergie sur le même point focal, Nazarod continua son invocation, laissant sa voix résonner contre les murs sans vie du monastère.

"Viens, toi Ô Set ! Ô Choronzon !
Briseur des cercles, l'innommable sans nom,
Chaos personnifié, Typhon et Ahriman !
Viens à nous, toi qui n'existe que pour empoisonner la création,
Incarnation de tout ce qui est mauvais et noir,
Sens les essences de la Mort que nous portons en nous !
Entends les cloches de la damnation résonner en ces lieux !
Vois la sombre dévotion qui est la nôtre !
Viens, et dévores !"

Un silence s'en suivit. Devant Samaoth, de légers traits d'énergie noire, comparable à des arcs d'électricité, se dessinaient et se déplaçaient tous vers un point central qui se mit à s'élargir de plus en plus, jusqu'à devenir un véritable portail vers un autre monde. Quelle entité destructrice allait répondre à l'appel des Treize Ombres ?

Les portes d’entrées étaient toutes condamnées par des planches en bois clouées. Il y avait très certainement dans les environs une entrée secrète, mais ni Delirium, ni Salvation, n’avaient envie de s’amuser à la chercher. Plusieurs des portes étaient bloquées par des éboulements. Salvation déblaya donc une entrée à l’aide de sa magie. Fermant les yeux, afin de mieux concentrer ses flux magiques, elle tendit l’une de ses fines mains vers les planches en bois, qui ne tardèrent pas à se décoller. La télékinésie était l’un des nombreux talents de Salvation, et elle ne posait guère de difficultés devant de simples planches moisies. Delirium entra ensuite. Les deux femmes pénétrèrent dans un endroit extrêmement poussiéreux et sombre. Un endroit abandonné et relativement sinistre, avec des lézardes dans les murs, des toiles d’araignée, et des morceaux de bois.

« Il nous faut trouver un passage vers les cryptes du monastère... C’est toujours là que les rats se terrent... »

Salvation menait désormais la marche, utilisant sa perception de la magie pour se repérer. Elle sentait une espèce de fort puits magique en profondeur, comme si plusieurs mages procédaient à une espèce de cérémonie. Ceci ne pouvait que l’encourager à avancer encore plus. Les deux femmes débarquèrent ainsi dans une cour intérieure désolée. L’endroit avait jadis du être assez paisible, avec quelques parterres de fleur, mais les siècles avaient permis à la végétation de pousser partout. La fontaine au centre ne produisait plus de l’eau depuis bien longtemps, et celle qui traînait à l’intérieur était sale, couverte de ronces et de feuilles. Un arbre ancestral qui se trouvait au centre du monastère avait poussé de façon désordonnée, laissant de grosses branches aller jusqu’à taper les toitures de l’arcade qui entourait le petit jardin. Un potager ravagé dans un coin attestait encore de l’écoulement du temps. Les plantations étaient pourries.

Delirium et Salvation marchaient sur les graviers, quand Salvation s’arrêta, sentant une présence. Plusieurs présences, plutôt, qui venaient de l’intérieur du petit bâtiment. Tournant la tête à droite et à gauche, Penelo ne tarda pas à voir plusieurs espèces d’individus dans des robes sombres et poussiéreuses avancer vers elles. Des espèces de zombies qui ressemblaient tous à des corps décomposés. Certains n’étaient plus que des squelettes, mais d’autres avaient encore un peu de peau ratatinée ici et là. Leurs yeux lumineux illustraient le fait qu’une magie les avait réveillés. Une magie nécromancienne. Une magie noire. A cette idée, Penelo sentit un infime bourdonnement traverser son cerveau. Assez désagréable, cette sensation ne dura fort heureusement pas plus d’une seconde, et elle tendit ensuite une main vers l’un des moines fantômes, envoyant une puissante onde de choc. Le corps du moine se souleva, et explosa en plusieurs morceaux en rencontrant un pilier. Sous la puissance de l’impact, les os éclatèrent et se disloquèrent.

« Au moins, on sait ce qui est arrivé aux moines... Ces types doivent nous prendre pour des touristes » estima Penelo.

Delirium poussa un sourire amusé. Pour une guerrière qui avait déjà réussi à affronter un mammouth, affronter des squelettes n’était pas très dangereux. Les moines tenaient des bâtons de combat, indiquant sans doute que, dans leur ancienne vie, ils avaient aussi été portés vers les arts martiaux. Néanmoins, leur absence de muscle en faisait de biens piètres combattants. Les mages se trouvant dans les profondeurs du monastère croyaient sans doute avoir affaire à de simples visiteurs qu’il était facile d’effrayer. Ils allaient rapidement déchanter. Salvation lança des ondes de choc vers les moines zombies, les soufflant comme des quilles. Ils étaient néanmoins assez nombreux, et l’aide de Delirium ne fut pas trop. Rapide et sauvage, la guerrière avait sorti ses épées. Les os étant très vieux, ils étaient aussi extrêmement fragiles, et les coups d’épée les tranchaient sans difficulté. Les meilleurs squelettes étaient les ossements des anciens soldats. Les moines n’étaient, fondamentalement, pas bien dangereux.

Au bout de plusieurs minutes, tous les corps purent retourner à la paix.

« Nous avons perdu trop de temps, lâcha Salvation.
 -  Kath’ Eith’ Thrin’ acquiesça Delirium dans sa langue natale.
 -  Marchons vers l’église. »

Les deux femmes marchèrent donc. Delirium rangea ses épées. L’excitation l’amenait toujours à revenir à sa langue natale, incompréhensible pour le commun des mortels, ou presque. Salvation luisait d’une lueur blanche, un halo de magie entourant son corps. Signe de son impatience et de sa nervosité, elle lévitait en avançant, forçant Delirium à avancer plus rapidement pour la suivre. Les deux femmes arrivèrent ainsi dans la nef de l’église, Salvation pulvérisant la porte à double battant menant dans la nef. Les vitraux étaient généralement tous brisés, de même que les bancs, et elles furent accueillies par de nouveaux moines squelettes.

Énervée, Salvation fit briller ses mains, et envoya une nouvelle onde de choc vers les moines. Plusieurs furent soufflés par la déflagration, mais Salvation, réalisant qu’elle consommait trop de magie, se calma, et reposa pied à terre. Sentir la magie noire provoquait en elle une excitation fiévreuse qui la forçait à se surestimer. Elle laissa Delirium s’amuser avec les moines squelettes, ce que cette dernière fit avec un certain plaisir, poussant des rugissements bestiaux et des cris de joie un peu inutiles en évitant les attaques des moines, et en attaquant également. Ces squelettes ne ressentaient pas la douleur, ni la peur, ni la rage et la colère. Ils étaient guidés par une volonté invisible, écrasante, et les vaincre ne fut pas très difficile, même si cela prit plusieurs minutes. Salvation en profita pour s’asseoir en tailleur, et pour méditer, restaurant l’énergie magique qu’elle avait gaspillée. Une fois le combat terminé, Salvation se releva.

« Allons-y. Il doit y avoir un escalier quelque part... Allons chercher dans la sacristie. »

La porte menant à la sacristie avait été défoncée il y a probablement des années. Le tabernacle au centre de la pièce n’était plus qu’un amoncellement de tas de bois, mais Penelo trouva, dans un coin, une porte avec un escalier en colimaçon descendant dans les profondeurs du monastère. La magie noire émanait de là, et elle serra les poings, avant de tourner la tête vers Delirium.

« Ils sont en bas... »

Salvation commença à descendre l’escalier, résistant à la tentation de léviter. Maintenant qu’elle se rapprochait, elle pouvait sentir différentes signatures magiques, plus ou moins puissantes. Il n’y avait pas qu’un seul nécromancien, comme elle l’avait cru, mais plutôt tout un groupe. Son corps se mit à en trembler d’excitation. Les deux femmes atteignirent ensuite la crypte, où une porte menait sur un sombre couloir avec de nombreuses tombes, et autant de squelettes pour tenter de les retarder. Salvation ignorait ce que ces types faisaient, mais ils avaient visiblement besoin de temps. Il devait donc probablement s’agir d’une invocation. En tout cas, elle ne voyait ce qui pouvait susciter la réunion d’un troupeau de mages noirs que la volonté d’invoquer un gus. Une ancienne divinité, un puissant démon, etc... Qui avait sûrement les mêmes et classiques arguments : l’apocalypse, la fin du monde, etc... Les démons manquaient malheureusement cruellement d’imagination pour leurs motivations. Soit détruire le monde, soit le gouverner. Néanmoins, il valait mieux, si c’était encore possible, essayer d’empêcher que cette invocation n’arrive à son terme.

« On a déjà perdu trop de temps. On se grouille ! » lança-t-elle.

Ce qu'avait entraperçu Svart s'accomplit finalement. Un rituel de passage avait été exécuté, prononcé en bonne et due forme, chose rare de la part de simple mortels. Bien qu'il ne fut pas tout à fait à cheval sur les méthodes protocolaires et le traditionalisme le plus pur, une invocation réussie était toujours plus attirante à ses yeux qu'un vulgaire cercle de ketchup tracé dans une cave dans laquelle on aurait sacrifié un poulet - hélas bien plus commun que ce que l'on pourrait imaginer.

Il eut un moment d'hésitation, comme s'il s'était demandé s'il allait laisser l'opportunité à d'éventuels autres entités de revenir sur le plan physique à sa place.

Mais il s'ennuyait depuis trop longtemps pour laisser passer cette chance. 

Quand l'invocation fut achevée, Svart ferma les paupières un court instant, et chuchota un sombre mot dans les profondeurs de son château abandonné de vie et de lumière. Dans les ténèbres de la salle de réception lui faisant face, une faible lueur se manifesta alors, avant de prendre plus d'ampleur. L'énergie pure se matérialisait lentement afin d'ouvrir complétement l'entrée communiquant avec le lieu d'invocation, sous le regard amusé de Svart. Il joignit les mains en contemplant l'énergie miroiter dans l’immensité de cette salle, un sourire aux lèvres.

Il fallait qu'il réfléchisse à son discours d'arrivée, bien entendu. De l'autre côté du portail, il pouvait distinguer l'assemblée attendant une quelconque manifestation, chose qui n'était pas réciproque. Il se leva alors de son siège, et descendit les quelques marches de l'estrade de pierre, afin de se rapprocher de la passe. Il s'approcha suffisamment pour distinguer les traits de la personne responsable de l'invocation. Il le décela aisément, le torse nu, les cheveux d'un blanc immaculé, attendant patiemment devant le portail. C'était de lui qu'émanait la plus grande focalisation apparente, car c'était sans nul doute lui qui avait prononcé les mots. Svart haussa un sourcil.

- Intriguant...

Svart connaissait parfaitement la pandémonologie, ayant été témoin de chaque naissance dans les royaumes distants, et il savait de nombreuses choses au sujet de chaque enfant des abysses. L'histoire de sa propre race ne pouvait lui échapper, à lui qui se targuait d'atteindre les concepts de l'omniscience dans certains domaines.

Cet homme, où plutôt cet Elfe, car c'en était un, évoquait en lui un souvenir précis d'une histoire lointaine. Les pigments avaient fui son épiderme, d'innombrables glyphes marquaient son corps, et il pouvait sentir en lui le bouillonnement d'une grande quantité de savoir magique, à dominance nécromancienne. Mais, plus surprenant encore, une entité démoniaque assimilée sommeillait profondément en son âme. Une entité qu'il pouvait reconnaître à l'émanation de son potentiel.
 
Un large sourire bestial étira son visage, et, sans plus attendre, il s'engagea dans la passe.

L'invocation été une réussite totale, le portail s'était ouvert, s'apprêtant à libérer une entité destructrice qui allait contribuer aux intentions de Nazarod, volontairement ou non. Il n'avait aucune idée de qui était celui ou celle qui avait répondu à son appel, mais lorsque le sorcier sentit son aura, il n'eu aucun doute sur le fait que ce qui se préparait à fouler le sol du monde des mortels n'était autre qu'une créature dont le chaos suppurait par tout les pores de sa peau, par conséquent, un allié de choix pour les Treize Ombres qui souriaient tous d'une façon vicieuse sous leur capuche. Tout ceci n'était qu'un pas de plus vers l'aube noire qu'ils préparaient, la chute du dieu créateur, la nuit éternelle, le règne d'un nouvel empire.
Cependant, si l'invocation s'était déroulée à merveille, le réveil des squelettes des moines reposant dans les ruines du monastère n'avait pas suffit à stopper les deux invités surprises qui avaient décider de rendre une petite visite aux mages noirs, et ainsi de gâcher les festivités. L'un des mages se tourna vers l'entrée de la salle ou ils se trouvaient tous, observant le long couloir plongé dans l'obscurité qui menait jusqu'à eux. Il avait sentit la présence des intrus, leurs auras étaient bien plus perceptibles désormais, et tous purent sentir qu'il s'agissait de deux femmes, et qu'elles étaient bien plus fortes que ce qu'ils avaient pû penser au départ. Le mage noir dit d'un ton monocorde "Elles sont là.". Les douze sorciers entourant Nazarod, toujours assis face au portail, observant ce dernier avec un sourire malicieux accroché au visage, et ses yeux fixés sur la forme s'apprêtant à pénétrer leur monde, se tournèrent face à l'entrée de la salle, comme pour se préparer à accueillir les deux femmes s'étant faufillées jusque là en démolissant littéralement les squelettes qui avaient été ramenés à la vie afin de les empêcher d'avancer.

L'elfe lui ne semblait même pas prêter attention à l'aura des jeunes femmes approchant. Il savait pourtant qu'elles étaient là et qu'ils allaient devoir les confronter dans très peu de temps, mais rien d'autre ne semblait l'intéresser que l'entité qu'il venait de convoquer. Il ne devait sûrement pas les considérer comme un véritable danger, et préférait donc se concentrer sur quelque chose de plus important, et laisser les autres ombres s'occuper des intrus. Après tout, elles n'avaient détruit que de simples squelettes, ça n'était pas vraiment une épreuve titanesque, et nombreux étaient les aventuriers capables de vaincre des mort-vivants aussi faibles que ceux-ci, de plus, il s'agissait de cadavres de moines, ce qui n'était pas vraiment le choix le plus judicieux pour la création d'esclaves nécromantiques tel que des squelettes ou des zombies. Et puis, elles allaient avoir l'honneur d'assister à l'arrivée de ce démon qu'il venait d'invoquer, et rien que pour cela, l'elfe corrompu jubilait, et imaginait déjà l'expression sur les visages de ces deux idiotes ayant eu la mauvaise idée de s'engouffrer dans ce monastère.

Les émanations magiques commençaient à atteindre des sommets, provoquant des frissons électriques de plus en plus prononcés chez Penelo. Elle aurait aimé se dire qu’il s’agissait de la peur, mais c’était tout simplement l’adrénaline qui battait dans ses veines. La seule fois où elle avait ressenti un tel frisson, c’était quand Overlord avait utilisé ses sorts de magie sacrée contre elle. Mais, là, si la puissance semblait équivalente, il y avait une différence de nature. Ces types n’invoquaient pas un Ange pur, ou un bienfaiteur, mais plutôt une espèce de puissant démon. Où étaient donc les Anges, quand on avait besoin d’eux ? Penelo allait affronter toute seule, ou presque, un troupeau de mages noirs avec un démon qui pouvait tout à fait être, dans la tradition des puissants démons, invulnérable. Oui, Penelo considérait être seule, car Shea’Rin avait une sensibilité magique si faible qu’elle en était presque inexistante.

Delirium ne ressentait donc nullement ce que Salvation éprouvait, et, pour elle, il n’y avait ici qu’un long couloir poussiéreux s’enfonçant dans les profondeurs de la grotte. Mage ou démon, tant que ça n’était pas plus gros qu’un mammouth, ça ne pouvait pas vraiment l’effrayer. Les deux femmes suivaient un interminable couloir, et Salvation s’arrêta. Surprise, Delirium la regarda, se demandant pourquoi cette dernière ne continuait plus à marcher.

« Ils sont probablement tous en train de nous attendre... Si nous débarquons par ce couloir, tout le troupeau va nous balancer des sorts magiques suffisamment puissants pour nous démolir, et ce même si je dresse un bouclier magique. Nous allons donc leur réserver une petite surprise. Tu es d’accord avec moi ? »

Tout ce que Delirium avait compris, c’est qu’elle allait bientôt avoir l’occasion de trancher des têtes. Elle haussa donc les épaules, et Salvation ferma alors les yeux, concentrant sa magie. Un mage pouvait ressentir d’autres présences par le biais de cercles de perception magiques, et c’était sûrement ce que ces mages noirs avaient fait pour les repérer. Fort heureusement, avoir comme mentor une puissante Ange permettait d’apprendre quelques petits trucs. Salvation s’enveloppa, avec Delirium, d’une espèce d’halo magique qui rendrait leur présence magique indétectable. Néanmoins, dans la mesure où les mages se douteraient de quelque chose, Salvation se dépêcha de rajouter autre chose, et créa des espèces de clones magiques répondant à la signature énergétique de Delirium et à sa propre magie, les faisant avancer vers la grande grotte où les mages noirs invoquaient leur démon. Il s’agissait tout simplement d’une diversion, afin de leur permettre de frapper ailleurs. Salvation n’était pas non plus complètement suicidaire. Face à une douzaine de mages noirs, un minimum de stratégie s’imposait.

Salvation attrapa ensuite la main de Delirium, tandis que les deux petits clones s’avançaient. Créer de tels clones ne demandait pas grand-chose, simplement de la concentration, dans la mesure où ils disparaîtraient assez rapidement, et ne pouvaient rien faire. Salvation se téléporta alors, en compagnie de Delirium, pile au moment où les deux clones apparurent devant les mages noirs.

Les deux femmes se rendirent dans un coin d’une espèce d’énorme grotte. Le portail permettant d’invoquer le démon luisait d’une intense lueur blanche, ressemblant à une espèce de vortex qui se trouvait à l’entrée d’un immense précipice. C’était une immense grotte, dont peinait à discerner le plafond, et dont Penelo croyait voir, tout en bas, une rivière souterraine. Elle arrêta là ses observations, et passa à l’attaque. Ses yeux se mirent à luire, étincelant, et elle leva ses mains, faisant jaillir des éclairs qui se mirent à illuminer son corps.

« Guide mes coups, Delirium...
 -  Vas’Kreth ! » s’exclama cette dernière, un moyen de confirmer l’ordre de Penelo.

Delirium visa celui qui semblait être le chef, à savoir une espèce de grand échalas elfique cadavérique assis en tailleur. Elle lança vers lui une flèche, et la magie de Penelo frappa alors l’arc, l’auréolant d’un arc électrique particulièrement puissant, qui fondit vers le cou de l’elfe noir. Elle envoya également une autre attaque vers les autres mages, tendant ses deux mains pour envoyer deux puissantes ondes sonores, afin de les perturber, et lui permettre de s’entourer d’un bouclier, tandis que Delirium comptait utiliser sa vitesse pour esquiver les attaques magiques qu’on lui lancerait. Penelo se raccrochait à l’espoir fugace que l’invocation n’était pas encore achevée, même si les hauts flux magiques qu’elle percevait semblaient indiquer le contraire.

A l’extérieur du monastère, les choses commencèrent à évoluer de plus en plus brutalement. Le ciel se chargea de lourd nuages d'énergie, le ciel adopta une teinte rouge violacée, avant que la foudre ne sévisse. Les températures grimpèrent de manière tout à fait surnaturelle, pendant que les vents se déchaînaient. Une tempête d'air sec et d'énergie pure se préparait assurément. La terre se mit à trembler tandis que les failles entre les plans se déchiraient. Un vortex à l'échelle d'un cyclone prit soudain vie, son œil englobant le monastère. L’espace-temps fut alors totalement distordu sous le poids des forces s'opposant entre les mondes.

Dans le monastère, les manifestations d'outre-monde se firent bien entendu sentir. C'était comme si les fondations du plan dans sa totalité tremblaient d'effroi à l'approche de l'entité. La porte dans la salle d'invocation avait triplé de volume, et tendait à aspirer le décor environnant. Les attaques de Delirium, d'abord figées dans leur course lors de la distorsion, furent absorbées dans le goudron noir émanant du portail. Des éclairs finirent par en jaillir, pour s'écraser devant Nazarod, successivement, de telle sorte que l'endroit d'impact prit feu.

Des flammes surnaturelles naquit alors un être, debout, faisant face à la noire assemblée, les bras croisés. Il n'avait rien d'une créature sortie droit des livres traitant de démonologie. c'était un homme, tout ce qu'il y a de plus humain. Il était néanmoins tout à fait particulièrement vêtu. Un long manteau de cuir recouvrait la quasi totalité de son corps et traînassait au sol. Des vêtements manifestement usés, voire obsolètes. Rien de très classieux ni pompeux, plutôt miteux, d'ailleurs.

La tempête avait cessé brutalement dès l'apparition de l'être, qui que ce fusse.

Il fit un tour sur lui même après avoir toisé l'assemblée de haut. Les "clones" de magie avaient disparu dans la faille d'outre-monde, leur nature magique anéantie par l'afflux d'énergie. Il restait donc les jeunes femmes, que Svart regardait fixement à présent. Il sourit alors, prenant sa première inspiration sur le plan physique depuis des centaines d'années.

- C'est ce qu'il y toujours eu d'appréciable chez les humains. A chacune de mes venues, il y en a toujours quelques uns à tenter de m'empêcher de vous rendre visite. C'est agréable d'être ainsi accueilli... ça me permet de me défouler dès mon arrivée. D'autant plus qu'il me semble n'avoir eu guère droit à un quelconque sacrifice, Samaoth...

Svart avait à ce moment jeté un œil en arrière au semi-elfe, souriant de plus belle. Il avait aussi décroisé les bras, comme s'il s'était attendu à une prompte réaction de les part des jeunes femmes, prêt à les utiliser au moment décisif.

Même si il n'allait probablement pas l'avouer, les deux jeunes femmes ayant decidé de mettre fin aux agissements des Treize Ombres avaient usé d'une stratégie assez fouillée, pour ne pas dire ingénieuse, puisque personne n'eu la capacité de contrer leurs attaques, du moins, si celles-ci avaient eu le temps de toucher leurs cibles, puisqu'à l'arrivée de la sombre entité que Nazarod venait d'invoquer, tout ce qu'elles s'étaient tuées à faire avait disparu en une fraction de seconde, absorbé dans les ténèbres du portail. Si les subalternes du sorcier avaient eu un sursaut d'effroi lorsqu'ils virent pendant un instant les attaques des jeunes femmes se diriger contre eux, l'elfe corrompu, lui, n'avait pas bougé d'un pouce, toujours assis en tailleur, la tête légèrement baissée mais le regard désormais posé sur ce qu'il venait d'invoquer. Si il n'avauit pas évité l'attaque, ça n'était pas parce qu'il aurait pû la contrer, qu'il savait qu'elle allait être annulée, ou bien qu'elle ne l'aurait pas affecté, c'était tout simplement parce que lui aussi n'avait pas vu la feinte venir. Si il ne le montrait pas, il rageait à l'intérieur d'avoir pû laisser une telle ouverture qui aurait pû coûter cher quant au déroulement correct du rituel, mais heureusement, tout s'était passé comme prévu.
Lorsque les éclairs vinrent s'écraser devant lui, il se leva lentement tout en faisant face à son nouvel interlocuteur au physique étrangement humain, bien trop humain. Enfin, un humain qui ressemblait plus à un mendiant pestiféré, chose qui fit sourire l'elfe, peu habituer à rencontrer des créatures aimant arborer une apparence étant en conformité avec le chaos qu'elles portaient en elle.

Il prononça son nom de démon, "Samaoth". Soit il savait qui il était, soit il avait sentit l'âme de ce démon que jadis, Nazarod avait dévoré. Dans tout les cas, l'elfe n'aurait pas besoin de se présenter, la simple présence de l'aura de Samaoth lui permettant de donner une sorte de preuve qu'il n'était pas un sorcier lambda, motivé par des désirs égoïstes.

-Le sacrifice est le monde que nous t'offrons, démon. Mais puisque des petits casses pieds ont décidé de s'inviter à notre petite sauterie, il me semble qu'il serait amusant de leur montrer qu'on ne s'invite pas impunément dans ce genres de cérémonies, qu'en dis-tu ?

A ce moment là, un des mages se trouvant derrière Nazarod, prépara un sort, une sorte de sphère d'énergie noire générée entre ses mains. Le sorcier se tourna vers lui et lui dit d'une voix autoritaire :

-Non ! Economises ta mana pour quelque chose qui le vaille vraiment ! Je n'ai pas besoin de vous pour mettre à mal ces petites pestes. Retournez au manoir.

Les mages échangèrent leurs regards, ne comprennant pas la réaction de leur maître, puis, dans un silence total, formèrent un cercle, recitèrent des formules, puis, se mirent à disparaître, téléportés bien loin du monastère en ruine dans lequel ils étaient encore il y a à peine quelques secondes. Nazarod refit face au démon, puis se tourna légèrement vers les deux jeunes femmes.

-Pourrions-nous au moins savoir ce que vous faites là ? Voyez, il me semble nécessaire de connaître la raison de votre présence en ces lieux, ainsi, il sera indiqué la cause de votre mort sur votre tombe, cette épitaphe symbolisant votre imprudence.

Quand elle vit ses sorts magiques être absorbés par le vortex, Penelo comprit que la situation allait être compliquée. Un énigmatique individu ne tarda pas à apparaître. Fier et arrogant, il dégageait une puissante aura que Salvation perçut sans aucune difficulté. Une force vibrante émanait de cet être, l’attirant et la repoussant. C’était indéniablement un être maléfique, une créature mauvaise, et elle le ressentait dans ses tripes. Penelo, malgré tous les efforts d’Overlord, avait toujours ressenti de manière particulière l’impact de la magie noire. Elle ressentait en elle cet impact, la faisant frémir d’excitation.

*Il fut un temps où j’aurais béni la présence d’un tel être... Mais ce temps est révolu... Je ne suis pas de taille contre lui...*

La situation devenait en effet proprement désespérée, ce que Delirium ne comprenait pas. En effet, Shea’Rin n’avait pas les capacités de perception magique de Salvation, mais avait vu sa flèche disparaître. Fronçant les sourcils, en grognant, Shea’Rin avait sorti ses épées, courbant le dos, prête à bondir en désignant les multiples mages noirs qui les entouraient. L’elfe noir ordonna à ses hommes de se retirer, persuadé, dans son arrogance, de venir à bout des deux femmes. Il s’adressa à elles, désirant savoir ce qu’elles faisaient ici.

Shea’Rin répondit par un grognement, et ce fut Penelo qui parla. Ses mains étaient auréolées d’une intense énergie magique, et elle se mit à léviter à quelques centimètres au-dessus du sol, des bourrasques l’entourant. Salvation fut celle qui répondit, Shea’Rin regardant tour à tour le démon et l’elfe, Samaoth.

« Tu es un croisement entre un elfe et un démon... Ton arrogance est donc normale. Pour résumer, nous venons botter vos fesses. »

Ce qui semblait toutefois désespéré. Penelo le savait, mais pas Delirium. Seules, elles n’avaient aucune chance, ce qui amena donc Penelo à réfléchir. Le démon venant d’une autre dimension avait visiblement regretté l’absence d’un « sacrifice », ce qui conduisit donc Penelo à réfléchir. Elle ne pouvait pas les vaincre, pas plus que Delirium, et il allait donc falloir ruser. Un plan germa très rapidement dans l’esprit de Salvation, ayant pour objectif d’informer Overlord de ce qui se passait. Ils étaient bien trop forts, et il fallait des renforts. Il fallait Red Armor, il fallait Striker, Killer Boom, Frozen Love, pour contrer ce Samaoth et ses séides, mais, contre cette apparition, seule Overlord pourrait faire quelque chose.

Une stratégie s’élabora donc dans l’esprit de Penelo, qui envoya des bourrasques de vent tout autour d’elle, faisant voler la poussière, et renversant Delirium. Cette dernière ne tomba toutefois pas, et se rua vers l’elfe démon. Ce fut néanmoins une ruse, car elle pivota, et bondit vers le démon ennemi, poussant un hurlement de rage bestial... Le démon n’eut aucune difficulté à utiliser sa magie pour repousser la pauvre Delirium, l’envoyant valdinguer dans les airs. Delirium poussa un cri de frustration, et rebondit sur le sol poussiéreux. Ses lèvres se fendirent, et elle se redressa rapidement, avant de lancer une petite dague vers la gorge du démon. Penelo envoya alors une nouvelle décharge de magie, de puissants arcs électriques flamboyants, formant presque une espèce de rayon électrique éblouissant.

La stratégie de Penelo était simple. Il fallait qu’elle arrive à faire en sorte que Delirium tombe dans ce gouffre. Il y avait en contrebas une rivière souterraine, et, dans sa chute, Delirium serait protégée par la magie de Salvation, afin d’amortir sa chute. Les démons croiraient à sa mort, et elle pourrait ensuite prévenir Overlord et le reste de l’équipe. Quant à elle... Elle serait leur cheval de Troie. Il fallait qu’ils la prennent, et, pour ça, elle allait devoir jouer à un jeu dangereux, elle allait devoir leur montrer qu’elle connaissait les arcanes de la magie noire, que sa compétence de la magie ne se résumait pas qu’à des sorts de magie élémentaire.

Lorsque ses éclairs disparurent, Penelo lâcha alors un sort de magie noire. Au bout d’un de ses ongles, une petite boule noire se forma, une boule d’énergie noirâtre, avec des éclairs au-dessus. Elle balança la boule.

« GRAVITÉ ! » hurla-t-elle.

La boule noirâtre grossit rapidement. Le sort de « Gravité » était indiscutablement un sort de magie noire, difficile à maîtriser. Il consistait en deux étapes. La première partie du sort était la création d’une espèce de puits de gravité, un microscopique trou noir qui absorbait tout ce qu’il y avait autour de lui. La boule attira ainsi Delirium, qui s’agrippa à une lézarde dans le sol, tandis que l’air était aspiré, ainsi que certains stalagmites. Penelo se protégea avec sa magie, mais, même malgré ça, elle était également attirée. La seconde partie du sort était ensuite de créer une espèce d’explosion magique qui recrachait tout ce que la boule avait absorbé.

Dans cette grotte, l’explosion ne fut donc qu’une secousse, qui renversa Penelo. Ses pupilles se nimbèrent ensuite de noir, et elle laissa parler sa magie noire. Elle tendit ses doigts, et des tentacules noirs jaillirent alors du sol, frappant les ennemis. Salvation ne contrôlerait que fort difficilement de tels sorts, et elle savait que sa maîtrise de la magie noire était inférieure à la créature qu’ils avaient invoqué. Delirium, de son côté, en profita pour attaquer Samaoth, courant rapidement vers lui.

De prime abord, Svart laissa les éclairs d'énergie traverser son corps, le percutant de plein fouet, ses vêtements prenant feu sous la violence de l'impact, ainsi que sa chair. Son visage se liquéfia littéralement dans une pluie de peaux carbonisées, laissant apparaître en divers endroits ses mâchoires, ses orbites et son crâne. Son corps humain venait d'être foudroyé et avait subi de lourds dégâts physiques. Sa toison prit feu sous l'effet de la décharge électrique, et une atroce odeur de viande brûlée envahit les lieux. Il n'avait cependant pas reculé ni émis le moindre son jusqu'alors.

Quand les éclairs se turent, un abominable cadavre se tenait debout, faisant face aux jeunes filles, les bras croisés aux côtés de Nazarod. Des foyers d'incendie brûlaient encore ça et là, un peu partout sur ce qu'il restait du corps de Svart. Quelques étincelles apparaissaient encore sous l'effet du courant électrique. Svart, ou plutôt ce qu'il en restait, décroisa les bras et se mit à applaudir, lentement. S'il avait conservé ses lèvres, on aurait pu distinguer un sourire figé sur son faciès. Une aura assombrit progressivement la pièce, au rythme du claquement des paumes du démon. Puis, en l'espace de quelques secondes, à chaque "clac", son corps se restaura en totalité, les brûlures disparaissant pour laisser place à la chair, aux tendons, au cartilage, aux veines et à la peau. Même les vêtements se recomposèrent sous le regard quelque peu consterné des différents protagonistes.

Quand il fut entièrement régénéré, le démon fit mine d'avoir une réplique cinglante à placer, où quelque pique sarcastique à l'adresse de la magicienne, mais elle ne lui en laissa pas même l'occasion. Ses excellents réflexes parlèrent avant lui, et elle invoqua une terrible incantation, déchirant le voile des énergies blanches, puisant dans les sources les plus obscures des arcanes. Une énergie proche de l'essence démoniaque même. Une lueur d’intérêt naquit dans les yeux de Svart au moment où la demoiselle hurla dans un élan de fureur.

Le monde entier sembla être aspiré dans le vortex crée par Penelo, projeté dans leur direction, prêt à imploser lorsqu'il aurait été convenablement gavé. Svart avait tendu le bras vers la sphère d’antimatière, et y canalisa un flot continu de potentiel magique, afin de forcer le vortex à arriver à saturation de manière prématurée. La sphère noirâtre éclata rapidement, emplie d'énergies bénignes. Une puissante onde de choc vint tout de même soulever des tonnes de gravats et de poussière. Le monument pourrait ne pas résister à ce combat. Mais Svart, lui, restait serein. Il ne s'inquiétait guère du sort de l'elfe déchu, car s'il devait périr, c'est qu'il était faible, et par conséquent inutile.

Il constatait néanmoins que l'aura de Samaoth n'avait pas faibli, il imagina donc que son hôte se tenait encore à proximité de lui, tout à fait prêt au combat. ce qui ne tarda pas à arriver. La poussière ne s'était pas encore dissipée, quand Svart distingua la guerrière charger tout droit dans leur direction, toutes lames dehors. Il sourit en percevant qu'il n'était pas la cible de l'attaque, car il pourrait alors juger des aptitudes de l'elfe, et ainsi décider de son sort. Quant à la magicienne, elle avait abandonné toute blancheur d'âme pour se concentrer sur sa puissance destructrice et son potentiel d’agressivité. Des tentacules dégoulinantes d'un goudron noir lui barraient le chemin, sifflant dans l'air à la recherche de leur cible.

- Affronter une incarnation de la race primordiale telle que moi relève d'ors et déjà du courage le plus inouï ou de la folie la plus aveugle, mais l'affronter dans son propre domaine relève plutôt du désespoir le plus profond... Ou bien d'une mégalomanie sans pareille.

Il fit alors un pas en avant, vers le retranchement de la magicienne, de sorte que les tentacules furent à même de cingler Svart de nombreux coups. Au lieu de cela, ils semblèrent hésitants et incapable de frapper. Les plus chétifs flétrirent dans une mare de liquide poisseux en ébullition, et Svart adressa un mot aux plus robustes.

- Debout.

Des profondeurs du sanctuaire, un grondement se fit de plus en plus audible. Puis, dans un fracas assourdissant, le sol se souleva comme un vulgaire fétus de paille, quand les tentacules d'énergie se décuplèrent, démultipliant leur volume, le miroitement dans leur noirceur d'un potentiel tout à fait infernal. Les appendices démesurés fendirent les murs du monastère sous le souffle provoqué par leurs mouvements quand ils s’abattirent sur la magicienne, dans le but de l’amener à leurs maître.