"Pourtant, je n'ai pas de souci particulier. J'aime ma femme, je me damnerais si elle partait. Et mes filles sont adorables et talentueuses : ce sont les meilleures choses que j'ai pu faire dans ma vie. Mais je ne peux pas enterrer les souvenirs de cette après-midi, ce café que j'ai offert à cette petite rousse, ses cuisses enroulées autour de ma taille dans les draps de ce lit miteux. Je passe devant cet hôtel tous les jours en emmenant mon aînée à l'école, et à chaque fois, je dois refouler mes larmes quand elle voit mon expression et me demande ce qui ne va pas."
- Extrait de la conversation entre Yoshio et son psychanalyste en juillet dernier.
- Carte d'identité -
Nom : Taniguchi
Prénom : Yoshio
Age : 33 ans
Lieu d'habitation : Shinjuku, Tokyo
Situation : Marié, père de famille
Métier : Architecte - PDG
Sexe : Mâle
Race : Humain
Orientation sexuelle : Hétérosexuel
Physique :Caché derrière un poteau télégraphique, la collégienne observe l'homme attendre devant le portail de l'école. Il y est depuis un bon quart d'heure, et cela va faire plusieurs semaines qu'elle vient l'épier en silence, bien cachée. Il y a quelque chose chez ce bon père de famille qui la fascine, qui la force à venir se tenir derrière cette colonne de béton, tous les jours à la même heure.
Trouver ce qui le différencie et le rend si peu proche des autres papas attendant eux aussi leurs enfants devant ce portail noir n'est pas si évident que ça. On pourrait évoquer l'apparence générale qu'il possède, car même s'il est un vrai japonais, il n'en a pas le profil typique. Au milieu des cheveux corbeaux bien taillés et des pupilles noires, sa chevelure châtain un peu longue, comme celle des idoles à la télévision, et ses yeux d'un vert sombre et brillant, se distinguent tout en restant discrets. De plus, il est plutôt grand, très grand même, et sa peau est plus claire que celle d'un nippon standard. L'esprit romantique et littéraire de la jeune fille l'a, lorsqu'elle l'a vu pour la première fois, comparé aux héros de ces films occidentaux, les chevaliers ou les princes joués par des acteurs européens à la prestance inimitable. La prestance de sa "proie" n'est pas la même, habillé dans son costard cravate de salaryman et sa mallette posé sur les genoux à la place de l'énorme épée magique, mais qu'importe. Il reste à part.
Évoquer également les traits de son visage serait judicieux. Non pas que l'homme n'ait pas des traits asiatiques : son nez est plutôt pointu, mais l'émeraude de ses yeux est taillé dans le modèle asiatique. C'est surtout que la plupart des géniteurs présents à ce moment-là ayant entre quarante et cinquante ans, la fatigue et l'amertume a depuis un moment commencé à creuser leurs traits. Et puis, ils ont eu leurs enfants plus tard que Yoshio, qui a commencé à élever sa première fille à l'âge de vingt ans, ce qui fait jeune. Il n'a donc pas encore de rides, même si l'âge a commencé à lui donner ce charisme que possèdent les trentenaires. Cette aura protective et douce, plus attirante que celle des garçons de dix-huit ans, bien plus sanguine et dangereuse.
Il ne faut pas non plus oublier sa carrure, elle aussi différente. A ce moment-là, appuyé sur la murette, ses épaules s'affaissent de fatigue, mais l'adolescente l'a vu arriver, marcher d'un pas calme et assuré sans être fier, le dos droit et les épaules plus larges que celle d'un maigrichon salarié en manque de temps pour faire du sport. Il n'est pas excessivement musclé, puisqu'il n'échappe pas à la règle de l'emploi du temps plein à craquer, mais sa stature naturelle est assez imposante. Cela dit, l'ours possède une force impressionnante, mais ne s'en sert qu'en cas d'extrême nécessité. Ici, on est dans la même situation : même la largeur de son cou ne parvient pas à éclipser la tranquillité se dégageant de sa personne. Un peu comme une gigantesque toile épaisse sur laquelle on peindrait le cours d'un ruisseau.
La sonnerie de la sortie de l'école réveille la collégienne qui se perdait dans sa contemplation. Quelques instants plus tard, les bras puissants de cet étrange homme recueillent une fille de son âge qui lui ressemble fortement.
C'est peut-être justement le fait que ce père de famille ne ressemble pas à un père de famille. Il a quelque chose en plus, ou en moins, elle ne sait pas.
Mais elle reviendra demain, comme d'habitude. Peut-être aura t-il ce secret au milieu de la figure, cette fois-ci.
L'épieuse laisse une moue envahir son visage juvénile, et s'éloigne en silence.Caractère : A ses dix-neuf ans, Shizuru en avait déjà assez. Assez de ces gamins insupportables qui s'estimaient adultes dés leurs premières relations et qui ne se gênaient pas pour tenter de la tripoter à la sortie du lycée. En tant que femme mature et responsable, elle ne pouvait se le permettre. Elle méritait mieux que tout ça.
Abandonner les hommes aurait sûrement été son dernier recours. Si elle n'avait pas rencontré Yoshio.
Dés la première conversation, ce garçon lui avait tout de suite plu. Le regard franc et les gestes doux, elle avait appris à le connaître dés leur premier rendez-vous et n'avait pas été surprise une seule fois. Ce qui aurait pu être agaçant, mais dans cette situation-là, cette partie de la personnalité de l'étudiant l'avait rassurée et protégée.
En plusieurs années de vie en couple, et même après le mariage, son mental était resté exactement le même, si bien qu'aujourd'hui, Shizuru le connaît toujours par cœur. Comme un vieux livre dont on aurait tourné les pages des centaines de fois, mais dont on ne se lasserait jamais.
Yoshio possède, comme tout homme et toute femme, des qualités et des défauts, et la première chose qui ait réellement frappé sa femme au fil des années, c'était son manque cruel de fraîcheur. Même au début de leur vie conjugale, elle a toujours été plus ou moins en charge des directives concernant les sorties, les dîners ou même les cadeaux. Il avait d'ailleurs apprécié ça chez elle, ce petit côté malicieux qui ne cessait de le faire sourire. Mais dans son cas, rare était les fois où il faisait preuve d'imagination concernant toutes ces choses. Ce défaut a d'ailleurs longtemps été une source d'ennui pour son travail, l'architecture nécessitant un minimum de créativité. Avant de passer à un plus haut grade, où il peut enfin laisser réfléchir ses employés et se contenter d'élaborer. Il est aussi un peu tête en l'air et maladroit, mais mettre ça sur le compte de la fatigue serait bien plus juste.
En passant ces petits défauts, on s'aperçoit vite que Shizuru a été une femme chanceuse en rencontrant Yoshi (enfin...). Ce trentenaire doit bien être l'un des hommes les moins soucieux de sa petite personne, pourvu que les gens autour de lui possèdent bonheur et confort. Au point de se ruiner la santé si jamais personne ne se soucie en retour de lui. Il est extrêmement généreux, parfois même bonne poire, même si l'on n'ose pas vraiment se moquer de lui vu sa carrure. Ses principales sources de bonheur résident dans les trois femmes de sa vie et son travail qu'il adore et dans lequel il s'épanouit réellement, chose rare chez un salarié. En tant qu'architecte, il sait dessiner, mais seulement si l'on lui sert l'idée sur un plateau d'argent.
Outre sa douceur et sa gentillesse, Shizuru apprécie aussi le fait que son mari ait la tête sur les épaules. Très cultivé, il connaît en effet les secrets de la société et n'hésite pas à les utiliser dans son sens, excepté lorsque cela implique des magouilles. Autant dire que si le malheureux tombait nez à nez avec un terranide ou une créature, son esprit terre-à-terre tenterait de trouver la moindre petite explication logique. Et ça pourrait durer des heures !
Shizuru peut donc se vanter d'être une femme connaissant les affaires de son mari sur le bout des doigts. Sauf que, comme de nombreuses femmes innocentes, elle croit volontiers son époux lorsqu'il lui chante être en réunion sans éprouver le moindre scrupule. Dans le cas de Yoshi, la réunion est en fait une séance de psychanalyse. Ou un séjour dans un love-hôtel. Et des scrupules, il en a. Malheureusement pour lui, il n'est pas assez malhonnête à l'égard de sa femme pour ne pas avoir de remords...
L'architecte a en effet un petit souci qui perdure depuis quelques temps. Dans le tiroir de son bureau, se trouve un petit carnet d'adresses remplies de numéros de portables. Au bout du fil, des lycéennes, des collégiennes, ou des étudiantes, plus ou moins jeunes, plus ou moins débauchés, mais toutes très mignonnes.
Son psychanalyste lui a parlé de compulsion sexuelle. Malgré les risques et l'amour qu'il porte pour sa femme, Yoshio rencontre environ deux ou trois filles par semaine. Le genre de relations qui termine bien souvent en catastrophe, même si personne ne les prends en faute, car sa bonté l'oblige à garder contact avec la fille en question et à lui donner de faux espoirs. Histoire :Rien d'épique ou de particulier à évoquer chez ce jeune homme qui a tout simplement, selon les critères sociaux d'aujourd'hui, réussi sa vie. Après une enfance des plus banales à Okinawa et une adolescence un peu tourmentée – donc plus que normale, Yoshio a quitté l'île pour intégrer une université spécialisé dans le droit, là où il a d'ailleurs appris comment fonctionne le monde mieux que n'importe où ailleurs. Son intérêt pour le cursus baissant de plus en plus, il abandonna cette fac pour entrer dans une école d'architecte, et commença à travailler dans un cabinet réputé. Quelques années plus tard, il en prenait la tête et élargissait les relations pour augmenter les profits et engager plus d'apprentis dans le but de combler le seul défaut qui pouvait empêcher le cabinet de prospérer : son manque cruel d'imagination.
A cette époque-là, il rencontra Shizuru, dont l'esprit créatif et l'énergie le séduit rapidement. Le couple se maria et s'installa en banlieue de Tokyo un an après le début de leur relation, un laps de temps très court qui n'assurait pas vraiment des fondations solides. C'est ce que de nombreuses personnes se dirent lorsque les deux jeunes gens se séparèrent pour une période indéterminée. Personne ne sut jamais la vrai raison de cette séparation.
Même les histoires les plus banales ont leurs lots de soucis. La voiture après une réception bien arrosée. Une pente un peu trop raide. Saignements. Faiseuse d'anges. Larmes. Cris. Perte de confiance. Placer la faute sur une tête, sans grands succès. Ce n'est pas comme si ils n'étaient pas des gens dignes. Et comme garder le secret seul devenait compliqué, ils décidèrent de le garder à deux après trois mois loin l'un de l'autre. S'apercevoir que malgré tout, l'amour surpassait l'amertume, les amenèrent à tenter d'oublier, et la vie reprit son cours. Monotone, mais tellement pleine de sécurité.
Maria et Tamao naquirent toutes les deux en été, avec quatre ans de différence. Aujourd'hui, Tamao en a quatorze, et Maria dix. Dans la totale ignorance de ce qu'aurait pu être leur vie avec une grande sœur ou un grand frère : Shizuru avait refusé de raconter quoique ce soit.
En septembre dernier, une psychanalyste réputé pour sa discrétion reçut un coup de téléphone de la part d'un jeune architecte affolé. Pour sa première séance, il évoqua son problème sans grande cérémonie. La nuit dernière, une étudiante s'était retrouvé dans son lit. Il y a une semaine, une lycéenne lui avait offert un verre au bar, et deux jours auparavant, une collégienne s'était dressé sur la pointe des pieds pour l'embrasser. - Et lorsque vous avez tenté de les repousser, il s'est-
Mais il n'avait pas tenté de les repousser.
Le problème se clarifia durant les nombreuses autres séances, prises en cachette de sa femme et de ses enfants. L'homme était peut-être lâche. L'homme était peut-être faible. Mais l'homme était surtout malade.
La psychanalyste lui avait adressé un sourire encourageant en hochant la tête, posant une main sur son bras. - On va y arriver. On va arriver à vous soigner. Ne vous en faites pas.
Elle avait prononcé ces mots il y a cinq mois.
En observant les longs cheveux blonds de la jeune étudiante en médecine, toujours endormie entre les draps du lit de la chambre du love-hôtel, Yoshio se demanda s'il n'était pas temps de changer de spécialiste.-
Comment avez vous connu le forum : Doublette !