Miya finit d'arranger les épaisses boucles de sa chevelure brune, et resta quelques instants à regarder le reflet que lui renvoyait son miroir. Et le constat était lamentable. Bien sûr, elle était toujours sublime aux yeux de n'importe qui. Mais son regard restait triste, et sa bouche n'avait pas sourit depuis longtemps. Lorsqu'elle se leva, sa robe de
satin noir ne fit aucun bruit. La demi déesse l'ajusta pour, malgré tout, se mettre en valeur, et lorsqu'elle lissa le tissu sur son buste, elle soupira en constatant qu'elle avait tant maigri, ces dernières semaines, et qu'elle sentait presque ses côtes sous ses doigts. Elle regarda le calendrier au mur, ne s'attendrit même pas face au chaton qui lui faisait un sourire. Non, Miya regardait attentivement toutes les croix qu'elle avait tracées. Beaucoup trop. Et elle espérait qu'elle n'en rajouterait pas une nouvelle ce soir. Après cinq mois, oui, Miya espérait encore que Ryuga était en vie, quelque part, et qu'il allait bien, qu'ils pourraient se revoir. Soir après soir, pourtant, l'immortelle remontait dans sa chambre seule, son cœur lui faisait terriblement mal, et par tous les dieux ! Elle aurait pu se l'arracher, essayer de trouver quelque chose pour que jamais il ne se régénère... Pour ne plus avoir mal. Au lieu de cela, elle se contentait parfois de s'enfoncer un poignard dans la poitrine, remplacer une douleur par une autre, en vain.
Ce soir-là, Miya espéra encore voir son inspecteur apparaître. Elle ne voulait pas être pessimiste. Elle voulait croire. Il ne lui restait que ça, en fait. Elle apparut donc sur la scène, et si elle n'était plus LA vedette, ça n'empêchait pas pour autant à de nombreux clients de venir pour la voir. Certains s'évertuaient à la demander en mariage. Les serveuses, entre elles, faisaient même des paris pour savoir qui, et avec quel type de bagues. Au final, c'était une des dernières distraction de Miya aussi. La demi déesse entama un répertoire assez rock, pour se motiver elle-même. Parmi ses plus fervents "admirateurs", il y avait Ryuichi Sazuka. Un jeune japonais qui avait tué son père et toute sa garde personnelle pour prendre sa place à la tête de son clan mafieux. Miya n'éprouvait aucun rancœur pour le monstre qui lui avait tiré dans le ventre - cet événement avait poussé Ryuga et Miya à enfin s'avouer leurs sentiments... Et si... Et si Ryuichi avait fait tuer Ryuga ? Impossible, ce jeune péteux s'en serait sans doute vanté. Miya le laissait lui faire la cour, chaque soir où il venait, et le repoussait avec toujours un peu plus de lassitude. Ah ! Si seulement elle pouvait arrêter de le voir !
Pourtant, ce soir, Miya put constater que le jeune mafieux n'agissait pas comme d'habitude. Son sourire était plus malsain que d'habitude. Et il se leva, après seulement trois chansons, et la demi déesse lut sur ses lèvres un message qui lui était clairement destiné :
"Si tu ne peux pas être à moi, tu ne seras à personne."Et il était parti. C'était louche, et ces paroles avaient quelque chose qui fit frissonner l'immortelle. Quelque chose clochait. Elle regarda plus attentivement la table qu'il venait de quitter... Et au sol se reflétait la lumière d'une diode qui clignotait.
Et aucune lumière ne clignotait dans le bar. Miya arrêta de chanter net, le regard fixé sur la table. Il y eut quelques murmures d'étonnement, d'abord. Et la jeune femme finit par dire, calmement, d'une voix assez rauque :
- Il y a une bombe sous la table 17...