La forêt des Crazilles. C’était un de ces bordels pour y accéder dites donc ! Un peu plus et j’aurai pu appeler ça le bout du monde. Mais bon, je comprenais que ces bestioles tenaient à leur tranquillité d’esprit. Et je comprenais le prix que l’on mettait sur un individu de cette espèce. Et du coup le prix aussi de ce contrat pour mon travail de prestataire de service… parce que oui, c’était pour ça que j’étais là, à l’orée de cette forêt. Rien n’était impossible à White Mantis. Nous étions plusieurs. Les autres étaient des sous-traitant j’avais emmené deux gardes et un mage. Le mage permettrait de rentrer plus facilement, ou du moins, de faire en sorte de nous raccourcir un peu le trajet. Nous étions à pied. Les chevaux n’auraient pas supporté les montagnes et les falaises.
Mais nous y étions. La foret, à la fois luxuriante et intimidante, se dressait face à nous. Je vérifiais mes équipements. J’avais toujours mon épée, mon poignard, et ma corde… ah oui, et j’avais aussi ça… un collier de silence. Ce serait plus pratique. Restait donc à faire en sorte de trouver ce que j’étais venu chercher : une femelle Crazilles. Pourquoi une femelle, me diriez-vous ? Allez savoir. Il me semblait que le propriétaire avait un mâle et voulait en faire un élevage pour produire des yeux de Crazilles.
Ah, oui, c’était vrai, je ne vous l’avais pas dit ; les Crazilles avaient des yeux qui pouvaient se parer de couleurs et de formes qui les rendaient plus beaux que n’importe quelle pierre précieuse. Et leur rareté faisait aussi leur prix. Et du coup le mien.
J’inspirai un grand coup et, accompagné du mage – les deux gardes avaient allumé un petit feu de camp, je commençais à m’approcher de la forêt. Il était temps de chercher les Crazilles. J’en savais peu de choses, mais j’en avais déjà croisé un ou deux, du coup je savais certaines choses. Alors, sitôt entré, je cassais une branche, et j’enroulais un peu de tissu imbibé d’alcool autour. Puis, je laissais le magicien caster un sort de feu pour créer une jolie torche. Avec celle-ci, nous nous enfonçâmes jusqu’à avoir l’impression qu’une demie journée s’était écoulée et alors, je mettais en route mon plan. Sensibles à la nature, ces êtres sentiraient ce que j’allais faire. Je commençais à faire sn sorte d’alerter les Crazilles qu’il y avait un souci : j’appuyais contre un tronc à l’écorce tendre la torche jusqu’à ce qu’elle brunisse puis je recommençais un peu plus loin, comme pour créer une sorte de chemin, partant de la forêt vers l’extérieur. Pour guider un Crazille vers l’extérieur ; et si ce n’était pas une femelle ? Eh bien j’aurai toujours ses yeux. Et sans doute pourrai-je l’utiliser comme appât…
Pendant plusieurs heures j’abimais des arbres, et quand j’estimais avoir fait assez de dégâts, je plantais la torche dans le tronc du plus gros des arbres et je mettais dessus des feuilles mouillées, pour produire beaucoup de fumée et rendre le lieu suffisamment peu visible.
Je sortais alors mon arme secrète. J’avais appris à la manier pour cela. Une sarbacane dans laquelle je glissais une fléchette que j’avais enduite d’une large dose de tranquillisant. De quoi assommer un bœuf.
Faisant attention au vent pour ne pas me faire capter par mon odeur, ou autre, et je me préparais à frapper, couché sous un entrelac de racines, sous l’arbre même que j’avais enfumé. Fort heureusement, la fumée montait mais ne descendait pas. Le mage était plus loin, invisible. La magie avait ses avantages. Il faudrait que je me rappelle de le liquider avant de toucher la prime.
Allez, petit, petit, petit…. Ou plutôt petite, petite, petite….
J’espérais faire mouche avec cette méthode. Au pire, je ferai autrement. Je ne quitterai pas cette forêt sans une Crazille….