- Déesse...S'il-vous-plaît...- Aidez-nous, grande déesse...Je vous en prie...Leurs plaintes résonnaient au plus profond de l'être divin. Ce qu'il restait des membres de la tribu étaient à genoux devant le Serpent à Plumes, implorant que celle-ci se décide à leur venir en aide. Comment pouvait-elle ignorer de telles doléances ? Quetzalcóatl demanda à ce qu'ils se relèvent et prennent soin d'eux, le temps qu'elle mène l'enquête sur toute cette pagaille. Comment cela avait pu-t-il arriver ?
Depuis qu'elle avait repris confiance en elle et après plusieurs rencontres divines, la « jeune » femme avait aidé ceux qu'elle pouvait, de nouveaux sujets venant à prier pour elle en retour. Quetz avait retrouvé un peu plus de ses pouvoirs, mais pas encore en totalité, son nouveau culte n'égalisant en rien celui passé. La divinité ne s'en plaignait guère. Elle avait de nouveau un but à son existence.
Cela faisait quelques semaines déjà que des membres de la tribu des Ootsi disparaissaient sans laisser de traces. Souvent, on ne les revoyait plus alors qu'ils partaient à la chasse, généralement lorsqu'ils étaient seuls. Ils étaient des terranides oiseaux, au plumage des plus chatoyants. L'immortelle ne voyait qu'un problème à l'horizon : des esclavagistes. Ces créatures étaient bien trop souvent à la merci de ces ordures, n'ayant pas forcément l'habitude du contact avec d'autres créatures ou même humains, et n'avaient pas non plus également les armes pour se défendre correctement. Si en plus, on les attaquait par surprise alors qu'ils étaient seul, ils n'avaient aucune chance...
Il n'y avait pas trente-six moyens pour remonter la piste des esclavagistes et des Ootsi disparus. Concentrant sa magie de métamorphose, Quetz se transforma en
une magnifique et radieuse terranide à plumes. Cela ne lui changeait guère de d'habitude, mais il fallait qu'elle paraisse bien plus qu'unique, même pour une membre de la tribu. Sa peau, d'origine aussi pâle que du nacre, s'assombrit dans une teinte légèrement grisâtre. A contrario, ses émeraudes se muèrent en des gouttes de pur soleil, rayonnant à foison, devenant de véritables capteurs d'attention. Ne parlons même pas de ses nouvelles plumes, encadrant son regard, son visage et définissant sa chevelure. À leur base, cet étrange plumage brillait d'un singulière lumière. Malgré le fait qu'elle n'était désormais habillée que d'une vague robe de cuir, la jeune femme scintillait de mille feux comme si elle n'était qu'un joyau. Réduisant sa taille jusqu'à paraître chétive, bien qu'elle se gardait des formes délicieuses à faire rougir un homme d'église, tout était mis en place pour qu'elle ressemble à une Ootsi.
Désormais, Quetz devait avancer dans son plan. La prochaine étape ? Se faire capturer. Il ne fut pas plus d'une après-midi à se pavaner en cueillant des herbes et champignons dans la forêt pour se faire avoir par une bande de brutes. Il était une dizaine et lorsque le chef découvrit la beauté qu'était Quetzalcóatl, il prit fort peur. Si on découvrait qu'ils voyageaient avec une telle merveille, ils pourraient être attaqués sur le chemin par plus forts et plus nombreux qu'eux. Il vociféra pour qu'on la couvre de la tête aux pieds, enchaînant ses chevilles et ses poignets. L'un des voyous attrapa une lourde cape de cuir et recouvrit la fausse terranide, cachant en particulier son visage en lui mettant l'énorme capuche contenant sa chevelure. On lui ordonna de garder la tête baissée, car malgré la capuche, on pouvait capter son regard de feu...
L'immortelle fut installée dans une charrette, au fin fond d'une cage, seule. Les hommes n'avaient pas le droit de la toucher, au risque de se faire trancher la main au mieux, la gorge s'ils abîmaient la marchandise...Cependant, cela ne les empêchait pas de lui faire des remarques obscènes. Quetz, sous sa capuche, tordait ses lèvres charnues d'une grimace de dégoût. Un frisson désagréable lui parcourut l'échine. Ce genre de réflexions et cette mauvaise expérience lui rappelait ce vampire...Liam Eckart avait été un des pires tortionnaires pour la jeune femme, lorsqu'elle était au plus bas, à la limite de l'humanité, et ce monstre en avait profité...Secouant la tête, l'être divin chassa ces horribles pensées. Ce genre de choses n'arrivera plus jamais...
Plusieurs journées et nuitées passèrent. Le marchand d'esclaves était aux petits soins avec sa captive. Elle devait être son chef-d’œuvre pour sa prochaine vente en plein centre de Nexus. Elle serait son joyau, celle qui lui rapporterait un gros paquet de pièces d'or, sonnantes et clinquantes. Quetz était nourrie et on lui servait à boire, histoire qu'elle ne perde pas de sa superbe plastique de terranide.
Au bout du septième jour, la troupe d'esclavagistes traversèrent la porte principale de la capitale. Direction la grand place publique, où on y faisait les plus beaux achats et les ventes les plus fructueuses. Mais avant toute chose, le marchand devait embellir sa marchandise afin de la rendre plus que simplement présentable. La faisant sortir de la cage où la fausse terranide avait séjourné, il la traîna derrière lui pour l'emmener dans une boutique afin de lui acheter une tenue pour mettre ses formes en valeur. Certes, c'était un coût mais l'homme voyait ça comme un investissement. Il impacterait l'achat de l'habit sur son prix de vente. Puis, après cet achat, il emmena Quetz dans des bains privés, pour qu'elle se fasse laver par des professionnelles. L'être divin grimaçait de se faire choyer de la sorte, sachant pertinemment que c'était pour lui apporter de la valeur ajoutée. Mais elle se devait d'aller jusqu'au bout.
Ainsi prête, et toujours dans l'optique de trouver des indices pour la conduire vers les autres Ootsi disparus, le Serpent à plumes remit sur elle la cape qui cachait sa beauté unique, et suivit ce nouveau maître intérimaire jusqu'à la place. Une estrade de pin, ornée de colonnes drapées de tissu blanc et rouge, cherchait à se différencier des autres. Le marchand avait mis le paquet pour vendre ses dernières acquisitions. Bien des personnes et autres terranides furent vendus, et lorsque vint le tour de Quetz, l'homme s'égosilla davantage, faisant avancer la belle encore sous sa longue cape et la capuche mise.
- OYEZ ! OYEZ ! Chères damoiselles, chers messieurs, je réclame toute votre attention ! Mon dernier esclave est des plus délicieux ! Je suis allée la chercher à des journées de marche de Nexus. Elle provient d'une tribu des forêts sombres appelée les Ootsi. Ils sont réputés pour être soit de braves guerriers, soit d'une beauté presque divine ! Celle-ci est à couper le souffle, avec sa parure de plumes écarlates et ses yeux d'or ! Faites place à la Ootsi !Tirant d'un coup sec sur la capuche et la cape en elle-même, il mit en lumière cette beauté qu'était Quetz :
une jeune femme rousse, dans la vingtaine passée, aux courbes alléchantes, aux lèvres pulpeuses et aux émeraudes scintillantes. Son agréable plastique était mise en avant par
cette tenue que lui avait fait porter le marchand, d'un blanc qui se confondait presque avec sa peau de nacre, légèrement mouchetée de grains de beauté.
Surpris, la population qui s'était amassée devant l'estrade commença à houspiller le marchand.
- C'est qu'une humaine ! Qu'est-c'que tu nous baragouines ?- MENTEUR ! ARNAQUEUR !- Non, attendez...On m'a trompé ! Que...Qu'as-tu fait de la sauvageonne ? Tu étais avec moi et je ne t'ai pas quitté des yeux !Quetz haussa les épaules. La transformation s'était faite des plus discrètement mais ça, elle n'allait pas lui avouer. Portant la voix, la jeune femme enchaînée se fit entendre.
- Cet homme vous ment ! Il m'a tout pris, et je crois qu'il a aussi pris des substances. Il n'a cessé de croire que j'étais un oiseau, alors que je ne faisais que cueillir des herbes dans la forêt ! Aidez-moi !Le marchand tira le bras de Quetzalcóatl pour la ramener vers lui, fou de rage, lui mettant une gifle visiblement bien méritée.