"Qui sait ce que je veux, Galadriel. Peut-être me suis-je présentée dans vos contrées dans l'espoir de braver les épreuves de votre père et de ramener une jolie épouse elfique de sang royal."
À vrai dire, cela n'était pas absolument hors de question. Jusqu'à maintenant, il ne lui semblait pas que le père de Galadriel avait spécifié que seul un elfe pouvait entreprendre de braver les épreuves qui lui aurait garanti la main de la princesse. Un magicien et guerrier tel que Serenos parvenait le plus souvent à surpasser la plupart des exigences physiques, car sachant compenser leurs lacunes avec la magie, contrairement à la plupart des autres prétendants qui n'auraient que leur force physique et agilité naturelle comme atout.
Cependant, Serenos lui disait surtout cela pour la surprendre et la déstabiliser, sans pour autant l'insulter davantage. Il savait qu'il lui avait fait beaucoup de peine en lui disant ce qu'il pensait de l'éducation prodiguée par le Roi Elfe, mais dans ses réactions, il voyait qu'elle y avait songé aussi, et elle se disait peut-être que si deux personnes, incluant un étranger, voyait les choses de cette façon, c'était assurément véridique. Dans les faits, Serenos n'avait pas la moindre idée de ce que son homologue avait en tête à tenir sa fille unique à l'écart des jeux du pouvoir. Peut-être qu'il attendait réellement le bon moment pour commencer à lui apprendre, peut-être qu'il était simplement trop occupé. Peut-être qu'il ne s'attendait pas à devoir un jour passer le flambeau, considérant la longue vie des elfes, et qu'il ne voyait pas l'intérêt de troubler son enfant avec les affaires du royaume sachant qu'il serait toujours là de toute façon.
Un plan fort naïf, aux yeux de Serenos, sachant que l'imprévu était exactement ce que chaque souverain se devait de prévoir. Dans le cas de Serenos, s'il venait à décéder, Grymauch prendrait sa place, en tant que Roi-Élu, et si tous ses enfants disparaissaient les uns après les autres, le pouvoir retomberait entre les mains des Conseils de la Paix, du Peuple, de la Guerre et de la Magie dans une semi-démocratie, et ce jusqu'à ce qu'un nouveau Roi ne se démarque et ne grimpe sur le trône. De nombreux sorts avaient été mis en place pour éviter la montée au pouvoir d'un tyran ou d'un pantin, ce qui assurerait au moins une forme de stabilité; si ces mesures ne suffisaient pas, cela voulait dire que Serenos avait failli, et pour sa propre fierté, il refusait de laisser cela arriver.
"Évidemment, je ne compte pas vous demander de m'épouser. Nous ne nous connaissons que depuis quelques heures, il serait de mauvais ton de parler de mariage. Et puis, je vous ai parlé de mon premier mariage, déjà. Je ne crois pas que cela soit une position à laquelle vous aspiriez."
Il se pencha alors sur elle et posa un baiser contre son front, tout chastement, avant de reprendre un peu de distance.
"Meisa sera peut-être votre occasion d'expérimenter la romance que votre position vous a refusée. Au moins, vous socialiserez avec des gens qui ne s'en feront pas de votre titre ou de la position de votre père; le seul personnage royal qu'ils respectent, il est devant vous. Et c'est parce que j'ai une mauvaise réputation et un mauvais caractère."
Et heureusement, Serenos était justement un Meisaien avec lequel elle pouvait socialiser librement. Ou du moins elle pouvait essayer.
"Bon... nous parlons de beaucoup de choses, mais... tant qu'à parler, venez là."
Le Roi se leva et la contourna, se retrouvant maintenant derrière elle. Il frotta ses mains entre elles en marmonnant des phrases et souffla entre ses paumes avant de les poser sur la tête de l'elfe et commencer à frotter. Bien vite, par magie, les cheveux de l'elfe se virent tranquillement couverts de bulles savonneuses alors que le Roi lui massait le cuir chevelu, un geste qui ne tardera pas à soi inquiéter, amuser ou intéresser la jeune femme, ou du moins c'était la réaction qu'il prévoyait. Il n'était pas vraiment difficile pour un magicien de reproduire un effet qu'il voyait régulièrement, et reproduire un savon ou un baume à cheveux était tout à fait dans ses cordes. Comme la princesse lui avait offert un baume nettoyant plus tôt, il se disait qu'elle bénéficierait peut-être de ce traitement.
"Je vous ai mis assez mal à l'aise pour les prochains jours."
Il fit lentement glisser ses doigts le long de ses cheveux bruns, de la racine à la pointe, répandant le produit magique.
"Comme je m'attends à ce que vous l'expérimentiez beaucoup en Meisa, j’aimerais vous en apprendre au moins les pratiques les plus agréables; premièrement, les bains ne se font jamais seuls."
"Le travail du maître de bain ou de la maîtresse est de vous laver, mais également de s'assurer que l'expérience est plaisante. En Meisa, il y a trois pratiques; le hakie, qui est un bain simple avec seulement le nettoyage du corps. Très prisé chez les gens aux cheveux demandant beaucoup d'entretien, car il évite que les cheveux ne soient mouillés. Ensuite, le barash hakie, ou bain complet, qui inclut le nettoyage des cheveux. La dernière pratique, et celle que vous allez maintenant expérimenter, est le sirish hakie, ou le bain revigorant."
Les mains de Serenos ne tardèrent pas à changer leur mode de frottement, et bien vite, Galadriel put sentir les doigts du Roi lui masser le crâne en profondeur, passant par les tempes au sommet, puis derrière les oreilles, puis massant la nuque.
Le traitement sur sa tête ne perdura peut-être pas plus de cinq minutes, mais par le temps que Serenos ait fini, les cheveux de sa camarade étaient maintenant reluisant et chatoyant, comme si elle n'avait pas passé quatre jours à courir en forêt. Après lui avoir nettoyé la tête, le Roi reprit son massage, cette fois passant sur le dos et les épaules de la princesse, savonnant sa peau et massant ses muscles endoloris.
"Évidemment, cela serait techniquement un misirish hakie, ou un bain revigorant à nu, car je n'ai pas d'éponge."
Il aurait pu lui dire que le misirish hakie pouvait être également un art qui entre dans les traditions de séduction en Meisa, enseigné par les hommes et femmes du Quartier des Roses lorsque les jeunes gens entraient dans l'âge de la maturité sexuelle, mais inutile de lui mettre de fausses idées en tête pour le moment. Il passait maintenant aux bras, et après les avoir savonné généreusement, il massa le bras de la jeune femme, partant de l'épaule aux coudes puis aux mains, lui massant lentement les doigts.
Galadriel expérimentait ainsi quelque chose à laquelle elle serait excessivement exposée une fois en Meisa; les Meisaiens et Meisaiennes n'avaient aucune barrière entre eux, ou du moins entre amis. En l'absence de la préconception que chaque contact pouvait être interprétée comme une avance sexuelle, les contacts physiques étaient souvent simplement une démonstration d'appréciation ou de confiance. Et Serenos était remarquablement doué pour cet exercice; en tant que militaire, la force de ses mains étaient parfaites pour cette pratique, et sa connaissance de l'anatomie humanoïde était assez étendue pour lui permettre de faire profiter l'elfe d'un massage fort agréable.