"Encore un peu d'eau chaude, Sire?"
Avec son ton délicat et poli, et sa maitrise exceptionnelle du langage national, Mereliae était assurément l'une des dames de compagnie les plus prisées du continent, et cette réputation ne lui était pas venue sans de longues années de travail. Sa notoriété était telle qu'elle pouvait se présenter d'elle-même au palais royal en toute impunité, et ce même sans avoir acquis le titre de maîtresse royale.
Le souverain de Meisa faisait cependant usage de ses services lorsqu'un moment de paix et de calme était nécessaire. Depuis le décès de son épouse, Laryë, et l'assistance prodiguée par ses enfants dans les affaires du royaume, il lui semblait cependant que ses conseillers en profitaient pour le harceler de requêtes anodines, certains même tentant de négocier un veto contre la décision de ses héritiers.
La courtisane continuait de le regarder, bien pressée contre son torse, et après un moment de silence, le Roi ouvrit enfin les yeux, pour les river dans son regard ambré. Comme toute réponse à la question, il se contenta d'un hochement de la tête, et Meriliae se retourna, lui faisant face, avant de se relever sur les genoux, approchant son buste du visage du Roi alors qu'elle s'étirait pour agripper une petite corde, sur laquelle elle tira trois, quatre, cinq fois. Bientôt, un petit compartiment caché dans le mur s'ouvrit, laissant passer un grand bout de bois creusé, qui s'orienta vers le pied du bain. C'est alors que, par cinq fois, de l'eau chaude se déversa dans le bassin, réchauffant ses occupants, avant que le dispositif ne se rétracte.
Une fois l'eau réchauffée, la courtisane prit place sur son invité, s'accoudant à son épaule, posant la tête contre sa main pour l'observer dans les yeux. Soudainement, sans provocation, elle souffla sur son visage, arrachant une grimace au Roi, ce qui sembla lui faire bien plaisir, puisqu'elle lui sourit immédiatement. En bon joueur, il lui souffla au visage à son tour, faisant virevolter ses boucles noires. Elle échappa un rire sincère, avant de se rapprocher et de poser sur le front du Roi un baiser délicat, avant de passer ses bras autour de son cou et de le serrer contre son buste, glissant ses doigts dans les cheveux humides du souverain, qui se laissa faire.
Cependant, ce petit moment de quiétude fut interrompu quand une inconnue entra dans le grand bain public. Malgré le fait que le Roi avait donné l'ordre exprès de ne pas laisser quiconque entrer, certaines personnes n'avaient tout simplement pas la présence d'esprit de le laisser tranquille.
"Sire…" fit Mereliae, un peu alarmée, reculant pour qu'il puisse regarder.
S'exécutant, le Roi fit un quart de tour pour regarder part dessus son épaule, et quelle ne fut pas son étonnement de voir une créature semi-aqueuse se balader dans les bains publics. Ce n'était pas une vue fréquente, en ville, quoiqu'il ne sache dire si c'était une occurrence plus régulière autre part. Il fit signe à la courtisane de prendre son congé.
"Ce n'est rien de grave. Juste un esprit aqueux un brin téméraire. Je m'en occupe."
La jeune femme se releva alors, enjambant le rebord du bassin pour ensuite agripper ses vêtements et prendre ses jambes à son cou et quitter l'établissement.
Le Roi se releva à son tour et s'extirpa du bain, marchant vers la slime dans son plus simple appareil. Plutôt que de tenter de lui parler dans une langue qu'elle ne comprenait peut-être pas, il connecta immédiatement son esprit au sien et prit la parole. Ses mots, aux 'oreilles' de la créature, se traduisirent, s'assurant ainsi de la bonne compréhension entre eux.
"Tu es bien loin de chez toi, petit esprit des eaux," lui fit-il remarquer.