Trahi ! Voilà la terrible vérité de ce qui lui était arrivé. Trahi, sans même s’y attendre. Trompé par ceux-là qu’il n’aurait jamais pu soupçonner d’une telle chose. Arnaqué par des idiots et des gredins de la pire espèce. Ces imbéciles de moyenâgeux, comment diable pouvaient-ils ne serait-ce qu’espérer lui faire cela ? Que l’acte vienne d’une puissance véritable, c’eut été compréhensible et bien plus logique. D’ailleurs, ça ne pouvait être que ça. Il était si improbable que des bouseux aient l’idée et la possibilité de se jouer comme ça de lui…
Quoi qu’il en soit, Arkady n’en revenait pas. Le serpent se mordait la queue. Le corrupteur était corrompu, le tentateur tenté. Il avait si bien joué son jeu que la partie avait pris fin sans même qu’il le voit. Et maintenant ? Il était mal. Très mal. Enfin, pas si mal, mais quand même pas dans la meilleure situation non plus. Il avait certes vu pire, en y songeant bien. Une fois ou deux. Peut-être même plus. Bon, il est vrai que les types qui le poursuivaient n’étaient pas les plus dangereux qui soient. Des casques et des épées, ça n’avait pas vraiment de quoi effrayer un moderne comme lui. Le genre chevalier ou milicien, ça fait peur quand ça tire à balles réelles ou quand ils sont légions. Là…
Le grand blond avait quand même fui, aussi prestement que possible. Depuis ce château, au cœur de la vaste salle de banquet où il avait échangé longuement avec un seigneur local, l’étranger avait couru, nagé, sauté, pour échapper à ses poursuivants. L’accord qu’il était censé signer entre son véritable pays et cette contrée sauvage devait permettre de prendre pied sur Terra, en donnant quelques garantis aux habitants de Nexus ou autre. Pour l’heure, c’était un échec. Sûrement que le plan avait été éventé. Ils avaient dû parler ou être écouté. À moins que ce ne soit une histoire de fidélité vassalique, quelque chose du genre. Ce souverain misérable n’était pas si ambitieux que ça, alors, et il avait promis la tête d’Arkady à son seigneur. La reprise de discussion serait difficile. Surtout que dans sa fuite, le terrien avait tué ou blessé plusieurs autochtones. Une arme à feu, même modeste, reste toujours fiable, contre des lances et des flèches.
Grinçant des dents, le russe émit un grognement en sentant la douleur le reprendre au bras. Un projectile ennemi l’avait quand même touché, avant qu’il ne parvienne à leur échapper. Lui qui portait une tenue locale traditionnelle, ressemblait à un marchand plutôt aisé de la capitale de Nexus. Il pouvait donc se fondre dans la foule. Sauf qu’il n’existait pas vraiment de population en densité assez forte dans le coin. Il avait vu un village, derrière la forêt, et s’était introduit au milieu des maisons de pierre, au toit de chaume et aux petits jardins cultivés. Un vrai habitat de plouc.
Grognant encore, la main sur son bras d’où coulait un léger flot de sang, il arpentait les allées, reprenant son souffle tant bien que mal. Les poursuivants, maigre troupe du seigneur du coin, allaient-ils venir jusqu’ici ? S’appuyant contre un mur, il regarda et vit qu’il n’y avait que peu d’habitants ici-bas. Une petite dizaine, tout au plus. L’arme toujours à la main, son vêtement taché de rouge à hauteur du biceps, il continua à avancer pour voir ce qu’il pourrait tirer des locaux. Au moins quelques informations, peut-être. Pour s’orienter et… ce sortir de ce mauvais pas.
