Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

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Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

lundi 13 janvier 2025, 17:25:08

Eist’shabal, la plus vieille ville d’Ayshanra. Trois milles ans après sa fondation, à une époque où la pierre était le seul matériau de construction et d’outillage connu, nous pouvons constater encore le savoir-faire de ces anciens maçons qui, simplement à l’usage de leurs simples moyens, avaient créé de grands et beaux monuments. L’Ancienne Citadelle, une remarquable éloge au talent humain pour l’architecture et, sans un doute, la magie.

D’une forme quasi circulaire, et protégeant un rayon de huit kilomètres, les murailles extérieures formaient un bouclier contre toute attaque de terre. Fait de pierre, de mortier, renforcé par les années avec du fer et reconstruit mais jamais abattus, ces murs terrifiaient à même les envahisseurs les plus hardis, alors que son énorme port, où mouillait plusieurs centaines de bâtiments de guerre, protégeaient les eaux territoriales, mettant bien à mal les pirates qui menacent les voyageurs.

Pour Tojeï, musicienne, artiste, une étoile reconnue en Nexus, il n’y avait que deux endroits où elle pouvait bien se produire ; au nord-ouest de la ville, où l’attendait des érudits, des philosophes, des artistes et autres académiciens qui s’extasieraient devant son art et l’analyserait, ou dans le quartier des Roses, au pied du palais royal, où elle devrait lutter pour se faire une place au cœur de ces troubadours, bardes et poètes qui, à cœur joie, distrayaient une populace bruyante et joyeuse. Mais le contrat, malheureusement, ne lui permit pas de se produire pour cette dernière ; non, aujourd’hui, ceux qui jouiraient de sa musique étaient ceux qui, dans les hauts quartiers, avaient pour elle un théâtre et une audience attentive, des gens de culture qui sauraient apprécier sa musique.

La salle était tout simplement bondée de gens. Des hommes, certes, mais remarquablement, ils étaient en minorité ; la salle était remplie de femmes, jeunes et moins jeunes, qui discutaient avec enthousiasme du spectacle qu’elles allaient vivre.

Tout le monde qui s’était déplacé était, au bas mot, des gens de la haute société. Pas nécessairement de la noblesse, mais des gens qui avaient une forte étiquette sociale. Devant, au plus près de la scène, se trouvait quelques femmes fort importantes, avec leur mari à leur droite, ainsi que la directrice de l’académie elle-même, habillée avec la dignité associée à son honorable position. Avec une ravissante coiffe, elle attendait, patiemment, d’entendre la musique qui, depuis, secouait toute la culture Nexusienne. A ses côtés, plutôt qu’un mari, se tenait une jeune fille, aisément récemment adulte d’âge, qui remuait nerveusement sur son siège, manifestement pas habituée à rester inerte aussi longtemps. Elle était une copie conforme de la directrice, si ce n’était qu’elle était clairement plus jeune, et dégageait une aura de vie et d’enthousiasme qui n’était pas encore diluée, tempérée par des années d’expérience.

Les lumières du théâtre se tamisèrent, jusqu’à s’éteindre, toutes les chandelles soufflées par un geste de la main du magicien attaché au théâtre et, éclairée par un puit de lumière au plafond au-dessus de la scène, Tojei fut éclairée pour sa prestation.

Aucun son ne la troubla, du moment de son apparition, jusqu’au dernier moment de sa prestation. Le silence était complet, imperturbable. Pas un cri d’enfant, pas l’aboiement d’un chien ou le miaulement d’un chat. L’endroit aurait été stérile de tout son, si ce n’était celui de l’instrument de la jeune femme. Ce n’est qu’à la fin de sa prestation que la pièce se remplit des applaudissements admiratifs et des hourras.

Comme à la fin de chaque spectacle, une petite réception était organisée, permettant non seulement aux artistes de faire leur propre publicité, mais aussi à leurs amatrices et amateurs de les approcher, de leur adresser la parole. Les réceptions Meisaennes étaient un peu plus fastueuses ; la nourriture et le vin était mis à la disponibilité de tous, permettant aux invités de se rafraîchir dans ces températures infernales d’été en bord de mer.

La directrice s’approcha donc de la vedette de l’heure, et avec une courte révérence de la tête, une main sur le cœur, elle présenta la jeune femme qui, plus tôt, se tenait à ses côtés dans l’audience.

– Bien-aimée Tojeï, dit-elle avec un sourire. Permettez-moi de présenter Aiu, ma fille. Une amoureuse de la musique, et une grande amatrice de votre art.

Frappée de mutisme par son enthousiasme, la jeune femme aux cheveux noires et à la peau à peine voilée par une robe et des bijoux regardait son interlocutrice avec des grands yeux bleus de mer émerveillés, les doigts devant les lèvres pour cacher une bouche béante d’excitation. Comme toute salutation, elle s’inclina plusieurs fois devant la demoiselle.

La directrice éclata de rire devant l’enthousiasme de son enfant, avant de tourner le regard vers l’artiste.

– C’est un grand privilège pour nous de recevoir une femme aussi talentueuse. Je vous suis très reconnaissante d’avoir accepté mon invitation. J’espère que la traversée, et nos accommodations, ont été clémentes.

Tojeï d'Anthilie

Humain(e)

Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 1 mercredi 15 janvier 2025, 18:28:11

" C'est précipité. Rien de plus rien de moins. Nous n'avons ni idée de leurs coutumes, ni de leurs légendes. Cette représentation pourrait être un véritable fiasco.
 -  Ils nous ont expressément demandé Tojeï. Ils te voulaient toi, avec l'ensemble de ce qui a fait ta renommée en Nexus. Quoi que tu fasses, ils n'attendent rien de plus que tes talents et la virtuosité qui a fait ton nom. Tout ira bien.
 -  Ah ouais. Et qu'est-ce que je leur joue, hein ? Je doute que les balades dramatiques de Nexus leur plaisent, quant aux légendes des terres lointaines, la moitié sont déjà hors concours. "

L'agacement culminait déjà. Tojeï ne trouvait pas le moindre avantage à ce déplacement, ne s'était pas gênée pour le faire savoir tout du long du trajet qui cette demande les avait obligé à parcourir, jusqu'à ce qu'elle remette une nouvelle fois le couvert juste avant qu'elle ne se produise sur scène. Oh elle était déjà en tenue, avait eut le don de vérifier l'état de son instrument, avait même déjà prit le temps d'échauffer son corps pour que l'ensemble de ses notes soit accompagné des arcs graciles de ses membres, mais ce n'était là que pur professionnalisme. En son for intérieur, elle ne trouvait pas la moindre raison de s'être laissée emporter dans ce voyage particulièrement long, tout ça pour se produire auprès d'un nouveau public qui, certes, semblait des mots de sa patronne et amie avoir déjà la demoiselle en haute estime, mais dont elle ne connaissait ni les moeurs ni la culture. Ses représentations demandaient de la maîtrise, un certain savoir de ceux qu'elle ravissait de sa musique, ce qui lui demandait généralement de prendre en premier lieu conscience de leur passé et des contes qui avaient formés leur patrimoine. En ce début de nuitée, alors qu'elle se prenait encore la tête avec Ayatvili, elle n'avait proprement aucune base intellectuelle pour orienter son spectacle, un flou qui lui glaçait le sang et la forçait à grincer des dents pour ne pas simplement vociférer son puissant désir de tout envoyer valser dans la seconde.

" Pourquoi ne pas prendre un choix plus ouvert, tout simplement ? Le Chant des Anges ou la Balade des Trois Contrées sont des pièces finalement assez simple, accessible pour tout les publics, non ?
 - Oh mais oui, bien sûr, servons-leur une ode à la pensée religieuse, je suis sûre qu'ils en seront ravis, à moins bien sûr qu'ils n'aient aucune forme de foi connexe en ces terres ! Et franchement, la Balade des Trois Contrées revient à accompagner le chant de trois ou quatre accords différents seulement, tu penses vraiment qu'ils vont pas se demander si on ne se fout pas de leurs gueules ? "

Sa nervosité l'amena non seulement à répondre d'un ton des plus cyniques, mais surtout de jeter de frustration le premier truc qu'elle avait put attraper, un pot de maquillage qui ne manqua pas de s'ouvrir à l'atterrissage pour déverser une poudre noire épaisse sur l'un des divans installé dans la loge. Ce n'était rien, mais ça allait lui permettre de relâcher un court instant ses nerfs, lui éviter d'exploser dans la seconde, de ne pas ouvrir sa représentation par la sortie de son stylet pour faire mine de le porter à ses lèvres avec le sous-entendu intrinsèque qu'une personne connaîtra son courroux d'ici peu. Non, à la place elle ne fit rien de plus que se laisser chuter sur le siège rembourré de la loge, jeta sa tête en arrière, laissant ses cheveux tomber en cascade pour repeindre le sol de bois d'une tâche noire, comme brossé sur une toile par une main de maître. Elle se devait d'avoir une véritable idée, elle s'en foutait bien de devoir lâcher du leste dans les heures à venir, mais l'idée même de ne pas offrir la meilleure des représentations était en revanche un outrage envers son public et son orgueil bien mal placé. Si elle monte sur scène, c'était avec l'idée de briser définitivement leurs préconceptions, s'assurer qu'ils ne voient pas simplement une artiste accomplie, mais bien entendu la preuve absolue que celle qui se trouvait devant leurs yeux était l'incarnation même des divinités des Arts. Alors elle se creusa la tête en se pinçant la lèvre, laissant la déesse dans un silence absolue, pour se redresser tout aussi sèchement qu'elle s'était laissée tomber de prime abord.

" Tu sais quoi ? Ils veulent des émotions ? Du grandiose ? J'espère qu'ils ont du temps, il vont avoir droit au Précis d'Arlan Khan. "

Le regard dubitatif de la déesse ne fit que rencontrer l'air froid et stoïque de l'artiste. Plus besoin de discutailler, la décision était déjà prise, ne restât à Ayatvili qu'un soupir pour ponctuer cette décision.

" Très bien. Les rideaux s'ouvrent dans une demi-heure. Prépares-toi bien et à tout à l'heure. "

*
*   *

Ses talons claquent dans le silence du théâtre. Chaque pas l'amène au centre de son territoire sous le puit de lumière qui permet d'accentuer sa présence, encore plus que le reste des bougies sont désormais dépossédées de leurs flammèches. Elle s'installe, redresse son instrument en le tirant du manche vers le ciel, gardant dans l'immédiat les yeux fermés. La lame de son archet rencontre la corde tendue sans que le moindre bruit n'en soit provoqué, l'effleurement presque intime se gardant encore de dévoiler son impudence à l'ensemble du parterre. Le silence règne, première rencontre entre Tojeï et les membres fortunés de la population Meisaïenne. Elle ouvre légèrement les yeux, plongeant ses perles grises dans la pénombre, part pour un voyage au travers de steppes lointaines, enneigées, où l'Arlan Khan aurait il y a des centaines d'années écrit un Précis, ouvrage pour offrir à sa tribu le savoir suffisant pour honorer la terre et les esprits élémentaires.

Les premières notes envahissent le hall, lancinantes, déchirantes, dépeignent la marche solitaire du chef anéanti, loin de son peuple, loin de ses amis, loin de ceux qui lui ont permit de se trouver au sommet des Montagnes Cristallines où règnent les Hauts Prophètes, esprits des dieux arctiques. La mélodie évolue lentement, évoque les pas lourd, le danger omniprésent des tempêtes et des rencontres d'un autre temps. Puis le chant, cryptique, ouvre la voie vers les paroles d'une ère ancestrale.

" Seigneurs, rois d'un lointain passé. Maître des ondées, d'airs ou de terres gelées. Voyez, sans chausses et de lambeaux vêtues. Contemplez l'homme qui cherche vos crûs... "

S'abreuvoir aux sources du savoir, s'éveiller à de nouveaux horizons, à de plus rayonnant futurs. Le Précis d'Arlan Khan ne parle pas tant du texte qu'il a écrit pour son peuple, mais du voyage initiatique d'un homme extraordinaire, qui dans l'espoir de convaincre les Hauts Esprits de le laisser passer, engrangea mille rencontres et mille épreuves afin de prouver son bon droit. L'ensemble est contée du point de vue de l'Arlan Khan, tentant tout du long de la pièce de demander audience aux maîtres des montagnes, s'évertuant à partager l'ensemble de ses expériences de vie, non sans malheureusement ne recevoir en courte réponse que le souffle froid de halls vides et sombres. L'ensemble de la pièce rebondit donc au rythme des musiques, les histoires plus douces du chef de tribu connaissent un ton plus franc, des notes fraîches, parfois joyeuses, qui vont à la rencontre des accords déchirants de la réalité, tantôt celle qu'il constata, tantôt de celle qu'il vit présentement, seul au milieu de la tombe glacée où nul ne lui répond. Le tout, dans l'immédiat, accompagné de la précision de Tojeï, de sa mine parfois enfiévrée, de ses gestes vifs à l'archet, qu'elle associe par moment aux mouvements d'une arme, appelant à un silence troublant qu'elle rompt l'instant d'après. Près de deux heures pleines d'activité incessante, de rythmes rompus, d'échos virevoltants et de chants cristallins, jusqu'à ce que les notes s'adoucissent enfin quand un leitmotiv inconnu, nouveau, se glisse pour la clôture de la représentation :

" Jeune seigneur, plonge en ta chair. Oublie l'air froid et ces pierres. Contemples l'œuvre qui est tien. Ton peuple n'a besoin de rien... "

Silence, calme, souffle, ovation flamboyante. Les lumières se rallument, Tojeï s'incline et quitte les lieux respectueusement. Ce n'est que le début d'une longue soirée.

*
*   *

" Et où se trouve-t'elle ?
 -  Aya s'est barrée en milieu de représentation, l'air ravie, en me disant qu'elle avait du travail.
 -  Je me vengerai un jour. "

Tojeï avait rejoint la réception trois bons quarts d'heure après la fin de sa propre représentation. Outre le besoin évident de redescendre en température, d'entretenir son corps pour se nettoyer de la sueur et de la fatigue immédiate, mais aussi de changer de tenue afin de pouvoir se montrer pleinement présentable, la jeune femme avait surtout eut la nécessité de trouver ses deux comparses pour préparer son entrée en compagnie du reste du gratin Meisaïen. Bien entendu, Fuka avait été bien peu compliquée à retrouver, mais aucune trace d'Ayatvili. Si en premier lieu Tojeï pensait la retrouver au milieu de la réception, à échanger avec les pontes de cette cité et des terres alentours, il s'était avéré que nulle divinité n'occupait la superbe salle de banquet, obligeant donc l'artiste à questionner son amie et garde du corps. Ce, bien sûr, quand elle pouvait glisser un mot à la démone, car l'ensemble de son précédent public ne cessait de venir quérir son attention pour la féliciter de la représentation, ou de lui porter l'intérêt d'une invitation personnel, d'un désir de la voir se représenter en d'autres territoires, ou pour des sujets autrement plus mondains. D'ailleurs, ayant visiblement du temps entre deux verres de liqueur et trente-sept inconnus, Tojeï s'apprêtait à proposer à Fuka d'aller trouver le plaisir d'un peu d'air frais, démarche qui fut immédiatement avorté par l'arrivée d'une dame à ses abords. La fatigue l'empêcha d'immédiatement reconnaître le visage de la directrice, mais l'artiste se reprit tout naturellement en accompagnant ses salutations.

" Enchantée demoiselle Aiu, j'espère que le spectacle fut à la hauteur de vos attentes. "

Calme, maîtrisée, professionnelle, Tojeï n'allait guère faire preuve d'un manque de savoir-vivre auprès de bonnes familles, mais l'agacement commençait de nouveau à poindre en son esprit, l'aiguillon léger de son intempérance commençant à titiller les flancs de ses besoins les plus inavouables. La petite souris en extase devant elle semblait ne point même pouvoir imaginer la faim ophidienne qui tiraillait l'estomac de l'artiste, quand à sa mère et directrice de l'établissement qui l'accueillait, elle ne semblait point avoir d'yeux pour autre chose que le comportement léger de son engeance et son besoin d'assurer la pleine satisfaction de ses invités. Tojeï leur prêta une oreille attentive tandis que Fuka se comportait avec toute la rigueur qui lui était demandée dans ce genre de réception : On écoute, on ne s'exprime pas dans l'immédiat, hormis dans l'observation claire et évidente d'un rapprochement trop important ou malintentionné. L'artiste pourrait lui glisser un regard plein de détresse pour lui faire comprendre ses véritables besoins, mais elle ne risquerait pas non plus de blesser qui que ce soit. Alors, acceptant finalement qu'elle allait devoir rester encore un peu au coeur de cette assemblée élogieuse mais épuisante, elle entama avec tout le naturel du monde de répondre aux questions polies de leur commanditaire.

" Point tant d'éloges je vous prie, j'ai toute une vie pour répondre aux attentes de mon public, et sûrement un long chemin qui s'offre à moi pour atteindre de réelles qualités unanimes. À la manière de l'Arlan Khan, seul le labeur d'une vie me trouvera pleinement compétente quand je me présenterai au jugement de mes pairs. "

Un sourire feint, mais divinement chaleureux, vint poindre sur les lèvres de l'artiste, meilleur moyen qu'elle avait d'assouplir les craintes et les questionnements de la directrice du théâtre.

" N'ayez crainte, votre accueil est tout bonnement divin. Je ne peux que constater votre goût et votre finesse pour les affaires de la table, tout comme votre soin à l'hospitalité. Je me dois malheureusement de vous informer d'une maladresse personnelle, mais la nervosité des premières heures m'a amené à faire tomber un pot de maquillage dans ma loge plus tôt. Toutes mes excuses par avance, je chercherai une solution à cette erreur de ma part je vous le promets. "

Serenos I Aeslingr

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    Le Roi des Trois Royaumes et le personnage le plus influent d'Ayshanra. Derrière ses allures détendues et son sourire charmeur, Serenos est un homme dangereux et incontrôlable, et une constante menace pour les royaumes continentaux. Son mépris pour le protocole lui ont attiré le titre de "Roi Fou".

Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 2 mercredi 15 janvier 2025, 21:57:19

– N'ayez crainte, votre accueil est tout bonnement divin. Je ne peux que constater votre goût et votre finesse pour les affaires de la table, tout comme votre soin à l'hospitalité. Je me dois malheureusement de vous informer d'une maladresse personnelle, mais la nervosité des premières heures m'a amené à faire tomber un pot de maquillage dans ma loge plus tôt. Toutes mes excuses par avance, je chercherai une solution à cette erreur de ma part je vous le promets.

-Non pas, mademoiselle, je m’assurerai que cette mésaventure soit promptement réparé, il n’y paraîtra plus quand vous reviendrez.

La politesse, glacée et dénuée d’enthousiasme, de la jeune musicienne, ne passa point inaperçue aux yeux perçants de la directrice. Cette dernière, habituée aux subtilités d’une noblesse acérée et amère, reconnaissait sans peine ce sourire professionnel, celui que l’on arbore face à un supérieur trop matinal ou devant une union arrangée dictée par l’intérêt et non par l’amour. C’était un sourire de diplomate, parfaitement exécuté, d’une telle sérénité qu’en dépit de son savoir, la directrice se surprit à se détendre sous son éclat maîtrisé.

Mais si l’expérience de la maturité permettait à la directrice de lire les âmes, la jeune Aiù, elle, était tout entière emportée par son admiration pour l’artiste. Meisaenne de naissance, elle avait pourtant souvent voyagé, son père ayant des affaires avec une maison bancaire nexusienne encline aux paris boursiers. La fortune familiale lui avait permis, à plusieurs reprises, d’assister aux prestations envoûtantes de Tojeï. Indifférente aux signes subtils de l’irritation ou de la réserve que dégageait la musicienne, Aiù brillait d’émerveillement, son visage éclairé d’étoiles et de pétillements juvéniles.

Sa mère, avisant l’exubérance de sa fille, s’avança alors d’un pas, réduisant l’espace entre elles et la musicienne, comme pour tempérer l’effusion. Aiù, cependant, se mit à babiller dans sa langue natale, débitant ses paroles si rapidement qu’un interprète aguerri aurait eu peine à la suivre. Mais, avant qu’elle ne puisse poursuivre, sa mère l’arrêta d’une main ferme, la tirant légèrement en arrière pour calmer l’élan de sa progéniture. Se tournant vers la directrice, elle traduisit avec un sourire poli :

— Elle vous dit, chère amie, qu’elle a assisté à nombre de vos représentations au Théâtre des Bienheureux de Nexus. Elle a trouvé le Précis d’Arlan Khan absolument sublime, et l’acoustique de ce lieu magnifiait votre voix. Je résume, bien sûr. Ma jeune Aiù est une admiratrice enthousiaste et volubile, mais l’essentiel est qu’elle aime votre musique et vous trouve fort charmante. Une véritable petite Mercère de Talé, telle que vous la voyez.

Une exagération, certes, mais de peu. Mercère de Talé, personnage tragique du théâtre meisaen, évoquait cette passion absolue qui ne connaît ni bornes ni raison. Ingénue éprise d’un poète étranger, elle s’était consumée dans une quête effrénée pour obtenir de lui une seule dédicace. Ses lettres, ses déclarations d’amour, et son dévouement presque religieux étaient demeurés vains, laissant l’homme insensible, prisonnier d’un cœur de pierre.

Mais la fin de cette histoire, comme souvent dans les tragédies, était marquée d’un éclat terrible. Lorsque Mercère, désespérée, mit fin à ses jours, ce fut seulement alors que le poète, frappé d’un remords tardif, lui consacra une œuvre. Une éloge funèbre si poignante et sublime qu’elle traversa les âges, gravée dans la mémoire collective des Meisaens. Même ceux qui n’avaient jamais vu la pièce en connaissaient des passages par cœur, tant ses vers résonnaient dans chaque foyer et chaque cœur.

Ainsi, comparer la jeune Aiù à Mercère n’était pas une flatterie anodine, mais bien un compliment d’une rare intensité, soulignant l’admiration sans bornes et l’ardeur juvénile qui animaient l’enfant.

Après quelques paroles échangées, la mère d’Aiù reprit la parole, s’adressant cette fois à la jeune artiste avec un ton solennel :

— Votre éthique, mademoiselle, est un exemple pour notre jeunesse. Trop rares sont celles de votre génération qui consacrent leur existence entière à l’art, à leur vocation. C’est un baume pour le cœur d’une vieille femme comme moi de voir que la flamme de notre culture brûle encore, et ce, avec une humilité si remarquable.

Vieille. Une vieille femme ? Pourtant, elle qui se targuait d’une peau lisse, d’un regard vif et d’une stature enviable même parmi les dames de la haute société nexusienne, osait s’attribuer ce titre. Mais elle ne mentait point ; à l’aube de sa septième décennie, elle pouvait à juste titre revendiquer ce qualificatif. Les Meisaens, bénis par une longévité prodigieuse, étaient ainsi faits. Le temps semblait les épargner, leur offrant une vie prolongée où la vieillesse n’était qu’un état différé. Cependant, dans ce monde cruel, rares étaient ceux qui mouraient de vieillesse, paisibles dans leur lit. Les maladies, les conflits et la violence tenaient lieu de maîtres impitoyables, rappelant que même la longévité n’était pas un gage de sérénité.

-Ah, mais je ne vous retiendrai pas davantage. C’est votre toute première visite à Eist’Shabal, n’est-ce pas ? Avez-vous eu la chance de visiter notre belle cité ?

Après tout, quel était l’intérêt de se retrouver dans une terre étrangère si ce n’était pas pour enfin se relâcher et découvrir ses plus beaux atours. Ceux qui ont pu visiter l’ancienne cité sont souvent fascinés par son histoire, certes, mais aussi le dédale que les rues de cet endroit pouvait être, car la cité jouissait d’un nombre absolument incroyable de réseaux souterrains qui la parcouraient, mais également d’un réseau de rues publiques qui pouvait déstabiliser le tout venant.

–Si vous avez besoin d’un guide, je suis certaine de pouvoir vous trouver un galant jeune homme pour vous accompagner. L’hospitalité des gens d’Eist’Shabal est reconnue à travers notre continent. Que ce soit les grandes galeries d’arts, les grands temples du savoir ou même le quartier des roses et ses atours, il serait dommage que vous ne soyez venue que pour nous émerveiller sans nous laisser l’occasion de vous offrir la même.
« Modifié: mercredi 15 janvier 2025, 22:02:37 par Serenos I Aeslingr »

Tojeï d'Anthilie

Humain(e)

Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 3 jeudi 16 janvier 2025, 23:19:45

Politesses gardées, émotions feintes, sourire de glace et mine radieuse, le rapport entre l'artiste et la directrice laissait tout entendre du professionnalisme de chacune, mais surtout de l'observation méticuleuse que chacune gardait pour elle. La dame aux cheveux d'argents ne semblait guère obtus à la nature pleine de faux-semblants de Tojeï, une évidence qui ne manqua pas de se faire remarquer par la jeune femme et l'informa bien gentiment que si ses émotions venaient à faire surface, il ne faudrait pas quelques instants pour que soit démasqué ses désirs les plus sombres. Non, clairement, il n'était pas question de relâcher la pression dans l'enceinte du théâtre, le résultat n'en serait que misère et complexité inutile. Encore une fois, ne restait donc à l'artiste que son bon semblant d'amabilité et le devoir immédiat de continuer de paraître aussi calme et posée que possible. Il fallait montrer patte blanche, elle avait su le faire des années durant, ce n'allait pas être quelques heures qui la pousseront à produire une erreur grossière. Pourtant, quelque chose n'allait pas l'aider en cela, car l'engagement de la jeune et volubile descendante de la directrice avait ce petit quelque chose d'inférieur et de vulnérable qui taquinait sérieusement les profondes volontés de Tojeï : Si elle voulait ne pas fauter dans les instants qui allaient suivre, elle allait devoir trouver une pirouette pour s'éclipser cordialement.

Chose qui, pour l'instant, rencontrait bien des difficultés. Le flot de paroles ininterrompues de cette demoiselle ne manquait pas de pouvoir flatter l'égo de la dame monochrome, certes, mais surtout paralysait cette dernière dans une posture d'écoute cordiale et amusée, comme le ferait toute bonne dame en présence de louanges un peu dithyrambiques. Tojeï ne fit même pas mine d'entrouvrir ses lèvres pour lui répondre, il était évident qu'emportée par son élan admiratif la jeune descendante ne saurait même pas prêter l'oreille aux propos de son idole, encore plus qu'elle ne parvenait pas vraiment à relever les yeux vers elle pour contempler la grâce de celle qui semblait occuper ses émois de jeune mondaine. Par chance, peut-être même par pure pratique et habitude, ce fut à la grande dame à l'expérience éprouvée de reprendre la chair de sa chair, de se positionner en traductrice accomplie, et d'entamer de lui résumer le flot ininterrompu de compliments verbeux, ce toujours avec le fort respect de ceux qui connaissent et manipulent les bons usages de la société :

" Elle vous dit, chère amie, qu’elle a assisté à nombre de vos représentations au Théâtre des Bienheureux de Nexus. Elle a trouvé le Précis d’Arlan Khan absolument sublime, et l’acoustique de ce lieu magnifiait votre voix. Je résume, bien sûr. Ma jeune Aiù est une admiratrice enthousiaste et volubile, mais l’essentiel est qu’elle aime votre musique et vous trouve fort charmante. Une véritable petite Mercère de Talé, telle que vous la voyez.
 -  Allons madame, il n'y a point de charmes en mon être qui ne puissent être en possession de votre douce enfant. Quant au Précis, nul doute qu'il fut effectivement sublimé par la précision acoustique de votre installation, tout mes remerciements vous reviennent pour m'avoir permise de profiter de pareille structure. "

De fait, si sa réponse était sincère, elle occultait pour l'instant un menu détail qui manquait un peu de la décevoir, lui rappelant par ailleurs sa prime colère à l'arrivée en Meïsa : le manquement évident de sa culture quant aux légendes et contes de cette partie du globe. La mention de ce personnage, de cette Mercère de Talé, laissait entendre une comparaison importante, dont le sens non seulement lui échappait, mais ravivait son besoin de s'informer sur les grands ouvrages que pouvait abriter ces lieux. Toute la question était alors de s'exprimer ou de désavouer ce manque de connaissance, quelque chose qui pouvait tout aussi bien porter opprobre à sa nature, comme rassurer la dame sur la vertu feinte de Tojeï et sa capacité de mettre en exergue son imperfection. Quelques éléments donc qui, à la lumière de leurs précédents échanges, menèrent l'artiste à s'exprimer ouvertement, considérant à raison que même dans l'éventuelle possibilité où elle irait fauter et ternir un peu son image, ce ne serait en aucun cas aussi grave que si elle ne pouvait pas obtenir le moyen d'acquérir les ouvrages qui lui permettront de continuer à grossir les rangs des pièces qu'elle se peut de jouer et d'accompagner de ses arts musicaux.

" C'est d'un ton bien malheureux toutefois que je me dois vous avouer ne point connaître la dame dont vous faites mention. Il s'agit de ma première venue en ces terres, et je n'ai su trouver hors de vos territoires pièces ou livres narrant vos légendes et mythes. À mon grand désespoir d'ailleurs, car j'eu peur longtemps de ce que je pourrais présenter à l'ensemble de vos concitoyens en cette soirée.
 -  Votre éthique, mademoiselle, est un exemple pour notre jeunesse. Trop rares sont celles de votre génération qui consacrent leur existence entière à l’art, à leur vocation. C’est un baume pour le cœur d’une vieille femme comme moi de voir que la flamme de notre culture brûle encore, et ce, avec une humilité si remarquable. "

Visiblement, ni l'une ni l'autre ne pourrait tarir de réponse dans cette situation. Tojeï avait l'expérience de nombreuses années à voiler sa nature, tandis que la sublime dame devant elle avait de belles décennies derrière elle pour assurer son port et sa droiture, la rendant imperméable aux jeux d'amabilité de l'artiste. Tant que cette dame ne saurait lui offrir la liberté, la violoncelliste était coincée ici, et ce n'est pas Fuka, derrière elle, qui allait l'aider, tant cette dernière n'avait que le minimum de contrôle nécessaire pour ne pas aller se jeter sur les belles pâtisseries odorantes de la réception. Toute la concentration de l'artiste se résuma donc à ne pas montrer les signes de sa nervosité, paraître fatiguée, peut-être, mais ne pas révéler les pulsions, les fines décharges de violence qui l'assaillait et manquaient par instant lui vriller l'esprit. Ce n'était qu'un peu de patience, même si elle se trouvait élimée à la fois par une femme d'une expertise remarquable, mais surtout par la petite souris extatique qui, en d'autres occasions, aurait très bien pût se retrouver entre ses griffes. Que les dieux soient loués toutefois, l'élégante directrice vint apporter d'elle-même une forme de solution à la portée de Tojeï. Si elle n'allait pas sauter sur l'occasion comme une acharnée, l'invitée n'allait guère se faire prier pour accepter cette porte ouverte vers sa liberté.

" Ah, mais je ne vous retiendrai pas davantage. C’est votre toute première visite à Eist’Shabal, n’est-ce pas ? Avez-vous eu la chance de visiter notre belle cité ? Si vous avez besoin d’un guide, je suis certaine de pouvoir vous trouver un galant jeune homme pour vous accompagner. L’hospitalité des gens d’Eist’Shabal est reconnue à travers notre continent. Que ce soit les grandes galeries d’arts, les grands temples du savoir ou même le quartier des roses et ses atours, il serait dommage que vous ne soyez venue que pour nous émerveiller sans nous laisser l’occasion de vous offrir la même.
 -  Madame, l'offre que vous me faites ici me ravie. Il est de fait que oui, je n'ai guère eut occasion de découvrir ni la cité, ni ce qu'elle abrite. J'imagine qu'à cette heure tardive les possibilités seront réduite, mais je vous prends au mot et accepterai avec grande joie d'obtenir quelque guide pouvant m'offrir la découverte nocturne de votre civilisation. "

Voilà, tout en douceur, ne pas sembler trop hâtive, simplement accepter avec la mine radieuse, car oui, elle en avait le plus grand besoin. Peut-être que le soudain naturel qu'elle présentait pourrait trouver une forme un peu trop déstabilisante de franchise, mais les précédents propos avaient prouvés que son interlocutrice aurait de toutes manières perçue ses éventuels manques de sincérité. Non, elle jouait simplement la carte de l'honnêteté, par ailleurs elle n'allait pas s'arrêter là, bien entendu. Après tout, elle avait déjà exposée en partie la frustration qui l'avait envahie et travaillée au corps précédemment, aussi se devait-elle de trouver quelques moyens d'y pallier. Alors, de son ton le plus doux, elle ne manqua pas d'abaisser son visage après sa précédente acceptation, et mains jointes devant ses cuisses, elle poursuivit avec déférence :

" À toute occasion par ailleurs, et parce que nous ne partons pas dès l'aube, j'aimerais savoir s'il vous est permis et possible de me laisser accéder à quelques bibliothèques ou académies où je saurais trouver la satisfaction de me plonger dans les ouvrages de votre culture. Si vous avez même conseils à me porter sur ceux qui sauraient être de prime nécessité pour que je puisse découvrir votre peuple et ses fondations, je serais honoré d'en recevoir l'apprentissage. "

Toute réponse gardée, leur entrevue sembla toucher à sa fin. Saluant dignement la femme et sa fille, Tojeï se permit une courbette plus masculine que féminine, manière de formuler à sa manière qu'elle était encore une fois non pas fille de noblesse en ces instants, mais bien une artiste accomplie qui répondait avant tout aux moeurs de son métier. Ainsi, les deux pourront la voir ployer en avant, une main rejoignant du bout des doigts la naissance de son épaule gauche, l'autre s'étendant à l'horizontal vers l'arrière de son corps, tandis qu'elle avance la jambe droite de la pointe de son escarpin. Somme toute une vision peu commune, une arme aussi, surtout pour les jeune fille en fleur qui, parfois, ne savent que donner émoi en voyant une autre femme se comporter avec l'audace des hommes. Tojeï ne pourrait savoir comment cela serait reçu en ces lieux, mais la marque de respect était là. Quand enfin elles se séparèrent ensuite, et de manière à ce que le potentiel guide de la directrice puisse la retrouver, l'artiste alla se placer sur un siège en fond de salle, s'y est assis calmement tout en offrant alors pleine liberté à son amie et garde du corps pour enfin répondre à l'appel de son ventre. Fuka ne lui répondit même pas, seul le grognement de son ventre tira à la violoncelliste un sourire amusé tandis qu'elle observa la démone fondre vers les plats les plus copieux des tablées.

Enfin, profitant du calme, elle ne parvint à s'empêcher de glisser sa main droite le long de sa hanche, y percevant alors la ligne fine de son stylet. La lame fine et délicate l'appelait de plus en plus, se maîtriser en devenait une torture. Elle allait attendre le repas de Fuka, mais si le guide ne se présentait pas d'ici à ce que celui-ci soit finit, elle s'éclipserait dans ses quartiers pour alors trouver la liberté d'une virée nocturne sous le signe de l'exaltation. Ce n'était rien de plus que l'ultime instant de patience, elle allait tenir... Elle allait tenir.

Serenos I Aeslingr

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Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 4 vendredi 17 janvier 2025, 02:54:56

-  Madame, l'offre que vous me faites ici me ravie. Il est de fait que oui, je n'ai guère eu occasion de découvrir ni la cité, ni ce qu'elle abrite. J'imagine qu'à cette heure tardive les possibilités seront réduite, mais je vous prends au mot et accepterai avec grande joie d'obtenir quelque guide pouvant m'offrir la découverte nocturne de votre civilisation. "

La directrice fut déstabilisée mais point choquée par le regain d’énergie de son invitée à son invitation à s’aventurer dans la cité ; elle aurait cru qu’il allait de soi qu’elle allait, en tant que son hôte, s’assurer qu’elle puisse s’imprégner de sa culture. Enfin, peut-être que ce n’était pas son cas, et qu’elle pensait réellement qu’elle serait consignée à résidence jusqu’à son départ ; certaines contrées ne se privaient pas pour se montrer peu chaleureuses envers les invités d’autres nations.

 Elle observa attentivement ses yeux brillants d’intelligence et, peut-être, de curiosité. Son visage se fendit sourire jovial indiquait une petite victoire personnelle en suscitant l’intérêt de la jeune femme pour l’ancienne cité. Elle se remémora les nombreuses fois où elle avait elle-même été captivée par les récits et secrets que recelait cette ville antique, espérant transmettre cette même fascination à son interlocutrice.

- Mademoiselle, je suis enchantée par votre enthousiasme, dit-elle de sa voix digne et claire. Permettez-moi de vous rassurer ; notre cité regorge de merveilles à toute heure du jour et de la nuit, et  un guide expérimenté, choisi par mes soins, vous attendra à la sortie du théâtre et se mettra à votre disposition pour vous mener à travers les rues de notre cité. Qui sait, cette soirée sera peut-être le prélude à une aventure inoubliable qui vous inspirera une nouvelle composition. Soyez assurée que vous serez en de bonnes mains et que chaque recoin de notre civilisation vous révélera ses secrets les plus enchanteurs.

Elle allait mettre fin à la conversation sur ces termes, quand les lèvres de la jeune femme laissaient passer une requête.

– À toute occasion, par ailleurs, et parce que nous ne partons pas dès l'aube, j'aimerais savoir s'il vous est permis et possible de me laisser accéder à quelques bibliothèques ou académies où je saurais trouver la satisfaction de me plonger dans les ouvrages de votre culture. Si vous avez même conseils à me porter sur ceux qui sauraient être de prime nécessité pour que je puisse découvrir votre peuple et ses fondations, je serais honoré d'en recevoir l'apprentissage.

– Mademoiselle, je suis outrée que vous aillez même à demander.

La directrice se tourna alors sur elle-même et, par l’une des grandes ouvertures du théâtre, indiqua un grand établissement, juste un peu plus au nord.

Au cœur de l'Académie, la Bibliothèque Royale de Meisa se dressait fièrement, une forteresse de savoir taillée dans la pierre noire. Ses murs, érigés avec soin, semblaient absorber la lumière environnante, créant un contraste saisissant avec les bâtiments alentour. La tour, véritable prouesse architecturale de cent quatre-vingt-dix-sept mètres de haut, projette son ombre imposante sur les ruelles animées du quartier académique. De larges fenêtres rondes, incrustées de verre d'obsidienne poli, captait la lumière du soleil et la propageait à l’intérieur, mais sans la concentrer, assurant que l’édifice n’était pas au risque de s’enflammer spontanément.

À regret, la directrice secoua doucement la tête.

– Malheureusement, mon invitée, l’heure tardive ne vous accordera pas une longue étude. Lorsque le soleil se couche, l’endroit y devient plus sombre que des souterrains, pour dissuader les jeunes étudiants d’y consacrer trop de temps et de perdre un sommeil réparateur au profit d’une étude prolongée. Je crois que seul son Altesse Royale utilise cet endroit après les heures, pour y méditer en paix, mais un mage tel que lui ne peut être indisposé par un manque de lumière. Ah ! Certainement, ma chère, si vous voyez un homme aveugle de bonne stature et d’une allure digne, noir de cheveux et aux yeux dorés, ayez la courtoisie de le saluer et de ne pas vous trouver en travers de son chemin. En dehors de la faute diplomatique que cela représenterait de barrer la route à un royal, on dit qu’il est protégé par sa magie et qu’un accident est vite arrivé. Je préfère qu’il ne vous arrive point malheur.

Dans les lois de l’hospitalité, il valait mieux être trop prudent mais assurer la sécurité de ses invités que de risquer un malheur par négligence.

– Vous pourrez donc visiter l’Académie et la Bibliothèque demain, à votre aise, et bien sûr, si votre escorte souhaite profiter également de sa journée, vous êtes libre d’aller et venir comme bon vous semble ; il n’est ici de danger que quelqu’un ne lève la main sur une invitée de la Directrice. Pour ce soir… je vous trouve votre guide.

À la courbette de la jeune femme, qui ressemblait à ce que la directrice avait vu être exercé par les hommes de Nexus et qui souleva donc quelques questions d’ordre culturel dans son esprit, la noble dame et sa fille répondirent par une révérence meisaenne, la première avec une main sur le cœur et une inclinaison respectueuse mais digne du tronc, et la seconde avec un geste plus coquet, fléchissant les genoux, une jambe vers l’arrière, une main sur le cœur et l’autre relevée, coude plié, et surtout, le regard droit vers la personne qu’elle saluait, avant de faire demi-tour sur elle-même, présentant son dos nu à la vue de leur invitée, et de partir avec sa mère.

Quelques minutes plus tard, alors que Tojeï profitait de sa libertée pour souffler tranquillement, un jeune homme l’approcha. Meisaen et asandr, il ne devait pas avoir plus d’une vingtaine d’années, manifestement jeune et manquant d’assurance. Ses yeux, comme ses lèvres pulpeuses, étaient noirs comme la nuit qui allait bientôt s’installer, tout comme ses cheveux, coiffés élégamment et tenus en place par une petite broche à cheveux en argent. Comme tout vêtement, il portait un tissu brodé passé autour de sa hanche, et ses pieds étaient adornés d’élégantes sandales. À ses chevilles et poignets étaient passés des bracelets sertis de gemme.

C’est avec une langue commune acceptable qu’il s’exprima à la jeune femme, avec un très, très lourd accent qui rendit la compréhension de celle-ci un peu plus difficile, mais pas impossible. Sa voix, cependant, miroitait sa jeunesse, mais également cette fâcheuse tendance des Meisaens de se confondre aisément avec leurs compatriotes féminines.

– Cet humble serviteur salue l’invitée de la directrice Aioren yrn Traïka. Mon nom est Ythaci. Il est mon devoir de vous guider où que vous désiriez aller dans la ville, dans la mesure des permissions accordées.

Tojeï d'Anthilie

Humain(e)

Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 5 lundi 20 janvier 2025, 19:18:43

Il est de fait que la possibilité de profiter de la soirée au calme, sans avoir la moitié du parterre qui vient quérir votre attention, est tout de suite une expérience bien plus agréable, offrant d'ailleurs à Tojeï ce petit faste de la vie qu'elle ne connaissait plus depuis bien longtemps. Non pas que les théâtres de Nexus ou d'autres capitales soient en manque de luxe et de belles personnalités, mais il y avait dans ce dîner d'honneur un ton riche et noble que l'artiste avait pris le coup de fuir normalement. Peut-être aurait-elle même cherchée à le faire ici aussi si elle avait été prévenue de la suite des opérations de la soirée, mais avec Ayatvili qui lui avait donné le minimum d'information requise pour cette représentation, sans parler de leur petite altercation précédent sa montée sur scène, il semble que les détails n'aient pas vraiment prit place dans leurs échanges. Ce n'était étonnement pas un mal, à sa plus grand surprise, étant donné que cette ambiance possédait un ton et une rigueur qui lui étaient réconfortante. Et puis bon, elle s'y trouvait désormais, autant être digne de son propre rôle temps qu'elle le pouvait, surtout que l'ensemble de ses sens étaient engagés dans un désir bien plus malsain et froid. Par chance pour l'assemblée, Tojeï était en partie calmée par les comportements de Fuka, la démone à la peau-rouge ayant visiblement à coeur de se servir goulûment dans les différents plats proposés, ce sans qu'aucune moeurs ou bon comportement ne l'empêche d'y mettre une pleine main pour attraper ce qui l'y intéresse. Origine d'un petit rire amusé pour l'artiste, tandis que les discussions avec son amie revenue manger auprès d'elle permirent de court-circuiter un peu son esprit.

Honnêtement, Tojeï crût toutefois devoir à un moment se préparer à une virée nocturne, étant donné que sa garde du corps était en train de garnir son assiette de dessert en saluant grossièrement tout ceux qui se devaient de lui laisser le passage entre les pêches rôties et les parts de flans aux figues des îles et lombres. Autant dire que d'ici une dizaine de minutes, elle quitterait ces lieux sans autres formes de procès, donc allait devoir s'éclipser bien moins légalement pour trouver enfin un moyen de rafraîchir son teint et son esprit. Toutefois, alors que Fuka lui faisait un signe au loin pour lui redemander une énième fois si elle ne souhaitait pas goûter quelque-chose, Tojeï entendit les pas lents qui se rapprochèrent d'elle, l'amenant à quitter la paume sur laquelle elle avait posée son menton pour tourner le visage vers ce nouvel arrivant. Un jeune homme, légèrement vêtu, aux traits délicats, à peine digne du tracé qu'un artiste ferait pour une ébauche. Si ce n'était pour la richesse de ses parures lui ceignant poignets et chevilles, il aurait tôt fait de passer aux yeux de l'artiste pour un simple grouillot, mais il lui semblait assez surprenant de voir des pierreries fines sur le corps d'un membre du peuple. Peut-être se trompait-elle, mais tandis que Fuka entamait de les rejoindre en boulottant ses acquisitions sur le trajet, ce nouveau-venu entama de lui parler avec un ton haché, prouvant quelques limites dans sa connaissances des langues extérieurs à sa contrée. Ce n'était pas l'artiste pour autant qui allait lui en faire une leçon, elle-même étant bien limitée vis-à-vis de la langue de Meïsa :

" Cet humble serviteur salue l’invitée de la directrice Aioren yrn Traïka. Mon nom est Ythaci. Il est mon devoir de vous guider où que vous désiriez aller dans la ville, dans la mesure des permissions accordées.
 -  Enchantée Ythaci, ravi de vous avoir pour pouvoir me permettre une première découverte de votre cité. Je vous prie toutefois de nous pardonner, ma garde du corps semble avoir eut un faible pour vos pâtisseries et je ne souhaites pas partir sans elle. "

Le jeune homme semblait maladroit, mais bon elle n'allait pas avoir besoin de bien plus pour se permettre une virée ne dehors de la cité. Une chose toutefois était sûre, il attisait beaucoup moins son désir de planter une lame dans le corps de quelqu'un que la jeune demoiselle de plus tôt, ce qui était un sérieux avantage : elle allait pouvoir se contenir jusqu'à trouver une victime convenable sans pour autant risquer de se mettre en danger par quelques malheureux instincts. Elle attendit poliment que Fuka les rejoigne tandis que cette dernière s'empiffrait maladroitement de tout ce qui se trouvait dans son assiette, laissant entrevoir des tâches de sucre sur le coin de ses lèvres, sans parler d'une belle marque de confiture sur le bout de son nez. Une fois les membres de cette belle assemblée derrière la garde du corps, donc que l'ensemble du groupe était réuni, Tojeï se redressa calmement de son siège en toute élégance présentée, puis se tourna vers son amie pour lui expliquer la suite des opérations. Une discussion qui ne connue que peu de réponses, étant donné que la démone écouta les termes de sa camarade en s'engouffrant un large choux dans le gosier, l'empêchant en grande partie de répondre.

" Fuka, je te présente Ythaci, il va nous faire visiter les environs pour la soirée. Ythaci, je vous présente Fuka. Soyez assuré qu'avec elle, nous ne connaîtrons guère de tristes surprises à l'extérieur des murs du théâtre.
 - 'Onfoi'w. "

Pas de faux-semblants avec la démone, la dame à la peau de sang avait très visiblement peu l'intention de se conformer à ce monde qu'on lui faisait découvrir par le biais du monde des arts. Ce n'est pas faute d'avoir été un peu préparée et entraînée par ses deux amies, mais Fuka trouvait juste cela bien trop contraignant et factice pour qu'elle s'y sente à l'aise. Contrairement aux deux autres membres de la Compagnie des Miracles qui ne juraient que par cela, mais qui du coup profitaient avec un plaisir évident la liberté de Fuka comme un moyen de se détendre face aux mondanités de la vie en grande société. Tojeï prit le temps de trouver dans un recoin de sa manche un délicat mouchoir qu'elle alla passer, un peu à bout de bras, sur le visage de son amie tandis qu'elle finissait de mâcher sa pâtisserie, puis d'un petit soupir le posa entre les mains de sa camarade avant de poursuivre :

" Nous allons bientôt nous mettre en marche, mais finis déjà ton assiette, et si tu le peux, passe par la loge pour éventuellement m'attraper quelque chose d'un brin plus chaud à me mettre sur le dos. Pas qu'il ne fasse froid, mais je préfère prévenir le moindre souci envisageable pour ne pas m'abîmer la gorge.
 -  Mnhhh, glumps... Ouais bien sûr, bien sûr, euh, besoin de quoi que ce soit d'autre ?
 -  Rien du tout Fuka, merci beaucoup. Ce jeune homme et moi-même t'attendons à l'entrée, à tout de suite. "

Une tape délicate sur l'épaule de sa camarade et la voilà qui quitte sa chaise pour faire signe à leur guide de bien vouloir l'accompagner plus loin. Sortir de la salle de banquet, prendre les quelques couloirs qui permettent d'atteindre le rez-de-chaussée, puis même s'élancer par delà les grandes portes n'étaient pas en soi un trajet pour lequel elle avait besoin de direction, mais elle allait profiter de ce court instant pour en apprendre un peu plus sur le jeune homme. Certains trouveraient cela rabaissant que de connaître et s'intéresser à un simple guide, tout du moins pour la noblesse de certains pays. Pour Tojeï, il était surtout question de cerner un peu mieux les traits de caractères de celui qui allait lui offrir ce petit tour nocturne de la cité. Après tout, si elle se devait de lui fausser compagnie à un moment, mieux valait s'assurer de comment il se comporterait après coup. Le plus agréable serait une sincère et profonde lâcheté, de celle que la peur fait ressortir à tout jamais, et quoi de mieux pour chercher à percevoir tout cela qu'en questionnant ce damoiseau, de manière plus ou moins sibylline :

" Alors jeune homme, prenons le temps de nous connaître. Êtes vous originaire d'Eist'Shabal ? Comment me décririez vous cette ville en premier lieu ? Oh, avez vous fait partie du public durant la soirée par ailleurs ? "

Serenos I Aeslingr

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Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 6 mardi 21 janvier 2025, 06:24:41

Les pâtisseries Meisaennes étaient souvent remarquablement sucrées. En effet, là où le continent avait l’érable ou la canne à sucres ou encore la betterave sucrière, Meisa avait sa propre plante à sucre, le palìn. Et le sucre de palìn était une substance qui, bien que sucrée, était surtout reconnue pour ses effets aphrodisiaques. À une époque, les pâtisseries, les confitures, les crèmes et les sauces sucrées étaient toutes considérées comme, principalement, des aliments à consommer en couple, ou entre amis appréciés. Ce n’est pas forcément considéré comme une drogue, car contrairement aux substances qualifiées de ‘philtre d’amour’, ces aliments sucrés ne forçaient pas un geste compulsif, et donc résister à l’effet aphrodisiaque était tout à fait possible. Mais, ce sont les recherches de Monsieur de la Guirayn qui, en 3011, avait découvert qu’il était possible, en changement très légèrement le procédé de préparation, de supprimer l’effet aphrodisiaque et ainsi permettre sa consommation à simple titre de gâterie sucrée.

Autrement dit, ce que Fuka venait de s’enfourner dans la bouche, si elle avait visité avant 3011, aurait été suffisant pour lui donner de furieuses envies. Une pensée que, malheureusement, Ythaci ne put s’empêcher d’avoir en la voyant gober, à l’image d’un serpent, un beignet fourré à la crème fraîche et à la confiture qui, à cette époque, l’aurait peut-être poussée à regarder tous les jeunes damoiseaux et damoiselles qui lui passaient sous le nez en se voyant incapable de humer leur parfum.

La requête de la jeune étrangère de se voir munie d’une couche supplémentaire de vêtement surpris quelque peu le Meisaen, qui s’abstint, bien entendu, de le laisser paraître ; il serait malvenu pour un serviteur, un guide, de se laisser aller à une extravagance telle que critiquer ou reprendre une invitée de marque. Cependant, les températures de Meisa étaient si clémentes, encore plus dans la cité, que la plupart des gens cherchaient plutôt un moyen de se départir de leurs vêtements, et les étrangers trouvaient souvent d’étranges stratagèmes pour conserver une pudeur étrangère au peuple local, qui ne partageaient pas avec eux cette idée, loufoque, que le corps est une chose de désir, une chose malsaine qui se doit d’être caché.

Comme exigé par sa cliente, le guide l’escorta en direction de l’entrée du théâtre, où ils attendirent la gardienne protectrice de celle dont il avait également la charge. Elle lui posa alors quelques questions, auxquelles le jeune homme ne tarda pas de répondre, n’ayant pas l’habitude, dans son service à la clientèle, de faire silence à ceux qu’il accompagnait, ce qui serait, de toute façon, une règle de l’hospitalité foncièrement enfreinte. En voici la première, qu’elle lui adressa avec un ton fort poli à son oreille :

– Alors jeune homme, prenons le temps de nous connaître. Êtes-vous originaire d'Eist'Shabal ?

Le garçon, les mains sagement jointes devant lui, porta son regard noir comme nuit vers la jeune étrangère, et s’éclaircit la voix avant de répondre :

– Je suis effectivement né à Eist’Shabal, mademoiselle. J’y ai passé la plus grande partie de ma vie, et j’y ai également fait mes études, et je compte y faire mon service militaire quand l’heure viendra.

La seconde question suivit, presque l’instant suivant de celui où il eut fermé la bouche.

– Comment me décririez-vous cette ville en premier lieu ?

En voilà une question qui était difficile de répondre sans avoir vraiment mis le nez hors de la cité, mais ce n’est pas pour autant que le jeune homme allait laisser son invitée sans réponse. Il prit quelques instants pour collecter ses pensées, et chercher une formulation pour les exprimer, son front se plissant un peu alors qu’il sombrait dans une réflexion.

– Hm… fit-il en portant le doigt à son menton. Décrire Eist’Shabal… eh bien, objectivement, c’est une ville très ancienne, si ce n’est l’une des plus vieilles de l’époque moderne. Construite il y a plus de six mille ans, elle tient toujours debout. Certains attribuent ce miracle au fait que le peuple de Meisa aurait toujours été le même, et que nul pouvoir étranger ne s’eusse jamais enfoncé suffisamment profondément dans le territoire de nos ancêtres pour en briser les murs et en ravager les maisons ou les fortifications. Les Meisaens voient Eist’Shabal comme le symbole même de leur persévérance, de leur résilience, de leur talent martial et de leur –pardonnez cet élan de superstition– bénédiction.

Et finalement, une dernière question lui vint :

– Oh, avez-vous fait partie du public durant la soirée par ailleurs ?

Devant la question, le garçon ne put réfréner un rougissement qui lui monta jusqu’aux oreilles, sachant qu’il était quand même en présence d’une personne reconnue.

– Malheureusement, non. Seuls les académiciens y étaient invités, sinon, les loges de la noblesse. Mais j’ai entendu des bribes de l’extérieur.

Ce n’était pas que Meisa ne permettait pas de mélanger les classes, loin de là, même que, beaucoup plus que partout ailleurs, les classes sociales étaient promptes à se mélanger, surtout lorsque les succès d’une gens du peuple se fait suffisamment remarquer pour attirer l’attention de la haute société. Le mérite, beaucoup plus que le sang, faisait office de noblesse, et la plupart des familles nobles actuelles étaient en fonction depuis moins d’un siècle, et descendaient de gens qui s’étaient démarqués dans les différents grands arts ; les beaux arts, la diplomatie, la guerre ou les finances. Parfois, des grands élans de noblesse, de générosité ou de charité suffisait à assurer la reconnaissance du peuple et l’élévation d’un individu.

Une fois Fuka de retour avec les biens de la jeune musicienne, Ythaci  invita les jeunes femmes à le suivre, joignant les mains dans son dos nu, et marchant avec une démarche élégante et distinguée, ses pieds nus caressant légèrement le sol à chaque pas, le quittant le plus brièvement possible. Une habitude des meisaens pour éviter de trébucher, ou de se prendre un objet étranger dans le pied.

Après quelques moments, plutôt que de marcher dans les ruelles qui les avaient menées jusqu’à l’académie, le jeune homme les emmena vers les Galeries, les tunnels souterrains de la ville, et jeta un coup d’œil vers Tojeï et sa compagne.

– Si je puis vous demander… qu’aimeriez-vous visiter en premier ? Le Quartier des Roses ? La place des Arts ? Le marché ? Le Grand Pont ? Il y a aussi le Jardin des Cent-Perdus, qui est absolument magnifique à ce moment de l’année.

Tojeï d'Anthilie

Humain(e)

Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 7 vendredi 24 janvier 2025, 22:01:30

Tojeï se permit la pleine concentration pour ouïr les réponses de celui qui s'apprêtait à la guider à l'intérieur de l'impressionnante cité de Meisa. Il était de fait que si sa prime curiosité trouvait avant toute chose un besoin de connaître un peu plus la personne à laquelle elle allait devoir fausser compagnie à un moment de la soirée, ce n'était pas pour autant que ce qu'il exprimait ne pouvait pas non plus lui permettre d'avoir un premier regard sur la population de cette contrée. Le fait qu'il réponde à sa première question en mentionnant non seulement ses études mais aussi son désir de faire son service militaire dès lors qu'il en aurait le droit ne manqua pas de faire remarquer à la dame monochrome une incongruité. Soit les études sont particulièrement longues en ce pays, soit l'âge de recrutement pour les forces militaires est relativement élevé, pour des raisons d'ailleurs que l'artiste cherchait tout naturellement à comprendre. Après tout, il était bien plus facile d'endoctriner les jeunes hommes que de leur laisser la maturité de pouvoir prendre conscience de leurs actes et de la responsabilité qui leur incombera s'ils viennent à définitivement faire partie de l'armée. Peut-être était-ce simplement un choix d'éthique, ou une volonté de s'assurer des troupes fidèles en ne prenant que ceux qui ont les épaules de faire face à leurs actes et devoirs ? Cela la laissait avec plus de questions que de réponses, mais elle aura sûrement le moyen d'en trouver les racines dans leurs légendes et mythes une fois qu'on lui permettra enfin de se diriger en direction de l'académie pour étancher sa soif de savoir.

La seconde question quant à elle fut autrement plus probante en terme d'informations, non seulement sur la pensée générale du peuple, mais surtout sur le degré de fierté patriotique qui émana immédiatement du jeune homme tandis qu'il offrait un maximum de détail à l'artiste. Il n'est jamais un pays sans un peu de mysticisme légitimant les valeurs phares de sa société, mais le fait qu'un cadet se soit ainsi projeté pour mieux présenter son domaine à une parfaite étrangère avait le don de faire sourire intérieurement Tojeï. Il commençait à ressembler à un certain "poussin" qu'elle avait déjà vue plus tôt. Elle n'en fit pas mine, gardant son ton de glace et son air digne, mais la faim recommençait à lui tirailler les entrailles. En tout cas il était d'une certaine évidence que le damoiseau avait clairement mis en avant un avis non pas personnel mais populaire, quelque chose qui lui plaisait et qu'elle aurait grand plaisir à tester plus tard avec d'autres personnalités. Vint enfin son ultime question alors qu'ils se trouvaient tout deux dans le grand hall précédent les portes extérieures, un propos qui lui permit à l'occasion de constater la gêne du jeune homme face à son manque de présence complètement indépendant de sa propre volonté. Un garçon rigoureux visiblement, s'étant tenu à écouter à la porte plutôt que de profiter des ténèbres des lieux pour se glisser et contempler le spectacle. Son sadisme naturel aurait bien pût la pousser à aller le chercher sur son apparent rougissement, tout comme ses bonnes moeurs face à l'interdit, mais elle n'alla pas plus loin pour une raison bien terne : Elle entendit les pas précipités de sa camarade qui débarquait du couloir menant aux loges, déclarant dès lors la fin de cette petite discussion de passage.

" Ah, merci Fuka. Ythaci, nous vous suivons. "

Ne s'épanchant guère, Tojeï entreprit de se vêtir du manteau simplement pour se couper du vent du soir. Après tout, il n'était là que précaution pour ne pas potentiellement endommager sa gorge ou sa voix, deux des outils cruciaux de son travail, aussi elle n'eut guère de grande réaction quand elle remarqua dès la première rue que les autochtones semblaient porter à sa tenue un regard surpris, presque inquiet pour certains. Non, elle n'était pas d'ici, et si l'on dit traditionnellement qu'il est de bon ton de se comporter comme un membre du pays quand on le visite, l'artiste ne voulait guère se permettre le moindre risque pour le simple respect d'un adage. Fuka, elle, s'était glissée dans le dos de Tojeï, se contentait de la suivre avec un brin de vigilance et deux brins de curiosité enfantine, se permettant de contempler avec grande joie l'ensemble des structures environnantes. Satisfaction de l'esprit intéressé, les particularités de l'architecture de Meisa, le type de tenues qu'ils portaient, la légèreté naturelle des tissus, non sans parler des odeurs de nourriture s'étant glissées dans les rues à la suite de la préparation des repas familiaux ne manquaient pas de saturer l'esprit de la démone d'une furieuse envie de flâner. Sûrement que son amie et patronne aurait été de bien égal accord en d'autres temps, mais la femme à la peau sanguine avait clairement remarquée que l'artiste semblait tendue, insatisfaite, contrite. Fuka espérait simplement que ce petit tour à l'extérieur, dans l'air relativement frais du soir, serait suffisant pour que Tojeï puisse enfin oublier ses batailles avec Ayatvili et puisse enfin passer à autre chose, sans se douter que c'était un poison bien plus violent qui parcourait l'esprit de son amie.

" Si je puis vous demander… qu’aimeriez-vous visiter en premier ? Le Quartier des Roses ? La place des Arts ? Le marché ? Le Grand Pont ? Il y a aussi le Jardin des Cent-Perdus, qui est absolument magnifique à ce moment de l’année. "

La question, jetée alors que les deux femmes parcouraient les rues tranquillement en se laissant lentement inspirer par l'univers singulier de la cité Meisaïenne, ne manqua pas de rencontrer une mine composée du côté de Tojeï, presque paniquée du côté de la démone qui venait de se faire tirer de ses rêveries. Un court flottement fut la première réponse qu'obtint leur guide, puis l'artiste se tourna assez lentement en direction de son amie, ne manquant pas de ponctuer ce qu'elle s'apprêtait à dire d'un petit sourire amusé, plein de bienveillance envers sa garde du corps.

" Eh bien Fuka, qu'est-ce qui t'intéresserais le plus ?
 -  Hey, c'est pas sympa de me refiler la patate chaude !
 -  Allons, je suis sûre que ton choix sera le bon. Tu as juste à choisir, mais vite, regarde notre guide s'impatiente déjà.
 -  Ooooh c'est bon, c'est bon ... Hum, le marché m'intriguerais bien, le jardin des Saints-Pères aussi. "

La démone ne comprit pas ce qui fit ricaner son amie, qui sembla soudainement se retourner vers le jeune damoiseau avec une mine bien moins renfrognée que plus tôt. Ce n'est qu'une fois qu'elle l'entendit s'exprimer que Fuka put comprendre qu'elle avait visiblement écorchée l'un des noms, à son grand malheur, l'amenant immédiatement à bouger les mains nerveusement comme pour signifier qu'elle était désolée, non sans pour autant réussir à l'exprimer clairement. Bourrique de Tojeï, elle lui passera un savon une fois qu'elles seront rentrée pour l'avoir ainsi poussée contre un mur pour mieux la pousser à la faute ! C'était évident qu'elle l'avait fait exprès, encore plus quand elle aperçut le visage de celle qu'elle se devait de protéger se retourner vers elle avec un sourire régalien sur le visage, celui de la vilénie parfaitement accomplie pour mieux la déstabiliser.

" Vous l'avez entendue Ythaci, commençons donc par le marché, puis nous serons ravies de découvrir ce jardin des Cents-Perdues juste après. "

L'échange de regard qui s'ensuivit entre les deux femmes pouvaient sûrement être lisible même pour le guide. Un mélange de "je t'ai bien eu" et de "ce ne seras pas oublié", avec peut-être quelques noms d'oiseaux au milieu. Une relation particulière entre une employée et sa patronne, c'était un fait, mais le simple fait de voir comment l'une et l'autre se comportaient plus tôt à la salle du banquet laissait déjà entendre que l'ensemble de leur relation n'était pas que celle d'un contrat signé. En revanche, impossible de remarquer la chaleur que la démone ressentait sur ses joues face à la gêne d'avoir écorchée le nom d'un lieu populaire et visiblement estimé par la population, tandis que Tojeï profitait de la taquinerie pour enfin montrer un peu de sa joie impatiente d'enfin se trouver dans un milieu suffisamment bondé pour pouvoir trouver une fenêtre d'action à la libération de ses pulsions. Un moyen de lâcher la bride pour qu'il ne soit pas trop curieux de la voir ricaner de bon coeur, sans pour autant aller suffisamment loin pour que son sourire se transforme en une grimace cruelle et que ses yeux s'allument d'une pulsion à glacer le sang. Après tout, tandis qu'ils se déplaçaient au milieu des rues, elle avait prit soin de glisser son stylet de sa cachette, l'avait obligé à quitter son flanc pour alors l'emporter jusqu'au creux de ses manches, lui permettant donc de le sortir à tout instant. Entre ses réflexes et l'outil de ses désirs dévorants, elle pourrait déjà satisfaire son besoin, mais se devait de se contenir : Se hâter pouvait la mettre dans un bel embarras, alors qu'un brin de patience, d'ultime retenue, pouvait lui permettre de trouver la cible idéale, de potentiellement provoquer d'elle-même la rencontre bénie.

Fuka avait choisie le marché, c'était parfait en soi. S'ils se trouvaient bientôt dans un milieu en pleine activité, elle agirait. La première oeillade un peu insistante, le premier signe d'un intérêt trop important en sa personne... Et elle offrirait d'elle-même un couloir jusqu'à sa personne, tout en préparant son aiguillon.

Serenos I Aeslingr

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Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 8 vendredi 31 janvier 2025, 00:52:07

En bon serviteur qui connaissait sa place et son rôle, Ythaci s’inclina poliment à la requête de ces femmes étrangères avec une révérence qui, dans les sociétés autres que meisaennes, aurait été peut-être vue comme exagérée ou trop servile pour un homme libre, sa tête se retrouvant si bas que ses longs cheveux noirs manquèrent presque de toucher le sol, avant qu’il ne se redresse avec un mouvement élégant, superbe même, qui aurait assurément fort embarrassé même les plus habiles gymnastes et danseuses du continent. En effet, ces hommes de Meisa, tout comme les femmes, étaient surhumainement graciles, ou du moins les jeunes semblaient l’être, car d’autres hommes, musclés par une vie où l’effort physique est constant, que ce soit le travail ou la guerre, ne semblaient pas partager cette souplesse.

Le regard, pourtant peu discrets de ces jeunes femmes, cependant, laissèrent leur éphèbe de guide de marbre, car tout fin observateur qu’il était, accoutumé à déchiffrer les attentes d’autrui dans leur langage corporel, il ne leur était pas assez intime pour pouvoir deviner la source de l’excitation de Tojeï au jet d’un simple regard inquisiteur, et n’étant pas magicien, les portes de l’esprit mauvais de la musicienne étrangère, si elle n’était pas elle-même protégée par quelque procédé magique, lui étaient invisibles et impénétrables. Il leur signala, d’une voix claire, qu’il serait honoré de leur faire visiter le marché, et leur promit, avec une certaine assurance, que cette visite serait fort intéressante.

Et si Tojeï pouvait se permettre de relâcher son attention de sa préoccupation principale, que le jeune meisaen ne put deviner, elle put profiter de cette visite et remarquer ainsi que le garçon disait vrai. Le Marché d’Eist’Shabal était particulièrement énorme, occupant l’une des grandes artères de la ville qu’il scindait presque en deux. Bondé de monde, même à cette heure tardive, on l’y voyait de tout ; des marchands vendant leurs produits, certes, des boutiques, tout pareil, mais également des riches et des moins riches, nobles ou n’ayant aucun sang bleu dans les veines, qui se côtoyaient sans se juger et encore moins se distancer. Entre les passants, des musiciens et des danseurs faisaient leur spectacle, espérant soutirer aux passants quelque sou pour leur prochaine pitance, se mouvant dans la foule sans même s’interrompre, comme si toute la civilisation Meisaenne, fort habituée à ces manifestations, faisait même parti de ce spectacle et y respectait son rôle.

Alors qu’ils se déplaçaient dans le marché, le jeune Ythaci s’avançait devant les jeunes femmes et, sans même regarder derrière lui pour s’assurer qu’elles le suivaient toujours, semblait instinctivement ressentir leur mouvement, car se calquant sur les mouvements de la foule pour ne pas les perdre et continuer de les guider. En bon guide, il les invita à goûter aux mets vendus de chaque côté du grand boulevard. Des brochettes d’une viande exquise trempée dans une sauce onctueuse, des fruits grillés à feu ouvert aux saveurs alcoolisées, un vin piquant à la saveur d’un sirop. Ah, certes, des mets délicieux.

Mais alors que le trio s’avançant dans la foule qu’ils rencontrèrent l’un de ces groupes de danseurs urbains qui se mouvaient parmi le peuple. Les voyant s’approcher, et sachant que ses invitées ne savaient pas comment réagir à leur approche, le guide tâcha de les emmener hors de la trajectoire de ces belles gens, mais il ne fut pas assez rapide, car la cantatrice du groupe, qui n’avait pas eu le temps requis pour ajuster sa course, se retrouva nez à nez avec la pauvre Tojeï qui fut malencontreusement percutée. La chanteuse fut déstabilisée par cet impact, qui mit fin à son chant, et elle tomba sur le sol.

L’inconnue secoua vivement la tête, comme pour reprendre ses esprits, puis leva les yeux vers l’étrangère qu’elle avait ainsi attaquée, et se releva lentement.

– Veuillez me pardonner, dit-elle avec un accent fort prononcé, ses joues brunes devenant un brin plus foncées alors qu’elle rougissait. Entrainée dans notre démonstration, je n’ai guère vue où je m’engageais. Rassurez-moi, je vous prie, et assurez-moi que vous n’êtes point blessée ou choquée, ô ma Dame.

Le ton de la jeune cantatrice, qui devait être environ du même âge que Tojeï elle-même, si elle avait été bénie également de la longévité Meisaenne, était on ne peut plus courtois, et à son regard insistant, on pouvait deviner qu’elle serait fort aise de trouver une façon de se faire pardonner de son offense, si offense il y avait. Fort peu vêtue, comme la plupart des femmes de sa culture, sa poitrine était cachée sous deux longues mèches de cheveux, noires comme la nuit et aux boucles joueuses. Son nez, fin et élégant, était légèrement rougi d’embarras, comme ses joues, et tacheté de petites tâches de rousseur, malgré l’absence de cheveux roux. Seuls ses iris, aux couleurs brunes et vertes mélangées dans une teinte étrange, laissait savoir qu’elle n’était peut-être pas purement Meisaenne, qui avaient l’habitude d’avoir les yeux ou noirs ou bruns

Tojeï d'Anthilie

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Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 9 mardi 04 février 2025, 16:54:49

Leur jeune guide ne sembla pas vouloir faire mine de commenter le petit jeu des deux femmes, se contentant de leur assurer le plein divertissement de leur future escale tout en les menant au travers des rues jusqu'au sublime marché de la cité. Fuka rêvait déjà des denrées qu'elle pourrait y trouver, le simple banquet précédent n'ayant visiblement pas donner le coup de grâce à son appétit naturel, tandis que Tojeï se projetait déjà sur la présence humaine des lieux, son appétence macabre connaissant désormais un à-pic qu'elle n'était plus en capacité de réprimer. Le chemin fut un tantinet longuet pour les deux femmes toutefois, l'anticipation des deux pour ce nouveau décor n'ayant que peu don de calmer leurs désirs maladroits, mais chacune fit bonne figure pour ne pas alourdir un peu plus les épaules d'Ythaci de la masse de leurs désirs nombreux. Tout au plus se permirent-elles chacune de profiter de la balade à la mesure de ce qu'elle pouvait, se contentant des douces fragrances de la cuisine meisaïenne ainsi que des doux vents de la soirées, seul présence apaisante dans ce territoire où la chaleur semblait être reine, de jour comme de nuit. L'artiste commençait à trouver une compagnie moins agréable en son manteau, mais elle ne pouvait encore le quitter, ne serait-ce que pour mieux dissimuler ce qui, sous ses beaux atours, semblaient n'attendre que le bon moment pour fondre dans la chair de quelques bienheureux inconscients. Elle prit donc son mal en patience, ne se laissa pas convaincre encore de la nécessité de se découvrir, se gorgea seulement de satisfaction en entendant, au loin, le brouhaha graduel du marché se révéler entre les rues tortueuses de la cité antique.

Puis la lumière et les chants, les marcheurs et les marchants. L'ensemble d'un axe principal encore gavé à cette heure tardive de la présence humaine qui se révéla aux yeux des deux femmes, leur guide lui semblant tout-à-fait imperturbable face à cette démonstration d'activité nocturne. Il faut dire que le spectacle en valait effectivement le coup d'oeil, un lieu aussi intensément peuplé, sans distinction de richesse ou de nature, c'était une vision qui méritait très clairement d'être contemplée. Autant dire que de prime abord, il fallut un court instant pour que les deux étrangères s'y habituent, mais face à l'agilité ophidienne d'Ythaci, qui lui sembla s'engouffrer au milieu de ce peuple sans jamais connaître la moindre difficulté, elle n'eurent d'autre choix que de lui emboîter le pas pour éviter de le perdre définitivement. D'ailleurs, fort fut de constater que ce damoiseau leur offrait par ses mouvements un trajet optimal, le suivre permettant à l'artiste et sa garde du corps de pouvoir louvoyer entre les groupes et les étals sans jamais connaître de murs infranchissables ou de groupes trop dense pour être esquivés. Tojeï se fit une petite note de le remercier le moment-venu pour l'excellence de ses mouvements, puis entama de suivre le petit groupe dans un état second, silencieux. Fuka quant à elle abandonna toute contenance, opérant d'ailleurs d'un bond pour rejoindre les abords d'Ythaci tout en le questionnant sur les installations du marché et l'origine des divines fragrances qu'elle pouvait humer depuis leur arrivée dans ce boulevard noir de monde. Au jeune homme alors de suivre l'engouement de la démone, la femme au corps couleur sang l'emportant avec elle vers plusieurs présentoirs afin d'en apprendre un peu plus sur les marchandises tout en déboursant sa solde dans toute nourriture lui semblant intéressante gustativement.

Ce qui se résuma par ailleurs à l'ensemble des boutiques qu'ils rencontrèrent !

" Deux brochettes s'il-vous-plaît ! Oh et si vous pouvez me mettre un de ces pains fourrés là ! Oui merci, parfait. Allez p'tit gars, on passe à la suite ! "

Pas loin de prendre le jeune homme à bras-le-corps pour pouvoir l'emporter là où elle le désirait, la puissante garde du corps se permettait d'agir librement, son engouement ayant pour le coup pas mal dépassé son devoir et ses bons comportements de femme digne et solennel. Ce n'était en aucun cas un souci pour Tojeï, même elle appréciait ce naturel pétulant chez son amie, surtout que dans l'actuelle situation, cela lui permettait de ne pas avoir à se focaliser sur l'attention d'Ythaci, ce dernier ayant sûrement déjà bien du mal à ne pas se faire emporter par le rythme de Fuka. Il remontèrent donc tout trois la rue, bien lentement, tandis que l'artiste se glissait sans un mot entre les carrures biens diverses de ce peuple naturellement endurci par le climat et les arts. Elle observait les démonstrations populaires avec un air absent, analysait ceux qui l'approchaient avec un ton froid, commençait lentement à ne plus ouïr le moindre son, à ne plus humer la moindre nourriture. Ses sens engourdis par la soif de sang, par le désir macabre de finalement la délester de tout ses tracas, son esprit se focalisait sur l'essentiel : Trouver ce qui accueillera son aiguillon en son sein. Ses pas la muèrent à la suite de ses deux accompagnateurs, d'abord pour atteindre un premier étal, puis un second, un troisième encore. Ce n'est qu'à la quatrième traversée qu'elle perçut enfin l'instant parfait, le moment de gloire exaltante qu'elle attendait depuis si longtemps.

Elle se glissa dans l'entrouverture de foule produite par les deux autres membres de leur excursion nocturne, mais se décala un tout petit peu sur la droite. Par ce malheureux faux-pas, Tojeï se trouva un court instant devant un titanesque guerrier qui ne manqua pas de s'arrêter, obligeant la jeune femme à le contourner dans une petite pirouette hâtive, volontairement maladroite, comme prise au dépourvue. Mais voilà rien de plus qu'un mouvement de pure comédie : se glissant en arrière avant de contourner l'homme dans le même élan, elle tira son aiguillon pour mieux le planter dans le flanc d'un pauvre hère solitaire, visiblement en train de manger une lombre tout en observant un spectacle. La lame pointue et aiguisée traversa entre les côtes, déchirant une partie du diaphragme pour aller se loger en plein poumon. Opérant un coup de poignet dans la fin de son mouvement, Tojeï brisa la base de cette lame d'assassin, laissant un joli cadeau dans le corps de cet homme avant de reprendre tout naturellement sa route, s'excusant poliment auprès du guerrier qui ne sembla pas plus lui témoigner d'intérêt. Un frisson la parcourut. Extase d'un instant, saturation de ses sens tandis qu'elle entendait un léger bruit de suffocation derrière elle, l'artiste glissa le manche de son arme rompue dans une poche intérieure de son manteau, son autre main se glissant à sa joue pour chercher à calmer un second frisson qui lui montait à l'échine. Ce n'était pas le moment, aussi délicieux celui-ci pouvait se trouver, de laisser ses traits exprimer l'infini satisfaction qu'elle ressentait. De toutes manières, quelque-chose d'autres la rencontra en cet instant, la projetant en arrière sans même qu'elle n'en comprenne la raison.

Situation fort étrange, captant Tojeï dans un état second où elle ne pouvait faire attention à ses alentours, voilà que l'artiste échoue au sol à peu près au même rythme qu'une autre dame, elle-même se demandant sûrement ce que faisait cette étrangère sur le chemin. La violoncelliste eut un peu de mal à redescendre du petit nuage où elle était montée, mettant de longues secondes à comprendre ce qu'il s'était déroulé quand elle vit apparaître un délicat minois devant elle. Ce n'est d'ailleurs qu'une fois quelques mots délicats et sincères abandonnés à son oreille distraite qu'enfin la demoiselle monochrome retrouva pleinement ses esprits, se redressant avec grande gêne pour enfin se tenir droite en face de cette charmante ... et dévoilée demoiselle.

" Oh non non, je vous en prie, j'ai moi-même manquée de vigilance en n'ayant su remarquer votre approche. Toutes mes excuses à vous et votre troupe, je ne voulais point gêner votre représentation.
 -  Hep, Tojeï ! Tojeï, tout va bien ? "

L'agitation avait mené Fuka à observer ce qu'il se passait derrière elle, remarquant bien assurément l'absence de Tojeï de son champ de vision, l'enjoignant immédiatement à faire marche arrière pour retrouver sa camarade de tout les jours et patronne. L'artiste, elle, ne manqua pas d'entendre d'autres discussions derrière elle, l'alarmant immédiatement en percevant que quelques personnes remarquaient qu'un spectateur plus loin dans le public s'était écroulé soudainement. Rester dans les environs était synonyme de problèmes, l'euphorie de Tojeï retombant immédiatement pour la rappeler à de plus froids et salvateurs instincts. Elle se tourna vers Fuka en faisant un grand geste de la main pour la rassurer, puis s'intéressa immédiatement de nouveau à la cantatrice de la troupe populaire :

" Oui, tout vas bien ne t'en fais pas Fuka. Puis s'adressant à la demoiselle aux joues délicatement teintées de gêne : Encore pardon, je ne suis pas blessée n'ayez crainte, mais peut-être puis-je vous inviter un instant hors de la foule, ne serait-ce que pour vous dédommager de l'erreur que j'ai commise ? "

Serenos I Aeslingr

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Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 10 dimanche 16 février 2025, 06:16:18

Aedros Vel’Saïm avait écrit, dans son traité philosophique « L’Ordre du Sang Versé », que le meurtre sans fondement était l’un des actes les plus odieux qui puisse être commis, en dehors de la torture. Il avait d’ailleurs décrit comment, dans une société qui pourtant n’interdisait pas les duels à mort, les exécutions civiles et même les vendettas, il était impensable qu’une personne voit le meurtre comme un acte qui puisse être exercé impulsivement.

Mais cela découle de ce que les Meisaens voient comme un accord de principe dans l’exercice de la mort. Par exemple, dans un duel à mort, chaque participant accepte consciemment et sciemment l’éventualité qu’un d’entre eux, voire les deux, perdent la vie. Ce n’est pas un meurtre, car chaque participant a une chance de s’en tirer, et ce malgré certains désavantages ; même le plus petit homme peut abattre un géant, ne serait-ce qu’avec une technique supérieure et un savoir-faire martial conséquent. Les vendettas, pour leur part, sont une conséquence à un tort commis dans un monde où les réparations financières ne peuvent pas toujours rembourser une dette ; l’or ne coule pas comme le sang, et il est bien rare qu’un fermier puisse obtenir réparation de la corruption d’un juge. Une exécution injuste, par exemple, infligée déraisonnablement sur un innocent ou sur une personne n’ayant pas commis un crime suffisamment grave pour justifier la peine capitale, peut effectivement constituer une raison justifiée pour un simple homme de le poursuivre de ses néfastes intentions.

Après, il faut dire qu’Aedros Vel’Saïm, militaire de carrière à la base, avait à son actif plus de trente duels, avait échappé à douze tentatives d’assassinats, et qu’il avait été juge, et donc il avait une relation toute particulière avec la mort et son application. Pour certains, c’était un guerrier et un philosophe, pour d’autres, il n’était rien de plus, ou de moins, qu’un produit de cette même violence qu’il prétendait encadrer.

Alors, pourquoi avons-nous fait une dissertation sur les écrits et le passé d’Aedros Vel’Saïm alors qu’il n’a absolument rien à voir avec ce qui vient de se passer ?

Eh bien, c’est que lorsque Vaëthos Iskander, un guerrier de la 18e légion, un homme qui avait encore dans le corps une force de vie qui aurait dû le mener à une longue et fructueuse carrière au sein de l’armée du royaume, frappa le sol de son énorme masse après s’être soudainement pris d’une difficulté respiratoire, et sachant pertinemment qu’il n’avait pas avalé un os de poulet, il tenta de localiser la personne responsable de son état, et fort décidé à lui déclarer une vendetta sanglante, mais il ne parvint même pas à se relever. L’instant d’après, il était mort. Un cri s’éleva, des bras se tendirent vers lui, ses compagnons d’armes accoururent, sa famille se précipita, son jeune époux, un homme fier et aimant, se jeta à genoux à ses côtés, ses mains tremblantes cherchant désespérément à raviver la flamme qui, il y a encore un instant, brûlait avec tant d’intensité dans ce corps puissant. Mais il était trop tard. L’instant d’après, Vaëthos Iskander, l’indomptable, le colosse, l’homme dont on disait que la mort elle-même reculerait devant lui, gisait inerte, son souffle éteint, son regard figé dans une dernière interrogation muette. Alors, son époux, le voyant ainsi brisé, vaincu non par le fer ni par le feu, mais par un mal sournois et invisible, leva les yeux vers le ciel et poussa un rugissement – un cri de rage, de douleur, de perte – si puissant, si déchirant, qu’il fendit l’air comme une lame et se propagea dans toute la place du marché, rebondissant contre les façades, se glissant entre les étals, faisant frémir jusqu’aux âmes les plus endurcies, et glaçant le cœur de celui, ou celle, qui, dissimulé dans la foule, savait qu’il en était la cause.

Qu’on ne dise pas, cependant, qu’en Meisa, en Eist’Shabal, le spectre de la mort passe sans être soupçonné, qu’il s’infiltre dans les ruelles et s’attarde aux portes sans éveiller de murmures, qu’il arrache une vie et s’évanouit dans le néant sans que nul ne s’en inquiète. Non, en Meisa, la mort n’est pas une ombre furtive que l’on ignore, une fatalité que l’on accepte sans un cri. Ici, lorsqu’une existence est fauchée non par l’acier loyal d’un duel, non par le décret d’un juge ou l’âpreté d’une bataille, mais par la main traîtresse de l’assassin, alors le sang même du royaume s’échauffe, se soulève, et réclame réparation. Et ses citoyens, eux, ne restent pas muets.
Car à Eist’Shabal, on sait que la justice n’attend pas, qu’elle ne s’embarrasse ni de pitié ni de doute. Les coupables peuvent se tapir dans l’ombre, croire que la nuit les enveloppe, que la foule les dissimule, que l’oubli les protègera. Mais qu’ils le sachent bien : ici, l’oubli n’existe pas.

Et les chances que Tojeï, l’assassin de ce pauvre Vaëthos, ne revoie jamais les murs de sa propre demeure étaient minces, désespérément minces, car qu’elle en ait conscience ou non, qu’elle frémisse d’effroi ou s’imagine encore en sécurité, elle venait, d’un seul geste, d’inscrire son nom sur la liste des âmes condamnées. Elle venait de se désigner elle-même comme la proie des limiers d’Eist’Shabal, et s’ils n’étaient pas encore à ses trousses, s’ils n’avaient pas encore percé le voile qui la recouvrait, ce n’était qu’une question d’instants. Car eux n’avaient pas besoin de témoins, ni d’aveux. Non, il leur suffisait de flairer la trace du crime, d’entendre la rumeur du sang qui appelle le sang.

Et ce sang-là, qu’elle le nie ou l’ignore, lui maculait déjà les mains, la peau et l’âme.

Cependant, malgré l’émoi qui se produisait derrière elle, Saëlys Var’Zahin, la cantatrice qui avait percuté Tojeï dans sa prestation, ne semblait que remarquer cette dernière, Ses grands yeux sombres, profonds comme un lac de nuit, étaient rivés sur la violoncelliste avec une fascination troublante, comme si le tumulte du marché, les cris, les regards curieux, tout cela n’existait plus pour elle. Ignorant presque les événements, alors qu’elle faisait mine de se relever, tant bien que mal, et d’épousseter sa robe du revers de la main pour en chasser les traces de poussière, comme si le geste pouvait cacher leur rencontre soudaine.

Fuka et Ythaci, ayant traversé la marée humaine, les rejoignaient et, presque sans remarquer la cantatrice pendant leur approche initiale, ils s’enquirent de l’état de la musicienne. Leur aveuglément temporaire fut rapidement corrigé lorsque, d’une parole adressée à sa nouvelle rencontre, Tojeï leur signale sa présence

Sans vraiment décrocher son regard de la violoncelliste, elle exécuta une révérence courtoise devant les deux nouvelles personnes qui s’étaient rajouté.

Ythaci, perplexe, sentit une alarme s’allumer en lui. Il s’apprêtait à intervenir, à couper court à ce qui lui apparaissait déjà comme une situation glissant hors de son contrôle. Mais il n’en eut pas l’occasion.

D’une voix d’une clarté absolue, d’un timbre qui semblait taillé pour le chant et non pour l’ordinaire des conversations, Saëlys trancha net toute velléité d’opposition :

— Je serais ravie de vous parler.

Les mots flottaient encore dans l’air qu’Ythaci se trouvait déjà réduit au silence. Pris au dépourvu, il ouvrit la bouche, puis la referma aussitôt, frappé par l’évidence : interrompre cet échange reviendrait à s’imposer d’une manière inacceptable. Un jeune Meisaen ne pouvait se permettre d’interférer dans la volonté d’une invitée de ses maîtres, et moins encore de paraître vouloir contrôler qui elle fréquentait.

Il leva alors un regard implorant vers la violoncelliste, espérant, dans un ultime sursaut d’espoir, qu’elle refuserait d’elle-même. Mais il vit tout de suite que c’était peine perdue. Une lueur s’était allumée dans ses yeux, une étincelle fugace qui ne trompait pas : l’appel de l’inconnu, l’excitation d’une rencontre imprévue qui prenait soudain des allures de promesse.

Désabusé, il tourna alors les yeux vers Fuka, dernier rempart possible contre ce qui allait suivre. Mais celle-ci, les bras chargés de victuailles, semblait bien loin de partager ses préoccupations. Son visage était impassible, son attitude dénuée de toute intention d’intervenir, à moins, sans doute, que la vie de sa protégée ne soit menacée.

Ythaci soupira intérieurement. Il savait reconnaître une bataille perdue d’avance.

Tojeï d'Anthilie

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Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 11 mardi 18 février 2025, 18:48:27

Nombreux étaient les textes qui témoignaient du meurtre comme l'infamie de trop, l'ultime errance des êtres ayant perdus toute foi, l'action qui incombe à ceux qui ont déjà l'âme vendue au diable, n'ayant plus dès lors que le devoir d'assouvir leurs plus bas instincts. "Les éloges de Montarssant" décrit donc l'assassin comme "l'être bossu, sans prétentions et sans visages, qui de sa griffe plante le corps de l'innocent au compte du malin, défiant les dieux par son acte, car seul cet affront lui permet alors de projeter auprès de ces divins créateurs la puissance qu'il possède de leur retirer ce qui fait leurs fiertés". Dans un autre texte, quatre fois présenté par la violoncelliste au Grand Tallion, sublime salle de concert Nexusienne, Yomar le lépreux s'éprend d'un long monologue pour définir l'homme qui, autrefois, le priva de sa femme et ses enfants en ces termes : "Il était drapé du mensonge et couvrait son visage du masque de la bonhommie. L'on m'a dit, sans tristes complexions, qu'il s'était porté au seuil de ma maison les roses en main, comme courtisant l'intention d'une de mes filles, que ma femme le trouvant si galant, elle n'eut fait que demande qu'à l'entrée il ôte le manteau qui l'habille. Mais ses crocs se dévoilèrent quand la porte fut fermé. L'odieux, le pourceau, le trois-fois damné découvrit ses guenilles pour en sortir le désastreux outil qui brisa la gorge de mon aimée, puis tordit le corps de mes enfants. L'horreur faite chair n'eût besoin que de ses mains, car il possédait déjà tout ce qui fait du meurtrier : le parjure et l'intention de nuire".

Mais celle qui, en cette nuitée, avait glissé au corps l'aiguillon le plus acéré de cette contrée, trouvait dans ces figures pathétiques le lot de tout ceux qui ne savaient guère faire plus que découvrir impuissant la fatalité de ce monde. Le meurtre n'est rien de plus que l'acte le plus humain qui existe : Il ne s'agit pas de posséder des richesses en trompant la confiance, il ne s'agit pas non plus de gagner faveur par quelques alambiquées tournures de langues. Il est de cette pulsion naturelle qui traverse les âges sous sa forme la plus pure et méritoire, le droit de tout à chacun de priver autrui de ce qu'il a de plus précieux, de plus important, de plus évident et pourtant si facilement ignorable et ignoré, la vie. Ainsi, tandis que se pavanent en émois les gentes dames et damoiseaux de bonnes familles en contant combien le sort de Yomar est malheureux, tandis que les vicomtes et les duchesses s'enhardissent qu'un tel acte serait condamnable de la plus atroce des manières dans leurs terres, la violoncelliste elle entend par échos une autre pièce, moins flatteuse, lui tinter aux oreilles. "Les glas monocordes" de Guerd Bremen Huistyss, une pièce inégalable qu'elle découvrit il y a bien des années, mais qui offre une scène poignante où Jachir, simple serviteur, révèle sa nature profonde alors qu'on le prive de ses bêtes : "Je ne connais pas de pourceaux plus alléchants que ceux de vos altesses. Je ne connais pas de chair plus tendre que celle de vos oies. Mais de leurs hures ou de leurs becs, je ne puis plus souffrir les respirations railleuses et amusées. Comprenez que comme tout homme est vêtu de la laine des brebis, tous se parent aussi des griffes des prédateurs. Car si serviles sont les honnêtes gens, ce n'est jamais sans qu'au cœur l'on puisse trouver la plus inexpugnable des sauvageries."

Battu pour son insolence, Jachir tuera toutefois l'intégralité des puissants et nobles de la pièce en représailles. Alors seulement retrouve-t'il ses bêtes, menant dès lors son troupeau en de plus verdoyants pâturages. Le meurtre n'est rien de plus qu'un outil pour retrouver la paix, une paix qui, d'ailleurs, a depuis peu envahi le cœur de Tojeï tant et si pleinement qu'elle ne saurait même pas se rappeler de qui elle avait percée le flanc, n'ouïssant au loin qu'un cri déchirant alors même qu'elle se trouve, un brin confuse, à contempler les mirettes aux profondeurs presque stellaires de la danseuse qui l'avait bousculée. Trouble faisant, béatitude intérieure aussi, la violoncelliste ne semble même pas considérer se redresser, comme stupéfaite de cette curieuse situation, se contentant de se perdre en curieuse contemplation, du moins jusqu'à ce que sa garde du corps ne paraissent à nouveau dans on environnement, lui ordonnant par la présente à revenir sur Terra. Pleurs angoissées et brin de panique devenant enfin signes alarmants du devoir de quitter les lieux, l'échange qui s'ensuivit entre les deux dames de cultures musicales et plastiques fut l'occasion d'avérer leur désir de poursuivre un bien honnête échange en plus calme décor. Un appel à la bonne compagnie qui sembla, un court instant, donner à leur guide une bien désagréable impression de situation houleuse, sans qu'il ne semblât en faire la mention, se contenant poliment au lieu d'en faire la remarque à celle qui venait d'offrir la possibilité à la talentueuse représentante rurale.

Et non, son petit air de chien battu rencontra la coeur glaciale d'une Tojeï en parfaite capacité de décapiter un chaton qui lui ronronnerait au pied. C'est donc avec une assurance pleine et sincère qu'elle vint prendre la main de cette nouvelle rencontre, dans un geste calme et de bonne grâce, pour alors entamer de faire un pas, puis un autre, tout en lui offrant une sincère déclaration.

" Suivez-moi donc. J'espère ma nature peu altière, je ne suis pas encore au fait des us et coutumes de vos contrées. Ce jeune homme m'offrait le bienheureux plaisir de découvrir les merveilleux atours de la cité, et je puis dire découvrir en votre présence et rencontre un véritable bonheur de providence. J'imagine que vous l'avez entendue plus tôt des lèvres de ma garde du corps, mais je me présente, Tojeï d'Anthilie. Et comment vous prénommez-vous ? "

L'artiste emportait la jeune femme au loin de la foule, l'obligeant par le lien de leurs main à suivre sa cadence somme toute modeste, sa robe de soirée l'incitant à des déplacements mesurés pour ne pas faire voleter les pans eux-aussi modeste de sa tenue. Fuka se contenta d'observer les événements d'un air calme, peu inquiétée par la tournure des événements, non sans pour autant constater le désarroi de celui qui se trouvait désormais derrière la violoncelliste. Se libérant une main en croquant un fruit qu'elle gardait auparavant entre ses doigts, elle offrit quelques tapes délicates sur l'épaule de ce garçon avant de récupérer la denrée qu'elle s'était calé entre les dents. Simple moyen de lui témoigner qu'il n'avait plus vraiment à craindre grand-chose, si la visite était jusqu'ici son propre devoir, il était désormais évident que les lubies de la dame monochrome sauront guider leurs épopées nocturnes. Du moins jusqu'à ce qu'il ne soit trop tard et qu'ils soient l'heure de trouver plein repos en un lieu plus cossu. La démone se pencha un peu en avant pour se mettre à l'oreille d'Ythaci, puis se permit quelques explications pour que ce dernier ne se retrouve pas trop surpris par ce qui pouvait survenir désormais. Simple délicatesse de sa part envers quelqu'un qui, jusqu'ici, avait accompli un sans-faute absolument irréprochable, donc qui ne méritait pas de voir l'ensemble de ses plans se briser en mille morceaux par l'inconstance de Tojeï :

" N'ayez crainte, ça lui arrive. Maintenant elle va soit échanger deux minutes, soit se perdre des heures en longues paraboles sur l'art et l'importance de toutes les formes de représentations musicales et théâtrales. Si vous avez de la chance, p't'être même qu'elle vous invitera à rentrer chez vous en vous remerciant du plus profond de son cœur pour l'excellente soirée que vous lui avez offerte par cette balade. Moi par contre, dans tout les cas, j'vais devoir patienter le temps qu'il faudra. "

Elle se redressa, attrapa le fruit qu'elle avait déjà croqué et en engloutit le reste d'une bouchée. Mâchonnant bruyamment, elle observe les environs avec une certaine vigilance, surtout après avoir perçu le drame de plus tôt, et donc la potentielle présence d'êtres malicieux dans la foule, mais leur approche des abords de la grande avenue rendait les environs bien plus clairsemées, donc la rassurait quant à sa capacité à réagir si quelque chose s'approchait soudainement. Elle déglutit donc l'ensemble de la chair juteuse qu'elle venait de se farcir dans le gosier pour reprendre nonchalamment, à haute voix ce coup-ci, comme pour lui faire comprendre que quoi qu'ils pourront exprimer désormais, la femme aux longs cheveux d'ébènes étaient désormais sourde à la moindre plainte, à la moindre réflexion, sûrement même au plus petit bout de bon sens qui incomberait à ce genre de situation.

" Elle a toujours été comme ça. Ayatvili dit qu'elle est passionnée, parfois je me demande juste si autre chose existe pour elle que son art. Alors pour l'instant... Bah, je vous propose de partager ce que j'ai acheté le temps que ses passions retombent ? "

Elle lui tendit un des petits pains salés qu'elle avait commandé plus tôt, un léger sourire résolu aux lèvres. Elle ne le plaignait pas vraiment, mais elle imaginait bien que cette situation pouvait être contraignante.

Pendant ce temps-là, Tojeï venait enfin de quitter les foules avec sa nouvelle compagnie, observait les environs avec calme, cherchant un lieu où il serait possible de boire quelque-chose tout en poursuivant de sains échanges. Ses observations ne menaient guère à de grands résultats, mais elle entama alors de se retourner en direction de son excellente rencontre du soir pour l'informer de son désir de trouver quelques lieux servant un juste rafraîchissement, meilleur endroit pour se satisfaire d'une discussion en profondeur des arts qui parcourent les rues, la cité, peut-être même la contrée. Décidément, dès lors que ses pulsions étaient derrière elle, la femme n'avait plus de raisons de se limiter, tout devenait si agréable, si intensément satisfaisant. Quelques pas de plus à la recherche donc d'un milieu convenable pour leurs futurs échanges, elle se permit de poursuivre son verbe dans un ton des plus respectueux, témoignant de son égard envers quelqu'un baignant dans le même domaine professionnel qu'elle :

" J'espère que je ne me montre pas trop engageante, je peux imaginer qu'un manque de souplesse ou de mesure de ma part puisse trouver une certaine surprise de votre part. mais outre notre importune rencontre, que je ne saurais laisser sans compensation, votre présence m'est un délice. Voyez-vous, je me questionnais sur la nature des Arts de Meïsa, aussi de pouvoir en discuter avec un membre de ce milieu m'exalte au plus haut point. "

Serenos I Aeslingr

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Re : Dissocier l'art de l'artiste [Tojeï]

Réponse 12 lundi 24 mars 2025, 01:15:32

- Suivez-moi donc. J'espère ma nature peu altière, je ne suis pas encore au fait des us et coutumes de vos contrées. Ce jeune homme m'offrait le bienheureux plaisir de découvrir les merveilleux atours de la cité, et je puis dire découvrir en votre présence et rencontre un véritable bonheur de providence. J'imagine que vous l'avez entendue plus tôt des lèvres de ma garde du corps, mais je me présente, Tojeï d'Anthilie. Et comment vous prénommez-vous ?

- On me nomme Saëlys Var’Zahin, ou Saëlys des milles lieues, répondit la jeune pousse avec un grand sourire.

Malgré un sobriquet qui, privé de son contexte, ne signifiait rien dans la langue commune, Saëlys était, comme toute Meisaenne de son âge, une ravissante créature. Or, pour ne point laisser le lecteur dans l’obscurité quant à l’origine de ce surnom singulier, Saëlys aux Mille Lieues, il faut l’instruire d’une vieille légende Meisaenne, qui, depuis des générations, enflammait les veillées et peuplait l’imaginaire des troubadours. Elle contait les pérégrinations d’un barde éperdu d’amour, un homme de grand talent et de noble cœur, qui, pour atteindre la dame de ses pensées, entreprit un voyage de mille lieues, bravant montagnes, forêts et océans. Mais, comme tout conte véritablement poignant, celui-ci ne s’achevait point dans la félicité : car tandis que l’amant courait encore après son rêve, sa bien-aimée, victime des intrigues d’une reine cruelle, avait péri avant qu’il ne puisse poser sur elle son regard amoureux.

Ainsi, au fil des âges, ce surnom fut dévolu à ceux que l’ambition ou l’amour poussait à de lointains voyages, et lorsqu’il vint à être murmuré dans l’ombre pour désigner Saëlys, ce n’était pas sans raison. Elle, fille des prairies infinies de Meisa, née loin de la capitale et dont l’accent portait encore la trace des vents libres de son pays natal, avait arpenté les routes, chanté pour son pain, poursuivi son rêve d’une voix claire et vibrante, jusqu’à cette grande cité où s’élevaient les promesses de la renommée. Son périple n’avait peut-être pas été jalonné d’épreuves dignes des légendes anciennes, mais il n’en demeurait pas moins l’empreinte d’une âme ardente, d’un désir inébranlable. Et c’était là, plus que la distance elle-même, qui lui avait valu son surnom.

Nul doute que bien des connaisseurs de la bonne société, en usant de cette sagesse mondaine qui leur tenait lieu de clairvoyance, auraient volontiers affirmé qu’elle était promise à un mariage des plus honorables, voire avantageux. Mais ces esprits pétris de certitudes, tout à leur assurance bruyante, commettaient une erreur grossière, qu’on ne saurait pourtant trop leur reprocher : ils ne connaissaient point aussi bien la jeune cantatrice qu’ils le prétendaient. Et personne, hormis peut-être Fuka dont l’œil entrainé et sa proximité de sa protégée, ne pouvait déceler dans le regard de cette gemme étincelante un noyau sombre et froid.

D’où le fait que ses tentatives de rassurer Ythaci ne semblaient guère faire mouche. Si Ythaci ne put comprendre son propre malaise, ce n’était simplement que parce qu’il n’était pas apte à deviner les intentions de ses invitées ; loin de lui l’idée de les prendre en femmes suspectes d’horreur que, lui-même, n’exercerait pas sur un ennemi.

À remarquer que, malgré ses réticences et son désir naturel, qui était celui de la survie instinctive, de se retrouver aussi loin que possible de Saëlys, il accepta la nourriture offerte par Fuka, simplement parce que l’accepter était plus simple que de refuser. Alors qu’il mâchait machinalement son bout de pain, il se rendit compte que Tojeï s’était volontairement engagée dans une conversation des plus… dangereuses, avec une jeune Meisaenne qui, malgré son air innocent, avait assurément quelques années de plus, et s’il voulut s’interposer, il ne put pas.

– L’art… ah, l’art. Je ne puis parler des grands peintres ou sculpteurs, mais l’art m’a toujours semblé être une porte vers l’exaltation de l’esprit, une porte sur non seulement la culture, mais la vie des peuples civilisés.

Et alors, comme si elle s’adressait non plus seulement à Tojeï, mais à un auditoire invisible, à l’univers entier, elle s’élança dans une dissertation enflammée. Ce fut une ode aux chants qui bercent les aurores et aux danses qui troublent les cœurs, une évocation passionnée du verbe qui façonne les empires et du pinceau qui immortalise les siècles. Ce fut un tourbillon d’images, de métaphores, d’élans poétiques, un vertige où se mêlait l’histoire et l’émotion brute.

Mais que l’on se rassure, lecteur : l’auteur de ces lignes, par souci de clarté et par respect pour votre patience, vous épargnera le flot ininterrompu de cette plaidoirie, car l’art, dans sa nature même, est une chose trop intime et trop ardente pour être transcrite fidèlement. Il faut l’entendre, le voir, le ressentir, et c’est là, précisément, ce que fit Tojeï – que cela lui plaise ou non.

Alors que Tojeï se trouvait plongée dans une conversation des plus enflammées avec une jeune femme qui, à n’en point douter, respirait l’art avec la ferveur d’une prêtresse en pleine dévotion, la rue où elles avaient abandonné le cadavre de Vaëthos fut frappée d’un silence pesant. Une ombre s’était glissée parmi la foule, et un frisson invisible parcourut l’assemblée. Un homme était arrivé. Ses cheveux noirs, longs et soyeux, glissaient sur ses épaules comme une étoffe précieuse, contrastant avec la pâleur tranchante de son visage. Ses traits, d’une dureté sculpturale, semblaient avoir été taillés non pas par le temps, mais par la rigueur d’un hiver éternel. Et pourtant, ce qui frappait le plus, c’étaient ses yeux : des prunelles d’or pur, luisant sous la lumière comme des promesses d’un autre âge, ou peut-être comme des avertissements silencieux.

Les passants, d’abord distraits, se figèrent en reconnaissant sa silhouette. Certains portèrent la main à leurs lèvres dans un geste de respect ancestral, d’autres baissèrent les yeux, comme si croiser son regard eût été une audace insensée. Une distance naturelle se creusa autour de lui, non imposée par un ordre explicite, mais par cette autorité muette qui habite ceux dont le nom seul pèse plus lourd que le fer.

Aldericht ne sortait que rarement. Son univers n’était ni les ruelles animées ni les places publiques, mais les couloirs feutrés du palais, les alcôves silencieuses de la grande bibliothèque. Il n’avait que peu d’intérêt pour les affaires du peuple, non par mépris, mais par inclination naturelle. L’histoire l’avait doté d’un droit au trône, mais son esprit trouvait refuge ailleurs, loin des contingences du pouvoir. Il le savait, et ne s’en offusquait guère : en son humble opinion, son frère Grymauch, ou même sa sœur Aurora, feraient de bien meilleurs souverains. Car qu’avait à offrir un roi indifférent à son peuple, sinon la répétition lasse d’une lignée de monarques absents ? Six générations d’ombres drapées de soie, observant le monde du haut de leurs tours sans jamais descendre parmi ceux dont le sang faisait battre le cœur du royaume. Aldericht, lui, n’avait jamais promus l’illusion de promettre un règne bienveillant ; il était un érudit, un veilleur silencieux des savoirs anciens, et peut-être était-ce là, plus que tout, ce qui rendait sa présence aujourd’hui aussi inattendue qu’inquiétante.

Aldericht posa une main pâle et assurée sur le cadavre du guerrier, effleurant d’abord sa poitrine avant de s’immobiliser au niveau du diaphragme. Sous ses doigts exercés, il perçut une irrégularité, une résistance infime sous la chair déjà refroidie. Un débris ? Non.

D’un mouvement méthodique, il suivit du bout des doigts la présence insidieuse qui s’y logeait, retraçant le chemin du métal enfoui jusqu’au point d’entrée. Là, avec la précision d’un chirurgien, il exerça une légère pression de l’index sur l’obstruction. Aussitôt, un mince filet de sang sombre perla hors de l’ouverture, se répandant sur la peau livide du Meisaen. L’obstacle était délogé.

Sans hésitation, Aldericht plongea ses doigts dans la plaie béante, bravant la chair lacérée pour en extraire l’objet dissimulé en son sein. Un éclat d’acier, d’une finesse tranchante, se révéla peu à peu, sa surface encore luisante du sang du défunt. Il tira lentement, et l’arme surgit dans un glissement visqueux, révélant son secret macabre : sa pointe, là où elle aurait dû briller d’un éclat acéré, se dissolvait déjà, s’effaçant dans l’hémoglobine comme un souvenir fuyant.

Un poison.

Aldericht contempla l’arme entre ses doigts, son regard d’or s’attardant sur sa forme ingénieuse et perfide. Ce n’était pas une lame ordinaire, ni même une dague de Meisa. Trop fine, trop délicate pour les forgerons du royaume. Le fil de la lame, d’une précision létale, n’était pas conçu pour un affrontement en face-à-face, mais pour frapper sans laisser de seconde chance. Et surtout, il y avait cette base brisée, témoin d’un sacrifice froidement calculé : ce n’était pas l’arme d’un homme en quête de vengeance. C’était celle d’un assassin.

Mais pourquoi ?

L’enquête ne faisait que débuter, et s’il n’avait que faire de faire la justice du peuple, sa curiosité le poussait à trouver des réponses.


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