Visiblement, Jadescath était un royaume sage, où un Conseil choisissait laquelle des héritières était la plus à même de diriger le royaume, afin de servir au mieux les intérêts de la population. Naturellement, le contenu de l’examen n’était pas connu des candidates, afin de ne pas les amener à influencer le Conseil. Mythilène écoutait silencieusement tout ça, en apprenant, sans surprise, que la maîtrise de la magie était un élément fondamental, qui n’était pas déterminant, mais tout de même décisif. Ce système présentait des points forts, mais aussi des faiblesses, puisqu’il visait à mettre en concurrence dès leur plus jeune âge les héritiers légitimes. La Chamane était une femme cultivée, qui s’était beaucoup renseignée sur les institutions politiques et sur le fonctionnement des régimes politiques à travers Terra. Elle avait ainsi découvert quantité de systèmes, ayant réalisé ça dans le cadre d’une étude afin de moderniser le fonctionnement politique de la Horde. Mythilène en était arrivée à la conclusion qu’il n’y avait aucun système parfait, et que tout système politique portait, en soi, les germes de sa propre destruction.
Ysice demanda alors comment le système politique des Amazones fonctionnait. Cet échange culturel était réellement plaisant pour la Chamane. Non seulement elle apprenait des choses, buvait un bon vin, mais elle pouvait aussi profiter de la vue très agréable de la souveraine. Ysice était une femme de toute beauté, et la regarder s’avérait être beaucoup plus agréable que ce que Mythilène pensait. Oh, elle avait déjà eu l’occasion de remarquer sa beauté, mais, maintenant qu’elle était face à elle, véritablement yeux dans les yeux, elle pouvait l’admirer.
Réalisant soudain qu’un silence gênant venait de s’installer, Mythilène se racla la gorge, et papillonna des yeux, avant de reprendre :
« Pardonnez-moi je me faisais la réflexion que votre visage était aussi parfait et aussi beau qu’un diamant. J’ai beau vous observer, je n’y aperçois pas le moindre défaut. C’est peut-être un simple détail cosmétique pour vous, mais, chez nous, la beauté est importante. »
Parler de la beauté d’Ysice était autant un moyen de la complimenter que de voir comment elle réagissait face à des compliments personnels. Était-ce usuel chez Jasdecath ? Mythilène n’en savait rien, mais, si elle se fiait à son expérience des Îles Mélisi, tout était possible. Néanmoins, Jasdecath avait l’air d’être une île bien moins tropicale et estivale que l’archipel mélisain. Ce bref compliment fait, Mythilène alla enfin lui expliquer le fonctionnement du régime amazone :
« La Horde est dirigée par une Reine, qui a une fille unique. Cette règle a été décrétée suite aux conflits de succession entre héritières, qui avaient historiquement créé des guerres intestinales au sein de la Horde. Ainsi, la Princesse des Amazones est la seule à connaître sa mère. La spécificité de notre société, Madame Jadescath, est qu’elle ne comprend pas cette cellule intermédiaire entre l’individu et la collectivité, qu’on appelle la famille. Toute Amazone est soeur d’une autre Amazone, au sens familial du terme. Je ne vous dis pas, contrairement aux racontars et aux rumeurs, que la Horde est composée de guerrières consanguines, mais toute jeune Amazone est formée par les plus anciennes. Les Amazones de la génération la plus âgée ont le devoir d’éduquer les plus jeunes. Dans les faits, néanmoins, il est fréquent que les génitrices des petites Amazones veillent davantage sur elles que les autres. On ne peut pas lutter contre les liens du sang. »
Mythilène, qui avait beaucoup parlé, s’accorda une pause, en prenant encore un peu du vin local. Elle savait que ce système était surprenant, et, partant de là, beaucoup de personnes avaient décrié la Horde, lui donnant la réputation d’être une horde archaïque, païenne, barbare, et consanguine, où les Amazones copulaient entre elles, créant des bâtards incestueux et dégénérés. Dans les faits, la Horde accueillait continuellement de nouvelles personnes, venant de l’extérieur, ce qui permettait de lutter contre cette accusation de consanguinité. Une accusation qui n’était pas inexistante, mais largement amplifiée quand on la comparait à la réalité de la situation.
Tranquillement, la Chamane poursuivit :
« La Princesse subit un entraînement intensif dans bon nombre de domaines. Les armes et le combat avant tout, mais aussi la sagesse, la discipline, notre philosophie... En abandonnant la cellule familiale, notre Horde se dote de guerrières qui s’entraînent et se combattent ensemble depuis leur plus jeune âge. On dit souvent que l’union fait la force... Et c’est particulièrement vrai pour les Amazones. Une Amazone, seule, est une guerrière redoutable, mais dix Amazones peuvent rivaliser avec une centaine de guerriers. »
Cette symbiose au combat était particulièrement impressionnante à voir pour ceux qui ne connaissaient pas la Horde.
« Et, comme je vous l’ai dit, nous disposons aussi d’un conseil... Qui, je suppose, doit avoir les mêmes fonctions que le vôtre, globalement. »