OMG !! [PV Pete Dwight]

Un crissement de pneus sur l'asphalte retentit dans le salon, signe qu'un nouveau mail était arrivé sur la messagerie de Voodoo alias Priscilla Kitaen alias Vanina Kolokova. On était en juillet et le Japon subissait une vague de chaleur plutôt carabinée et Seikusu n'était pas en reste. Cela ne dérangeait pas particulièrement la jeune femme : avec ses pouvoirs cryogéniques elle pouvait aussi bien générer un froid polaire, voire pire, qu'une douce brise fraîche et par conséquent son appartement était bien au frais sans qu'elle ait besoin d'allumer la clim'.

Elle sortait de la douche quand elle entendit le son venant de son ordinateur. Cela l'avait amusé la première fois qu'elle avait installé ce crissement de pneus même si parfois elle trouvait qu'il était un peu trop réaliste : il lui était arrivé de jeter un œil dehors pour voir si une voiture n'aurait pas vraiment freiné brusquement dans la rue.

Elle n'alla pas tout de suite vérifier ses mails. D'ailleurs cela faisait deux ou trois jours qu'elle ne l'avait pas fait : la plupart du temps c'était du spam, des offres "gratuites", de la publicité et autres bêtises du même genre qui finissaient là où elles devaient finir : dans la corbeille.

Elle alluma la télé, zappa quelques chaines et finit par tomber sur une chaine musicale. On y passait le fameux clip de Mickaël Jackson, Thriller et Voodoo resta un moment à admirer la chorégraphie des zombis et elle se dit qu'une "soirée horreur" au club, avec cette chanson, ferait un tabac. Peut être pour Halloween...

Elle alla vers son PC et commença à éplucher ses mails. Comme elle s'en doutait, les mêmes conneries : "...-10% sur les climatiseurs pendant 3 jours...", "...séjour aux Seychelles à bas prix pour une semaine..."... Elle eut un sourire amusé quand elle vit une pub pour une opération de chirurgie mammaire : comme si elle avait besoin de se faire grossir les seins !

- Allez hop, tout ça à la poubelle !

Le dernier mail, donc celui qui venait juste d'arriver, l'intriguait : le titre était "Photos" et l'expéditeur lui était inconnu. Le corps du message était vide mais il comportait des pièces jointes. Elle resta un petit moment à se demander ce qu'elle devait en faire : les ouvrir ou foutre le mail à la corbeille. Elle avait entendu parler de pirates informatiques qui vous faisait chopper des virus en vous envoyant des mails piégés mais généralement le titre comme le contenu étaient plus ou moins "aguicheurs". Rien de tout ça avec celui-ci.

Elle se résolut à ouvrir les pièces jointes, se disant que son anti-virus était à jour et qu'il protégerait son ordinateur de ce genre d'agression.

Elle eut un choc quand elle vit des photos d'elle, trois pour être exact, en train de prendre des poses suggestives, voire carrément osées ! Sur l'une d'elle, elle était assise sur un banc du parc de Seikusu par une belle journée d'été, et elle était en train de se sucer les seins ; sur une autre elle était également assise, sur un muret cette fois, et elle se masturbait d'une main tandis que l'autre pétrissait son sein droit ; sur la dernière, elle marchait tranquillement dans la rue, sauf que sa jupe était relevée de manière à ce qu'on lui voit sa culotte toute trempée...

Le premier instant de surprise passé, elle reprit son sang-froid et regarda plus attentivement les clichés : ils ne devaient pas dater de plus d'une semaine car elle se souvenait être allée au parc de Seikusu il y trois jours de cela et elle ne se souvenait pas s'être livrée à de telles exhibitions. D'ailleurs les gens alentours vaquaient tranquillement à leurs occupations sans vraiment lui prêter attention : sur la première, celle où était sur le banc, une petite fille à côté d'elle et elle ne semblait nullement être choquée par ce qu'elle faisait.
D'ailleurs si elle avait vraiment fait ce genre de choses en public, par une belle journée ensoleillée, elle se serait sûrement fait arrêter pour exhibition.

Cela ne pouvait donc être qu'un trucage, sacrément bien fait soi dit en passant : avec les bons logiciels et une bonne machine on pouvait faire des clichés de n'importe qui en train de danser le sirtaki avec le pape François...
Cependant il y avait un hic : même si elle ne s'y connaissait pas très bien, elle savait que faire de tels photomontages prenait du temps et ces photos ne dataient que de trois jours. Un peu court pour faire de tels prouesses, à moins que ce soit le boulot de toute une équipe spécialisée.

Enfin, restait à savoir pourquoi on lui avait envoyé ces clichés. Chantage ? Message sous-jacent ? Simple plaisir d'envoyer des photos cochonnes ?

Voodoo ferma la messagerie, se disant qu'elle ferait mieux d'en changer...

"Envoyé"

Le message clignota plusieurs fois sous les yeux de Pete, avant que ce dernier ne referme l'ordinateur portable. Il avait longuement hésité à envoyer les photos, mais il était trop tard pour revenir en arrière. Au point où il en était il n'avait pas vraiment le choix, sinon les efforts fournis ces derniers jours auraient été vain.

Trois jours auparavant, Pete se promenait dans le parc. Le genre de balade que tout un chacun fait pour profiter du beau temps et de l'air relativement moins pollué que celui du centre ville. Son appareil autour du cou, il avait pris quelques clichés, rien de bien passionnant. Jusqu'à tomber sur cette inconnue, assise sur un banc. Presque machinalement il avait ajusté le focus pour prendre une première photographie. Quand cette dernière apparue sur l'écran de l'appareil, la surprise fut grande pour Pete. Une position indécente, et un goût indéniable pour la luxure qui suintait de cette femme alanguie sur le banc. Loin d'être refroidi par cette vision - c'était même le contraire - Pete la suivit quand elle bougea, afin de prendre d'autres clichés d'elle. A chaque fois elle apparaissait comme un objet de désir, et désireuse également. Pendant un instant, il crut qu'elle l'avait découvert, quand elle se mit à marcher vers lui. Mais elle le dépassa pour rentrer chez elle et il l'a suivi jusque là, par pure curiosité.

Le soir même il développa les photos, encore surpris et excité par les photos. Elle était vraiment belle, et donnait une image de débauche indécente d'un niveau qu'il n'avait jamais vu auparavant. Avec l'adresse, il n'eut aucun mal à trouver le nom de la demoiselle. Puis son e-mail, grâce aux réseaux sociaux. Son travail, ses hobbies. Elle donnait l'impression d'une femme correcte, si ce n'était son travail. Cachait-elle tout le temps ses vrais sentiments ? Après quelques heures, il s'était décidé sur la marche à suivre. La contacter, et essayer de profiter de la situation. Il connaissait une partie bien plus intime d'elle que n'importe qui, elle ne pourrait le nier. Il pouvait le tourner à son avantage. Un peu de bon temps, et pourquoi pas un peu plus si jamais il s'y prenait bien. Le lendemain, il était dans le club de strip-tease, à une table à l'écart. Ca avait été difficile de prendre des photos sans se faire repérer pour avoir un peu plus de preuves. Il était resté à l'écart, refusant les avances d'une autre strip-teaseuse et observant de loin les allers et venus de celle qui occupait son esprit. Le jour d'après, il la prit à nouveau en photo, sortant de chez elle. L'après midi même, elle recevait les premières photos.

Pete rouvrit son ordinateur portable et vérifia. Aucune réponse. Avait-elle reçu le mail ? Avait-elle regardé les photos ? Impossible à savoir, impossible à dire. La journée fila, ainsi que la soirée, sans qu'aucune réponse ne vienne en retour. Le lendemain matin, il se décida à envoyer un autre mail. Trois photos à nouveau, une de la veille, deux de l'avant veille. La première la montrait sur la scène du club de strip-tease, dans une position vulgaire, à quatre pattes et proposant sa croupe nue aux hommes du premier rang, avec un niveau de détails indécents. Dans la seconde, elle était à une table où elle avait aguiché un client pour récupérer un pourboire. La photo la montrait fixant d'un regard chaud le client, une main dans le pantalon de ce dernier et un air équivoque quand à son envie du moment. Sur la troisième, elle était adossée à sa porte, à peine cachée dans l'angle de celle-ci et se caressant, comme si elle cherchait à se toucher à l'abri des regards des passants. Avec les photos, une simple phrase au dessous : "16h, café des arts".

15h50. Le café en question n'était pas loin de chez elle, peut-être le connaissait-elle. Si elle avait vu les mails, elle viendrait, il en était sûr. Attablé au dehors, à l'abri du soleil mais pas de la légère brise, le jeune homme scrutait les passants, cherchant la demoiselle du regard. Il jeta un regard nerveux à sa montre, espérant que l'heure n'était pas dépassée. Dans le sac à côté de lui, il avait amené son appareil ainsi que les clichés déjà pris. Il n'avait pas encore choisi comment il allait pouvoir l'accoster, lui parler. Il commanda un second café pour passer le temps et tromper l'ennui. Si elle ne venait pas, il serait obligé d'aller chez elle directement. Une idée fusa soudain dans son esprit en pensant à cela. Son visage affichait un sourire radieux et il sut à l'instant même que cette journée allait être tout aussi excitante que les précédentes.

"16h, Café des Arts"

Tel était le message qui accompagnait les trois nouvelles photos reçues le lendemain. Voodoo avait entendu avec une certaine appréhension, teintée de curiosité, le crissement de pneus familier, annonciateur d'un nouveau courriel sur sa boîte mail, mais, après un bref instant d'hésitation, elle se résolut à le consulter.

Pas de doute, c'était bel et bien le mystérieux inconnu (car dans son esprit, cela ne pouvait être qu'un homme) qui lui avait de nouveau envoyé ces photos cochonnes. Les deux premières avaient été prises au Dahlia Noir, dans la grande salle pour être précise, alors qu'elle se donnait au spectacle au cours de la soirée "Heroic-Fantasy" ; là encore les clichés étaient carrément osés mais elle ne se souvenait pas s'être comportée ainsi durant sa prestation, sinon elle se serait fait passer un savon par le dirlo avant de se faire foutre dehors.

La troisième la montrait devant son immeuble et était également des plus explicites. Donc, le pervers savait où elle habitait...

Enfin il y avait le message susmentionné lui proposant un rendez-vous à 16 heures au Café des Arts. Il n'y avait pas de date mais nul besoin d'être grand clerc pour comprendre que la rencontre devait avoir lieu aujourd'hui même.

Elle resta de longues minutes, se demandant ce qu'elle devait faire. Y aller ou ne pas y aller ? Désirait-il la faire chanter ? Qu'exigerait-il en échange ? La réponse à cette dernière question, elle la connaissait déjà : sûrement une partie de jambes en l'air...

Finalement, elle résolut de se rendre au lieu indiqué. Elle n'avait pas peur elle en avait vu d'autres et ce n'était pas un branleur de pervers qui allait lui pourrir la vie. S'il croyait avoir affaire à une fille esseulée qu'un rien effrayait, il se trompait lourdement et s'il se montrait vraiment trop menaçant, elle allait le transformer en glaçon en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire !

Il y avait une autre raison qui la motivait : elle désirait savoir comment il s'y prenait pour réaliser de telles prouesses photographiques car trafiquer des clichés en si peu de temps, il fallait être sacrément doué.

Elle arriva sur le lieu du rendez-vous un peu avant 16 heures. Elle avait revêtu un jeans délavé et un chemisier rouge ; elle avait le visage et portait des lunettes de soleil, accentuant son côté sévère. Comme il faisait chaud ensoleillé, il y avait pas mal de monde au Café des Arts, aussi mit-elle un peu de temps à repérer la personne qui l'attendait bien tranquillement sur l'une des tables de la terrasse : un jeune homme, presque un ado, à la belle petite frimousse et qui en était à son deuxième café.

- Bonjour...

Dit-elle d'une voix quelque peu glaciale, dardant sur le gamin un regard peu amène, regard dissimulé par ses verres sombres.

Seigneur, il devrait pas être en train de faire ses devoirs plutôt que jouer au photographe ?!

Sans plus de cérémonie, elle s'assit et attendit que son interlocuteur commençât les hostilités...

En un clin d'oeil, le plan échafaudé par Pete s'effondra. Il se voyait déjà le réaliser, mais il avait omis le plus simple : qu'elle le repère. Ayant choisi une terrasse pas vraiment fourni, elle n'avait eu aucun mal à venir vers lui et le reconnaître comme étant celui qui la prenait en photos depuis plusieurs jours. S'enfonçant dans sa chaise, il oubliait l'idée d'aller chez elle glisser de nouvelles photos dans sa boite aux lettres. D'un geste de la main, il lui fit signe de ne pas parler trop fort.

Bonjour ... Je vais tout vous expliquer. Vous voulez boire quelque chose ?

Oui, piégé comme il l'était, il ne pouvait en être autrement. Il lui laissa le temps de commander quelque chose si elle y tenait, et attendit patiemment qu'elle soit prête à l'écouter. Malgré son apparence, Pete frôlait la trentaine, mais cela lui plaisait qu'on le confonde encore avec sa période d'adolescence. Ca permettait de passer bien plus inaperçu qu'on ne le pensait.

Je suis désolé de ne pas vous avoir tout dit avant, j'étais quelque peu indécis.

Ca on peut le dire. Indécis quand au fait de se livrer, mais aussi de se présenter à elle. Elle pouvait avoir apprécié les photos mais le traîner en justice, voir se faire justice soi même. Il s'éclaircit légèrement la voix, se penchant vers elle pour parler à voix plus basse.

Ces photos que vous avez reçu, elles ne sont pas truquées. Vous allez sûrement penser que si, mais j'ai une preuve. Je me baladais il y a quelques jours en prenant des photos avec cet appareil, quand je vous ai croisé.

Il sortit de son sac l'appareil en question, qui semblait totalement anodin. Pourtant il ne le lâcha pas, se contentant de le montrer à la demoiselle en question avant de reprendre.

J'ai pris plusieurs photos, et quand j'ai vu le résultat ... Bon, je n'aurai pas dû jouer comme ça avec vous en vous envoyant des mails, mais ça me paraissait amusant sur le coup. Laissez moi vous montrer.

Il leva l'appareil, et clic, une photo de prise. L'instant d'après il tournait l'appareil vers elle, laissant voir la photo en question. C'était bien elle assise à table, mais seins nus, et une main qui disparaissait sous la table laissant songer qu'elle se touchait en même temps. Et forcément, il n'avait pas eu la possibilité de la modifier entre temps.

Cet appareil montre la véritable nature des gens.

Il lui laissait digérer l'information. Le fait qu'un tel appareil existe, et qu'elle en ai été la cible. Et surtout, qu'il sache qu'elle était assez  portée sur le cul pour apparaître ainsi sur les photos prises avec l'appareil.

Il lui proposa de boire quelque chose et elle haussa les épaules : après tout, pourquoi pas ?

- Hum, un café.

Dit-elle, tout en l'observant attentivement : le jeune homme n'avait pas l'air à l'aise et elle pensa que l'entrevue commençait plutôt bien. Pour elle. Si elle arrivait à le déstabiliser suffisamment, elle arriverait peut être à l'amener à supprimer ces photos cochonnes.

Ils commandèrent et en attendant que les boissons arrivent, le jeune homme commença de parler. Voodoo l'écouta sans broncher, tout au moins au début. Quand il évoqua le fait que les photos n'étaient pas truquées, elle haussa un sourcil étonné et son expression sévère se chargea de curiosité.
Les commandes arrivèrent et Voodoo but une petite gorgée de son café tout en continuant à écouter le jeune homme.

A un moment donné il sortit un appareil photo de son sac et le montra à la jeune femme. C'était un appareil photo, tout ce qu'il y avait de plus classique mais il avait une façon d'en parler qui faisait penser qu'il avait un petit quelque chose en plus. Pour appuyer son propos, il prit une photo d'elle et lui montra le résultat : elle était assise sur la chaise mais sa poitrine était découverte et sa main gauche était plongée dans son entrejambe...

- Cet appareil montre la véritable nature des gens.

Surprise, elle enleva brusquement ses lunettes et regarda de nouveau le cliché, allant même jusqu'à s'en approcher, histoire de s'assurer que ses yeux ne la trompaient pas : pas de doute, c'était bien elle, assise à la terrasse d'un café par une belle journée d'été mais dans une tenue et une attitude des plus provocantes !

Elle se cala sur son siège et but une seconde gorgée de café. Elle avait vu des choses étranges au cours de son existence, ne serait-ce que son passage dans le centre OMAC, où elle avait croisé des mutants, et elle sut qu'elle n'avait pas affaire à un plaisantin.

- Où.. où l'avez-vous acheté ?...

Demanda-t-elle d'une voix intriguée. Son attitude comme son visage avait un peu perdu de sa sévérité et elle regardait le gamin avec une expression perplexe, tout en veillant à ne pas relâcher sa garde.

Il avait capté son attention. Elle était passée de la colère à la curiosité, en un claquement de doigts. Elle allait peut-être trouver cet appareil effroyable et vouloir s'en débarrasser. Ou bien nier ce qu'il montrait, pour essayer de se justifier d'apparaître dans des positions totalement scabreuses. Tout cela, Pete s'y attendait. Après avoir montré la photographie à la jeune femme, il remettait donc son appareil dans le sac, hors de portée et à l'abri des regards.

Je l'ai acheté il y a quelques années. Dans un magasin d'une rue marchande, d'occasion.

Le magasin en question avait depuis fermé. C'était une sorte de lieu de revente d'objets de secondes mains, plutôt orienté sur le high-tech. Il se pencha sur elle afin de continuer à parler, mais d'une voix plus basse, comme pour ne pas être entendu.

Je ne crois pas qu'il en reste de disponible. Pourquoi, ça vous intéresse ?

Le sourire s'étira sur le visage de Pete. Bon, il n'avait pas pris de claque, et la colère se dissipait elle aussi. Il avait peut-être bien fait de la faire venir ici, de lui donner rendez vous.

Cela lui rappelait son dernier "rencard". Une jeune modèle, qui avait d'elle même proposer qu'ils sortent boire un verre. Pete ne se faisait pas d'illusions, dans le sens où il savait ce qu'elle cherchait. Ils avait couché ensemble, il en avait profité, et depuis il ne l'avait pas recroisé. Mais elle, rien en laissait prétendre qu'elle était dans le même état d'esprit.

Vous imaginez ma surprise quand j'ai vu ... Les premières photos. Vous pouvez nier, je sais ce qu'il en est. Alors j'ai décidé de m'amuser un peu, pour ça je m'en excuse, je pensais que vous apprécieriez plus. Le fait est que vous êtes probablement la femme la plus ... Nymphomane ? Que j'ai croisé.

Il n'avait pas réfléchi au mot à employé. Elle sentait le cul à des kilomètres, et son image intérieure aussi. Il disait vrai, il avait déjà vu des représentations de femmes chaudes, mais rarement à ce point. Ou alors il devait se jouer de ses modèles pour les amener à penser de telle ou telle façon pour qu'elles se dérident. Avec elle, il n'avait nullement eu besoin de ces artifices, elle aimait cela, voilà tout. Mais ça, ça ne voulait pas dire qu'elle aimait avec tout le monde, et Pete ne se voyait pas partie gagnée s'il voulait la connaître plus intimement.

Vous m'avez intrigué, et je mentirai si je dis que vous ne m'avez pas excité. Je ne dévoilerai pas vos clichés, ce n'est pas dans mon intérêt. Par contre, je m'interroge sur le fait que vous fantasmiez juste, ou que vous viviez tout ce qui vous passe par la tête.

Déjà, se renseigner sur ce qu'elle était réellement, sur ce qu'elle laissait transparaître. Elle pouvait très bien ne pas assumer ses pulsions et les refouler. En ce cas là, il n'était pas prêt de l'approcher plus que cela. Au moins elle était de bonne compagnie, il ne pouvait qu'espérer qu'elle le demeure.

- Je l'ai acheté il y a quelques années. Dans un magasin d'une rue marchande, d'occasion.

Voodoo haussa un sourcil étonné. Elle avait pensé que ce gugusse avait obtenu cet appareil dans une boutique bizarroïde et dont le propriétaire serait tout aussi bizzarroïde, un peu comme le type dans le film Le Bazar de l'Epouvante, tiré d'un roman de Stephen King. Mais non, c'était une échoppe tout ce qu'il devait y avoir de plus banal. Ceci dit, une chose était sûre : l'objet avait une origine occulte ; il a dû être, par exemple, fabriqué par un magicien à l'esprit tordu ou par une entité surnaturelle à l'humour particulier...

- Je ne crois pas qu'il en reste de disponible. Pourquoi, ça vous intéresse ?

La question amena un bref sourire sur les lèvres de la jeune femme : en quoi aurait-elle besoin d'avoir un tel appareil en sa possession ?! Quoique à la réflexion... Le menton dans la main, elle réfléchit aux possibilités offertes par un tel objet : on pourrait prendre en photo des politiciens véreux puis les faire chanter ou alors diffuser les clichés sur le net afin de ruiner leur "réputation" et les faire ainsi se retirer de la vie publique.
Sans compter qu'il avait peut être d'autres possibilités : par exemple, est-ce qu'il marchait sur une personne passant à la télévision ?...

- Vous imaginez ma surprise quand j'ai vu ... Les premières photos. Vous pouvez nier, je sais ce qu'il en est. Alors j'ai décidé de m'amuser un peu, pour ça je m'en excuse, je pensais que vous apprécieriez plus. Le fait est que vous êtes probablement la femme la plus ... Nymphomane ? Que j'ai croisé.

Elle ne dit rien, se contentant de regarder le fond de sa tasse. Nymphomane... Cela faisait sourire les hommes quand il parlait ainsi d'une fille qui était portée sur la chose mais la réalité était moins rose : la nymphomanie était une pathologie féminine, l'équivalent masculin portait un autre nom mais elle l'avait oublié, qui se traduisait par des désirs sexuels féroces. On pouvait qualifier Voodoo de "chaude" et "d'exhibitionniste" (et encore cela était dû à sa profession) mais certainement pas de "nympho" ; si elle l'était, elle passerait son temps à baiser avec des types à droite et à gauche, tous les jours de la semaine.

- Vous m'avez intrigué, et je mentirai si je dis que vous ne m'avez pas excité. Je ne dévoilerai pas vos clichés, ce n'est pas dans mon intérêt. Par contre, je m'interroge sur le fait que vous fantasmiez juste, ou que vous viviez tout ce qui vous passe par la tête.

Elle se contenta de hocher la tête. Qu'il ne veuille pas dévoiler ces clichés la rassura un peu plus. Encore qu'il était possible que ce fut une tentative pour l'amadouer et l'amener à coucher avec elle. Prudence, donc. Quant à sa dernière question...

- Et votre appareil, il marche sur les mecs ? D'ailleurs, vous vous êtes pris en photo avec ?

Ça c'était du Voodoo tout craché ! Quand on lui posait une question à laquelle elle n'avait pas envie de répondre, du moins pas tout de suite, elle faisait la bonne vieille tactique qui consistait à répondre à une question par une autre. Elle était plus intéressée par l'appareil photo que le photographe en lui-même mais s'il fallait passer par ce dernier pour obtenir le premier, eh bien le jeu en vaudrait la chandelle. Et puis, pour être honnête, la tchèque le trouvait plutôt mignon, même s'il faisait un peu ado qui a poussé un peu trop vite.

Toujours la main sous le menton, un léger sourire aux lèvres, elle attendit la réponse de son interlocuteur.

La bouche de Pete se plissa en un rictus qui semblait être un sourire amusé. Elle ne le prenait pas si mal que ça finalement, les précisions et les explications qu'il avait fourni semblaient avoir fait mouche. Il nota qu'elle ne répondait pas à sa question, mais il n'insista pas : son but n'était pas de faire un interrogatoire en règle, simplement d'apprendre à la connaître et de voir jusqu'où il pouvait aller. S'il insistait, il risquait de la braquer.

Il marche sur n'importe qui. Je vous trouve bien curieuse, mais oui, j'ai déjà essayé sur moi.

Il avait forcément cédé à la tentation. Assez tôt, il avait essayé l'appareil sur lui, et il avait même vu l'évolution de sa propre personnalité au travers des photos prises. D'abord la timidité, puis l'assurance, parfois la colère, l'avarice, la luxure. Ce dernier point apparaissait de plus en plus dans les derniers clichés. A plusieurs reprises, il avait même utilisé son appareil avec des mannequins, ce qui donnait des résultats étonnants : l'appareil semblait chercher l'alchimie entre les deux personnes, sans forcément la trouver. Mais ça, il l'avait laissé de côté, pour éviter de devoir montrer ces photos par la suite à ses modèles.

En tout cas je vous sens intéressée. Je n'ai pas ces photos sur moi, mais si vous voulez passer à mon atelier, je pourrai vous les montrer.

Il l'invitait clairement. Ca ne l'engageait à rien, mais aucun des deux n'étaient dupes : ils savaient l'un comme l'autre comment ça allait finir si elle acceptait. Il rangea son appareil dans son sac, à l'abris des regards avant de reprendre :

Faites moi part de vos desiderata, et je suis sûr que nous trouverons un terrain d'entente.

Sans plus de préambule il se leva et contourna la table afin de proposer sa main à la jeune femme, lui intimant dans ce geste de se lever elle aussi si elle voulait le suivre. Vu la lueur de curiosité dans le regard de cette dernière, il ne se faisait pas trop de soucis quand à son choix. Son atelier n'était pas très loin, situé dans un immeuble d'habitation où il avait transformé la pièce principale en un endroit de shooting photo. En quelques minutes ils y seraient. Et si d'aventure il se trompait et qu'elle refusait, il n'aurait plus qu'à nourrir des regrets de ne pas avoir su se montrer suffisamment entreprenant.

Ainsi donc, cet appareil marchait sur n'importe qui, pas seulement sur les femmes mais également sur les hommes. De mieux en mieux !

- Je vous trouve bien curieuse...
- Qui ne serait pas curieux en entendant parler d'un tel engin ?...
- ...mais oui, j'ai déjà essayé sur moi.
- Je parie que le résultat doit pas être triste !
- En tout cas je vous sens intéressée. Je n'ai pas ces photos sur moi, mais si vous voulez passer à mon atelier, je pourrai vous les montrer.

Elle eut un petit sourire amusé : comme manière d'inviter une fille à venir chez soi, difficile de trouver plus original ! Elle allait accepter bien sûr mais s'il pensait qu'il allait pouvoir coucher avec elle, tout au moins si rapidement, il se fourrait le doigt dans l’œil ! Même s'il avait piqué sa curiosité, elle lui en voulait quand même d'avoir, d'une certaine manière, violé son intimité. Bien sûr, il n'avait pas diffusé les photos, encore que ça reste à prouver, mais elle se sentait gênée. Gênée par quoi en fait ? Que ce gamin l'ait vu en train de se tripoter les nichons et se caresser ? Ou qu'il ait pu aussi facilement percevoir sa véritable nature ?

- Ok ! Mais ne vous faites pas des films : si je vais chez vous, c'est pour voir vos autres clichés, rien d'autre !

Dit-elle d'une voix qu'elle espérait ferme. En dépit de ses pouvoirs cryogéniques, Voodoo avait un mal de chien à être glaciale en face des gens. Garder son sang-froid, oui, mais arborer une expression froide, non. Elle pouvait y arriver pendant un certain mais sa nature curieuse et extravertie reprenait vite le dessus.

Ils se levèrent donc et se dirigèrent vers l'endroit où habitait le jeune homme.

- Au fait, vous vous appelez comment ? Moi c'est Voodoo, enfin Priscilla.

Elle se demanda comment ses parents réagiraient quand il amènerait la jeune femme chez elle (car elle partait du principe qu'il habitait encore chez son père et sa mère). Le comble serait que le père l'ait déjà vue alors qu'elle se trémoussait sur la piste de danse du Dahlia Noir ; car cet établissement n'était pas que fréquenté par des mâles solitaires, en fait ils ne représentaient qu'une petite partie de la clientèle, mais également par des hommes mariés, des honorables pères de famille, des salarymen pour la plupart, et qui venaient souvent en groupe, après le boulot, accompagné de leur boss. D'ailleurs c'était souvent ce dernier qui avait cette idée, ses subordonnés n'ayant qu'à suivre, car au Japon quand le boss parle on ferme sa gueule et on obéit...