On aurait pu croire que le sort s’acharnait contre la sorcière, ou qu’Alastar était derrière l’intervention inopinée et particulièrement redoutable de ce Wendigo. La réalité était moins dramatique : ce Wendigo était une simple créature sauvage, que le Diablotin n’avait nullement invoquée. Cependant, il l’affrontait plus facilement que cette maudite sorcière renégate, car, contrairement à elle, il disposait de ses pouvoirs magiques, et, de plus, le monstre ne le traquait pas. Il avait donc tout le loisir de suivre cette femme, sans trop comprendre pourquoi il continuait à essayer de s’acharner à la sauver. C’était une teigne, insolente, indisciplinée. Elle méritait bien un peu de frayeur. Alastar eut un sourire vicieux quand il la vit se ruer sous d’épaisses racines, disparaissant sous terre, échappant au Wendigo, qui poussa des hurlements de dépit en essayant de passer sous les grosses racines, tendant sa main griffue aussi loin que possible, ne rencontrant qu’un vide persistant. Furieux, le Wendigo se redressa, et Alastar l’oublia vite. Le monstre ne lâcherait pas l’affaire aussi facilement, et la petite sorcière n’était pas encore tirée d’affaire.
*La nuit, les prédateurs sortent les griffes… Sans tes pouvoirs, tu n’es qu’une petite furie, mais eux sont beaucoup moins conciliants que moi…*
Plus susceptible que ce qu’on pouvait croire, l’Incube aurait tout à fait pu partir, et laisser cette femme avec son venin le vilipender seule dans la forêt, hurlant contre les branches d’arbres. Elle errait dans des grottes puantes, et il la suivait à la trace, se référant à son aura magique pour savoir où elle était. En d’autres circonstances, Alastar l’aurait très certainement abandonné, mais… Et bien, outre sa beauté, les Magoa avaient toujours été proches des sorcières, qui passaient leur temps à invoquer, soit des succubes, soit des Incubes. S’il laissait une sorcière dans la panade, cette maudite Ombre, qui passait son temps à l’opprimer, risquait de fort mal le prendre. Par conséquent, d’une manière ou d’une autre, il devait encore veiller sur elle.
Ressemblant plus à une souillonne qu’à une noble sorcière, l’ingrate femme réussit à sortir de sous terre, atterrissant dans une prairie, et appela alors le Diablotin, demandant son aide, acceptant de se soumettre. Dissimulé dans l’ombre, invisible, il ne parvint pas à retenir un sourire victorieux sur le coin de ses lèvres.
*Petite garce arrogante…*
Elle s’offrait à lui, dans un geste de servitude trahissant son désarroi. Le vent soufflait, faisant ployer les arbres, remuant leurs branches. Le Wendigo n’était pas loin, rôdant dans l’obscurité, et Alastar sentit une nouvelle érection le saisir. C’était décidément plus fort que lui ! Le pauvre diable n’en menait pas large face à la beauté du sexe féminin, et il hésita pendant de longues secondes.
« Crois-tu donc les démons insensibles ? demanda-t-il soudain, d’une voix légèrement déformée par la magie, qui semblait émaner de partout et nulle part à la fois.Crois-tu pouvoir me jeter et m’appeler ensuite comme un vulgaire larbin ?! Votre insolence à vous, les sorcières, n’a pas de limites ! »
C’est qu’un petit cœur battait sous cette grosse verge insensible. Le Diablotin hésitait, et, pendant ce temps, le Wendigo se rapprochait, ses narines prédatrices accrues. Il sentait l’odeur de cette fille, la chair fraîche, une bonne viande juteuse, et il filait rapidement, heurtant les arbres. Alastar pouvait le sentir se rapprocher, et il se pinça les lèvres. Le temps ne jouait plus en sa faveur, et ses cônes de feu ne retiendraient pas éternellement le monstre. Le Wendigo débarqua alors, bondissant entre les arbres, sa silhouette massive heurtant l’herbe. Il se dressait face à Salomée… Quand le Diablotin apparut derrière elle.
Il agit autoritairement, la retourna, et la serra dans ses bras. Elle était sale, crasseuse, puante, mais il la pressa contre lui, et posa une main sur ses cheveux. Le monstre les chargeait, courant rapidement, mais Alastar s’en moquait, goûtant aux belles lèvres de la femme. L’insolente beauté avait décidément tous les droits, et, alors que le Wendigo se rapprochait, ses griffes frappèrent le vide, Le Diablotin se téléportant avec la femme, scellant son corps au sien par un baiser et des mains fermes et puissantes.
Une image presque romantique.
La téléportation ne dura que quelques secondes, et, quand elle se rompit, Alastar relâcha la femme. Ils n’étaient plus dans une forêt, mais dans une cour, au sein d’un manoir, à l’intérieur d’un kiosque.
« Je te présente le manoir familial… Celui que nous employons quand nous venons dans ce monde. »
C’était un manoir en forme de U, et ils étaient dans l’enceinte interne. Il y avait de grands arbres dans cette cour, ainsi que des allées latérales avec des voûtes faisant le tour du jardin.
« C’est un ancien monastère religieux avec un couvent que ma sœur a acheté… Plutôt ironique, tu ne trouves pas ? »
Il s’avança devant la femme, posant ses pieds sur le sentier, et huma l’air frais en fermant les yeux brièvement, avant de se retourner vers elle.
« Tu es à l’abri ici… Mais je ne veux pas de ton corps dans cet état. Tu vas te faire belle, et je t’enlèverai ton collier, il entache ta beauté. »
Alastar prenait des risques, mais il fonctionnait de cette manière. Il avait toujours été très joueur.