« Le prochain sabbat est dans un mois, Salomée. La lune sera pleine. » grogne la louve géante, au pelage sombre.
« Il te manque encore huit innocents à sacrifier. Je t'ai connu plus.... »Nouveau grognement. L'immense canidé a broyé les derniers mots dans un bruit d’insatisfaction. La belle sorcière trône sur un siège en marbre fêlé, au centre de la plus grande pièce d'une forteresse abandonnée dont elle s'est faite la propriétaire. A ses pieds repose Yavana, esprit vengeur et démone. Celle qui l'aura recueilli depuis sa fuite, enfant, l'aura nourri, vêtu et introduit aux vieilles sorcières égarées des landes dont les talents obscurs ont parfait l'éducation de la jeune fille.
«Cette foutue marque du dieu Vehk ne me laisse pas en paix, et je n'ai pas la tête à ces sacrifices ! Je suis esclave paraît-il ! » feule Salomée, furieuse.
L'animal-démon montre des dents, retrousse ses babines.
«Si les dieux se mêlent de nos plans... »« Ils ne le feront pas. » tranche brusquement l'ensorceleuse.
« Au prochain Sabbat, le sang de neuf innocent aura coulé. Je ne me désisterai pas. »Rassurée par ce regain de détermination, la louve noire se redresse sur ses quatre gigantesques pattes et se hâte de quitter la citadelle creusée à même la montagne, pour aller délivrer le message aux communiantes de la prochaine messe noire.
Enfin seule, Salomée en profite pour soupirer son désarroi, réfugiant son front au creux de sa paume. Elle se sent terriblement isolée. Malgré les nombreuses soirées et journées qu'elle s'efforce de passer en compagnie de Vehk, à l'Oasis Viveci, elle passe la majeure partie de son temps dans ces landes dévastées ou à courir Nexus pour sélectionner les âmes innocentes. Toute sorcière qu'elle est, du sang humain coule dans ses veines et participe activement à révéler ses faiblesses : fatigue récurrente, maux de tête, limites physiologiques. La vieille Rose lui avait rendu visite l'autre jour, avec un panier de provisions, lui intimant de se nourrir. Tu n'es pas complètement démone, ma chérie, lui avait-elle dit maternelle, il te faut donc manger.
Soudain, dans ce palais lugubre aux nombreux courants d'air, elle distingue du bruit inhabituel. Alarmée, elle quitte son fauteuil pour parcourir l'ancienne salle des fêtes à la splendeur révolu. Au plafond, quelques vestiges d'une fresque aux couleurs jadis chatoyantes, et sur les murs des toiles de peintures déchirées qui représentaient -en une autre époque, des portraits royaux. Le talon de ses bottines résonne entre les colonnes de marbres à moitié effondrées.
C'est aux portes de l'ancienne armurerie, jouxtant la pièce des réjouissances, que Salomée croise Quenäl et son escorte. Figée de stupeur en les découvrant, la belle tarde à se ressaisir et souhaite tergiverser : Qui sont-ils ? Qu'ils sortent immédiatement. Non, elle n'est pas intéressée. Hélas, la démone, sachant le temps précieux et cette sorcière nécessaire, ordonne à ses sbires de l'attraper. Les questions seraient pour plus tard.
Ainsi débute le chemin vers Souffle-Mort. Périlleux certes, contraint également. La toute brune les accompagne sans un mot, encadrée de part et autre. On a lié ses poignets dans son dos avant de les attacher à l'aide d'une fine chaîne d'argent, au contact terriblement douloureux. C'est Quenäl qui tient la chaîne et impose le rythme, épuisant l'objet de sa mission.
Introduits dans le repaire de Malk, après une ascension vertigineuse et accablante (Quenäl n'a pas hésité à faire jeter les démons-soldats du haut de la falaise s'ils n'étaient pas promptes à libérer le passage). La belle est présentée au seigneur démoniaque encore dotée de ses liens. Décoiffée, mais conservant une tenue bien droite.
Une
robe légère, au brocard léger et à la soie immaculée couvre délicatement son corps, libérant ses épaules menues et dessinant le haut de sa poitrine bien proportionné. La coupe de cet habit lui confère des airs angéliques, ainsi que sa chevelure charbonneuse traversée d'un diadème modeste aux perles brillantes.
En tous les cas, Malk le Puissant était bien mal parti pour s'arroger les faveurs de l'enchanteresse. Kidnappée au sein de sa forteresse, traînée dans les landes dévastées sous les yeux de créatures qui la respectaient et la craignaient ! L'outrage est important et la fureur de la magicienne tenace à l'égard de celui qui dirige Souffle-Mort.
« Que me veux-tu, inconnu ? » demande-t-elle sur un ton exigeant, mettant l'emphase sur l'inconnu, espérant également frapper l'orgueil du démon soi-disant puissant, mais dont elle ignore le nom.
La rancoeur est perceptible. Quenäl tire sèchement sur les attaches argentées, pour lui remémorer sa place. Geignant de douleur, la brunette se mord la lèvre inférieure, brûlée par le métal sacré.