Sur le sol, Barbara n’entendait pas vraiment la tueuse s’esclaffer. Elle serrait nerveusement les dents. La douleur la clouait sur le sol, l’immobilisant. Batgirl avait les yeux clos, des gouttes de sueur roulant le long de ses joues. Elle soupirait lentement, longuement, et, quand la Duchesse posa son pied sur son dos, une onde de douleur la traversa, la faisant hurler. Au loin, elle pouvait entendre les gyrophares se rapprocher, mais elle connaissait suffisamment la police pour savoir que cette dernière ne viendrait pas à temps. Cependant, Barbara était, tout de même, passablement rassurée : elle avait enclenché son traceur, et, tôt ou tard, ses coéquipières viendraient la sauver. Ce n’était qu’une question de temps... Mais, au-delà de ça, Barbara se sentait surtout faible. Elle avait bien trop traîné contre la Duchesse, et elle n’aurait jamais du l’attaquer, mais s’en tenir à la procédure. Elle savait que sa période approchait, que le moment où ses blessures se réveilleraient se rapprochait. Elle aurait donc du appeler ses collègues, afin que ces dernières prennent le relais. Au lieu de ça, Batgirl avait vu une tueuse en série, une folle dangereuse, une femme qui avait commis de nombreux meurtres. Elle avait réagi sur l’instinct, et les excuses qu’elle avait alors pu se trouver lui paraissaient maintenant bien illusoires, devant sa situation actuelle.
*
J’avais pensé pouvoir la neutraliser plus rapidement, mais cette garce est résistante... Quelle conne...*
Barbara ne pouvait nier être effrayée. Elle avait déjà dansé avec la mort. Quand le Joker lui avait tiré dessus, elle avait bien cru qu’elle serait morte. Il lui avait fallu de longs mois pour se dire que ce n’était pas de sa faute, que le Joker ne savait pas que Barbara Gordon état Batgirl, et que sa cible n’était pas elle, mais son père, Jim. Quant à Jim, le commissaire ne s’était jamais vraiment remis de la culpabilité qui pesait sur lui. Avoir été torturé par le Joker par la suite n’avait été rien en comparaison de ces instants passés à l’hôpital, à surveiller sur sa fille, entre la vie et la mort, et à se dire que c’était à cause de lui que sa famille était en danger. Et Barbara s’était sentie doublement coupable... Si son père avait su ce qu’elle faisait la nuit... Jim savait qu’elle était l’Oracle, une consultante auprès de la police, mais, là encore, il ignorait qu’elle avait été à Tekhos Metropolis, et qu’elle subissait un traitement médical lui permettant de se tenir debout.
La Duchesse retourna alors Barbara, lui arrachant un nouveau frisson de douleur. Elle écarquilla brièvement les yeux, sentant vaguement les mains de cette cintrée glisser sur son corps. Lucrezia avait encore son poignard, mais elle semblait auréoler d’une espèce de lueur démente, une folie telle qu’elle ressemblait, pendant un bref moment, au Joker... Barbara comprit qu’elle délirait. Elle remuait lentement, essayant encore de porter des coups, et n’eut même pas une onde d’excitation quand les doigts de la Duchesse heurtèrent la ceinture, tentant de la retirer. Cette dernière était voûtée à sa combinaison, et, en sentant des doigts qui n’appartenaient pas à une empreinte enregistrée dans le programme de l’armure, la ceinture lâcha une décharge électrique, une impulsion qui amena Lucrezia à retirer ses doigts précipitamment. Le choc aurait pu l’assommer, mais la Duchesse était dans un tel état d’excitation qu’elle *ne semblait même pas fatiguée...
*
Foutue garce...*
Barbara cligna lentement des yeux, et vit alors la main de la femme s’approcher.
«
Bonne nuit... Mon étoile.... » entendit-elle vaguement contre son oreille, avant que le mouchoir ne se pose sur ses lèvres.
Barbara poussa un soupir, ses yeux se révulsèrent, et elle sombra dans le coma.
«
L’infirmière... Folle... Les électrochocs... -
Augmentez la morphine. »
La jeune docteur obéit silencieusement, et enfonça une nouvelle dose de morphine dans le corps assoupi de Shani Stevens. La belle Française était allongée dans un lit d’un autre hôpital de la ville, l’hôpital Resurgam. Le docteur était un homme assez âgé, qui avait offert à Shani des soins prioritaires. Cependant, elle était plus choquée que véritablement blessée, et elle avait surtout besoin de repos. La femme tenait des propos incohérents et illogiques, parlant d’une infirmière en tenue rose qui lui aurait fait du mal avec des électrochocs. Le docteur avait compris qu’elle était une victime de la Duchesse, et qu’une chasse à l’homme était organisée dans la Toussaint. Le genre de comportements que le docteur avait du mal à comprendre. Ce chirurgien-urgentiste assez âgé était entièrement voué à sa tâche : soigner les gens.
L’infirmière qui mit la dose de morphine tremblait légèrement. Elle était nerveuse, et avait surtout été embauchée parce qu’elle avait une belle poitrine, et que le responsable qui s’était chargé de son embauche lui avait fait essayer une robe d’infirmière en latex, pour la culbuter. Il savait qu’il planait à Seikusu une sorte d’odeur sexuelle, d’atmosphère délurée. Originaire de Seikusu, il savait que ça n’avait pas toujours été ainsi, que, jadis, la ville était relativement paisible. Depuis quelques dizaines d’années, il y avait une recrudescence d’étrangers, de pervers sexuels, et de scandales sexuels.
La Duchesse était l’un de ces nouveaux phénomènes.
*
L’air de cette ville est vicié...*
L’infirmière réussit à mettre la dose de morphine, et la patiente s’écroula dans le sommeil. La jeune infirmière se retourna alors, et baissa poliment la tête, joignant les mains devant elle. Le brave docteur ressentit, bien malgré lui, une certaine excitation remonter de son bas-ventre... Cette patiente était également très belle, si belle que, s’il avait été un peu moins courtois et respectueux, il aurait probablement congédié l’infirmière, afin de parcourir ce corps de ses lèvres.
«
C’est très bien, Jun. Je pense qu’elle a besoin de repos, maintenant. -
B-Bien, docteur... »
Le docteur ne pouvait pas savoir que l’infirmière fantasmait sur les hommes âgés, et qu’elle portait des collants pour qu’il la remarque, et la prenne par l’arrière dans son bureau. Le docteur sortit tranquillement, et croisa les deux policiers.
«
La patiente est sauve, ne vous en faites pas... Je lui ai prescrit un peu de morphine, après avoir pansé ses quelques plaies. »
Le policier à qui il s’adressait hocha la tête, lorsque sa radio se mit à crépiter. Il tendit la main vers le docteur, comme pour s’excuser, et attrapa sa radio.
«
J’écoute... Ah... Très bien, nous monterons la garde toute la nuit, au cas où elle voudrait repasser par là. »
On venait de lui dire que la Duchesse avait échappé à la police et aux chiens, qui avaient remonté sa trace jusqu’à un site de construction, où elle avait ensuite disparu. La police craignait donc qu’elle cherche à revenir vers Shani. Ils ignoraient, pour l’heure, qu’elle avait une proie plus intéressante.
Ce fut un rire qui la réveilla, un rire sinistre et hystérique.
Quand elle rouvrit les yeux, en gémissant, elle crut avoir été capturée par le Joker... Avant que la mémoire ne se rappelle à elle.
*
La Duchesse !*
Barbara cligna des yeux, et prit rapidement conscience de plusieurs choses :
- Son dos ne lui faisait plus mal, mais elle était toujours immobilisée ;
- Ses bras et ses jambes avaient été entravés ;
- Elle avait les seins à l’air.
Par la suite, soit quelques secondes après son éveil, elle prit conscience qu’une lumière l’éblouissait, et, en tournant la tête, discerna peu à peu les contours d’un bâtiment délabré, sombre, poussiéreux, rempli de sacs-poubelles noirâtres dispersés dans les coins. Elle cligna des yeux, avant d’entendre des bruits de pas... Et de sentir une forte odeur d’alcool. Elle vit alors la Duchesse débarquer dans son champ de vision, avant de déverser sur elle son whisky, qui heurta ses seins et son costume, glissant le long de son torse.
«
Tu vois... Moi... Je dis toujours qu'il faut bien désinfecter la patiente avant de commencer une opération... Alors... Santé ! »
Elle empestait l’alcool et la démence. Barbara serra les dents, remuant faiblement, éprouvant la solidité des liens. Ils étaient solides, et elle risquait surtout de s’écorcher la peau. De plus, quand bien même elle parviendrait à se libérer, son dos était toujours en compote. Elle ne pouvait pas faire grand-chose, et, si elle faisait trop d’action, elle risquait de briser sa colonne vertébrale. La Duchesse explosa ensuite le contenu de la bouteille contre la table, et Batgirl frissonna, se mettant à craindre que cette tarée ne cherche à l’entailler avec la bouteille. D’un ton plus doux, mais non moins empreint d’une démence primaire, la Duchesse se remit à parler, Batgirl restant silencieuse :
«
Allez... Dis un truc ma belle... Dis-le que je t'excite... Dis-le... Moi je m'excite... Et toi tu t'excites ? Te masturbes-tu quand tu es toute seule ? »
La main de la Duchesse glissa alors sur son ventre, tandis que Barbara la regardait. Elle s’attendait probablement à ce que sa victime la supplie, à ce qu’elle implore sa pitié... À sentir qu’elle exerçait du pouvoir sur elle. Barbara essayait de réfléchir à la meilleure façon de s’en sortir, mais elle savait que, face à une psychopathe, il n’y avait pas grand-chose à faire.
«
Moi... Moi j'aime les femmes... Mais le truc qui me fait vraiment prendre mon pied... C'est les gamines.. hihi... hihihi. ihiahahahaHAHAHA ! Avec leur petite chatte virginale, c'est juste... JOUISSIF ! AHAHAHAHA ! »
Elle la provoquait, elle voulait l’énerver, la paniquer. Barbara ferma lentement les yeux, décidée à ne pas rentrer dans son jeu. D’un autre côté, si elle énervait Lucrezia, elle risquait aussi de mourir précipitamment. Du
temps, c’était tout ce dont Barbara avait besoin, du
temps. Elle devait trouver un moyen de la faire parler, en partant du principe simple : un psychopathe est fortement orgueilleux et égocentrique. Il y avait
Lui, être invulnérable, au-dessus des lois, et les autres, moutons idiots.
En se mordillant brièvement les lèvres, Barbara finit donc par répondre :
«
Pourquoi fais-tu ça ? Torturer... Kidnapper... Violer... Tuer... À quoi est-ce que ça rime ? J’ai arrêté suffisamment de violeurs pour le savoir... Ce sont des lâches, des incapables, impuissants... Toi, tu es belle. Ce n’est pas ton cas, et, vu les filaments que je vois sur ton corps... »
Il fallait parler, la flatter, sans que ça passe pour de la flagornerie. Barbara se mordilla à nouveau les lèvres, avant de poursuivre :
«
Tu m’as vaincu... Tu es donc forte. Ne... Ne serait-il pas plus gratifiant d’avoir le consentement de sa victime ? Qu’elle soit heureuse avec toi ? »
La faire réfléchir, la faire parler.
Et ainsi permettre à l’horloge de tourner.