Cela devait faire quoi... ? Une vingtaine d'années qu'Enora était venue là, la première fois. Cette fois là avait été grandement surprenante, la rencontre avec Hera, la discussion... Elle n'aurait jamais cru, jamais imaginé même qu'elle puisse un jour discuter avec une déesse comme elle l'avait fait avec celle-la. Si elle ne voulait plus la tuer, elle espérait ne pas retomber sur elle non plus, elle avait le don de faire ressortir les faiblesses de la mercenaire. A moins que ce ne soit le lieu qui fasse ça.
A quelques centaines de mètres des temples dédiés aux dieux de l'Olympe et de leurs prêtresses, la mercenaire contemplait le long et vertigineux escalier qui permettait d'accéder aux portes du mont Olympe. La dernière fois elle avait tout évité en volant, enfin, l'équivalence que lui permettait son pouvoir. La dernière fois elle voulait tous les buter, aussi... Enfin, elle ne voulait pas spécialement leur apporter des petits gâteaux, des petits fours et leur faire un massage des pieds, mais son aventure avec Kyô, ce dieu ridicule, lui avait appris que si une déité mineure était capable de ce que lui, faisait, alors elle était foutrement dans la merde si elle avait la prétentieux de faire une descente dans l'Olympe.
Non, en fait, aujourd'hui la raison qui la poussait à revenir était toute autre... Elle se souvenait qu'il y avait de cela une vingtaine d'années, donc, elle avait épargné la vie de la déesse pour une seule raison, elle lui avait dit être enceinte... Tout Terra parlait de la venue de ce nouveau dieu. Peu de choses avaient filtré à propos de lui, on disait surtout qu'il était incontrôlable, fougueux, impatient, qu'il avait hérité de la puissance et de la brutalité de son père et de la fourberie de sa mère. Sur ce point, Enora n'en doutait pas. Comme la déesse lui avait embobiné la tête, il était certain qu'elle irait inculqué ça à son rejeton.
Donc. La mercenaire voulait voir à quoi ressemblait cet enfant qui avait – sans le savoir – sauvé la vie de sa mère. Quelque part, elle voulait voir ce qu'elle, la cruelle, la folle, la meurtrière, avait laissé arrivé, avait plus ou moins engendré.
A quoi pouvait ressembler l'enfant, quelle tête, quel caractère avait-il ? Etait-il aussi insupportable qu'on le disait ? Les bruits courraient que même son maître, Morphée, ne le supportait plus, et pourtant, Morphée, pour le pousser à bout... !
Enfin c'est ce que l'on disait.
# Voyons voir ce que cela donne... !? #
Comme la dernière fois, elle courut – difficilement – jusqu'à l'un des abords si escarpés de l'Olympe qu'il était impossible à escalader. Il n'y avait nul temple et prêtresse de ce côté, du coup. Enora mobilisa fortement son pouvoir, cette ascension lui demanderait beaucoup d'énergie. Ca ne manqua pas, au bout de plusieurs longues minutes, elle commençait déjà à se sentir épuisée. Forçant sur son esprit elle parvint à accélérer afin de se retrouver plus vite en haut de cette impossible montagne.
Elle se laissa lourdement retomber sur le sol d'une cours intérieure de ce que formait cette mini-ville, mini-palais.
Elle rampa jusqu'à un des piliers contre lequel elle s'appuya le temps de recouvrer un peu ses forces. A quelques mètres derrière elle, dans une autre cours, en contrebas, elle parvenait à capter deux voix. L'une était sans aucun doute celle d'un jeune homme, l'autre, sans erreur possible non plus, celle d'un vieil homme : sans doute le gamin et Morphée !
Elle ne pensait pas les trouver si facilement !
Elle se laissa doucement glisser et, se faufilant entre plantes, statues et colonnes, atteint bientôt le lieu des retrouvailles entre le maître et l'élève. Le garçon avait une allure amusante, celle d'un jeune homme turbulent. Semblant rechigner à tout ce que pouvait dire son maître..
La leçon devait s'achever, le veux Morphée se levait, rabrouant une ultime fois le nouveau dieu, il s'éloigna... Le fils d'Hera ne se fit pas prier pour manifester son agacement en rapport avec son maître en mimant d'insultantes grimaces qui tirèrent un sourire à Enora. Il ramassa mollement ses affaires – des cahiers, des livres parmi lesquels elle distingua L'Iliade et L'Odyssée du poète Homère, l'enseignement n'évoluait guère, donc.
Elle le suivit discrètement jusqu'à ce qui semblait être sa chambre. Elle contourna le palais pour entrer par la fenêtre afin qu'il ne la voit pas. Il s'était laissé tomber sur le lit avec un lourd soupir. Enora se pencha en avant pour mieux le voir. Au même moment il rouvrit les yeux et hurla en découvrant l'intruse, à la fenêtre.