Nombreux rêves berçaient le sommeil de la rondouillette rousse. Elle rêvait de ne plus être malade, de pouvoir vivre comme les autres ? Non pas vraiment, elle ne rêvait pas du tout à cela. Elle avait bien appris à vivre avec, et cette différence la mettait à part du reste de la gente féminine. Mais qu’importe, elle se plaisait ainsi. Non, la seule chose dont elle pouvait rêver, c’est les multitudes d’occasions, d’autres songes, d’autres réalités pouvaient lui amener. Un amour, une amitié, qui pourrait peut-être rythmer sa vie future, qu’elle soit courte ou non…
Elle qui nageait dans ses bonheurs abstraits fut réveiller par un bruit venant du dehors, comme un choc, un accident de voiture venant de se produire. Pourtant, sa maisonnette était trop éloignée des voies de circulation pour qu’un accident ait lieu. Ou alors, cela venait du ciel ? Ses yeux s’ouvrirent avec difficulté, se les frottant, ceux-ci se mirent à rougir un peu. Les chats qui dormaient avec elle crachaient en direction de la fenêtre, de l’extérieur, le poil tout hérissé. Ô jamais, elle n’avait vu ses chats ainsi. Elle aurait pu dire sa ménagerie…Même fenêtre fermée, elle pouvait entendre les cris des bêtes dans la grange, comme apeurées.
- Ce n’est pas bon…
Il y avait sûrement quelque chose dehors, assez proche de la grange pour faire peur aux animaux. Elle descendit de son lit, balançant sa couette sur ses chats sans le faire exprès. Elle n’allait pas sortir comme cela avec sa simple nuisette. C’est pourquoi elle enfila son épais peignoir bordeaux, et commença à courir dans la cuisine. Il lui fallait quelque chose pour se défendre au cas où il y avait un intrus. Elle ne possédait aucune arme à feu, elle s’était refusée à pointer ce genre de choses sur quelqu’un et de faire l’erreur de tirer sur une personne. Elle n’avait que de simples couteaux de cuisine, mais connaissant sa maladresse, elle se serait blessée avec. Elle préféra donc prendre sa grosse poêle. Elle fouilla dans un de ses multiples tiroirs sa lampe-torche et s’avança devant la porte d’entrée, enfilant sans chaussette les bottes en caoutchouc qu’elle avait utilisée la journée.
Elle ouvrit doucement sa porte, se penchant un peu la tête dehors pour voir les premiers alentours. Rien…Elle descendit doucement les marches de son entrée, sa torche pointée devant elle pour y voir plus clair, et sa poêle dans sa main droite pour riposter. Pas après pas, elle avançait prudemment en direction de son potager et de sa grange, regardant toujours devant, sur les côtés et derrière elle. Non, ce n’est pas une trouillarde. Elle est juste…prudente. Au fur et à mesure qu’elle avançait vers son lopin de terre cultivé, elle voyait des plantes déchiquetées, des cucurbitacées littéralement explosés, et une partie de sa barrière en charpie.
- Qu’est-ce qui a bien pu causer autant de dégâts ? …
Avec sa torche, elle scrutait le moindre aspect suspect autour d’elle. Elle aperçut d’ailleurs une sorte de cratère, peu profond, en plein milieu de son beau potager. Elle en était désolée de voir dans l’état il était d’ailleurs. Doucement, sa poêle tendu dans sa main prête à assommer si besoin, elle rivait la lumière vers ce fameux trou dans le sol. Ce qu’elle découvrit l’effraya. Non pas de peur comme devant un film d’horreur, mais un peur inquiétante pour…la personne qui gisait au fond de ce trou.
- Nom d’une pipe…
Elle lâcha sa poêle et se rua vers cette personne. Elle la retourna et découvrit alors que c’était une jeune femme, très grande, aux cheveux noirs de jais. Elle la plaça sur le dos, posant deux doigts sur sa nuque pour sentir son pouls. Son cœur battait encore, mais son pouls restait faible. Elle approcha son oreille près de la bouche entrouverte de la demoiselle. Elle respirait aussi, mais faiblement. Aidée de sa lampe-torche, Lucie éclaira rapidement le corps de la jeune brune pour voir si elle n’était pas grièvement blessée. Rien, pas de grosse trace de sang. Pas de sang, mais autre chose vint garder l’attention de Lucie sur le corps inerte de la jeune femme. Elle était revêtue d’une sorte de combinaison verte et noire. Jusque là, rien de « trop » spécial dirons-nous. Mais il y avait autre chose, chose perturbante sur cette combinaison : une faible lueur verte émanait au niveau de la poitrine de la demoiselle. La rondouillette était comme captivée et approcha doucement sa main vers cette petit lumière. Brusquement, elle ramena sa main vers elle, secouant sa tête pour se remettre les idées en place. Elle en oubliait presque l’état de la jeune femme. Il fallait qu’elle la sorte de ce trou. Ni une, ni deux, la rousse enrobée passa un des bras de l’inconnue par-dessus son épaule, et finit par prendre la demoiselle dans ses bras à la manière d’un marié portant sa nouvelle épouse. Elle n’était pas légère de par sa taille, mais qu’importe, Lucie n’était pas faible. Lucie n’était pas du genre à laisser quelqu’un blessé dans un endroit pareil.
Elle se redirigea vers sa maisonnette où la porte était restée grande ouverte. Elle monta doucement les marches de son entrée, tournant légèrement sur elle-même pour passer la porte avec le corps de l’inconnue dans ses bras sans encombre. Elle prit direction de sa chambre où les chats miaulaient encore de peur. La jeune femme rousse déposa délicatement cette demoiselle au nom encore inconnu. Lucie fit signe à ses chats de descendre du lit et referma la couette chaude sur la brune. Elle partit dans la salle de bain, récupérant une petite bassine et la remplissant d’eau tiède, peut-être tendant vers le frais, en plus d’un gant de toilette. Elle revint dans la chambre avec la dites bassine, frottant très doucement le visage de la demoiselle. Une fois la toilette du visage faite, elle prit une chaise, l’approchant du lit et s’asseye dessus. Elle regardait cette jeune femme, guettant le moment où elle se réveillerait. Mais la fatigue de la journée l’emportait sur la bonne volonté de la rondouillette, et celle-ci s’endormit sur la chaise, dans son gros peignoir et les bottes aux pieds…