Un nouveau monde, une même lune. [Dame Fina]

Le soleil venait de se coucher, et la douce noirceur nocturne c'était bien installée pour quelques heures. Sortant de son abri, tel un ours puissant après une hibernation prolongée, il décida d'aller explorer le parc juste à côté du grand bois dans lequel il avait élu domicile.
Un petit quart d'heure de marche tranquille fut suffisant pour l'atteindre. Il alla à la fontaine s'asseoir sur le rebords. Il venait de bien dormir et sa nuitée ne faisait que commencer. Il fallait qu'il se restaure. Il goûta l'eau, et celle-ci semblant potable, en remplit une petite outre. Profitant du silence perturbé uniquement par la clameur lointaine de la ville de Seikusu, il mangeait, sans se presser, le contenu d'une petite coupe de fruits sauvages qu'il avait ramassé en chemin. Cet endroit lui offrait tout ce dont il avait besoin. L'eau était bonne, la nourriture ne manquait pas, et il y avait nombre de caches où l'astre solaire ne le trouverai jamais.

Une fois tout ingéré, il se mit en marche. Tout était si calme. Il s'arrêta aux jeux pour enfants, intrigué. A quoi cela pouvait-il bien servir? Il les essaya tous un par un, cherchant à percer le mystère de leur utilisation. Après un bon moment, il fut au dernier, le toboggan. Il se douta qu'il fallait grimper à l'échelle, mais une fois assit en haut, que faire? Il réfléchissait à la question quand d'un coup il se mit à glisser le long de la rampe. La sensation de vitesse était plaisante, et il se dit que c'était surement comme ça qu'il fallait s'en servir.

A la fin de la glissade, il disparut. Au bout du toboggan se trouvait une faille, chose insensée que jamais il n'avait connue. Il atterri sur Terra. Atterrir est le mot juste, car c'est en catastrophe qu'il le fit. L'autre côté donnait à trois mètres de hauteur, à côté d'un petit bosquet d'arbre. En tombant, il se cogna la tête sur une branche et s'étala, inconscient.
Sa mère, la lune, ne pouvait rester sans réagir. Son fils aimé était blessé, et il lui fallait du secours, aussi allait-elle s'arranger pour qu'il en obtienne, et rapidement.

Pendant qu'il était inconscient, Silarta fit un rêve. Un doux rêve. Il était dans les collines de son enfance, allongé dans l'herbe, regardant le ciel. Il se serait cru revenu à cette époque encore très proche où il vivait seul sous le regard attentif et attendris de sa mère.
Soudain, la lune se transforma en une belle femme très légèrement vêtue. Elle posa le pied à côté de lui, et se pencha pour lui parler.


Bonsoir mon garçon. Tu es en train de rêver. Te souviens-tu de ton accident?
Une jeune prêtresse t'a trouvée, et tu es avec elle. Tu peux lui faire confiance, crois en moi.
Maintenant réveille-toi.


L'accident? Oui, l'accident. Il s'en souvenait. Il essayait les jeux du parc quand tout à coup il se retrouva en hauteur près d'un arbre. Il se cogna la tête dans une branche lors de la chute, et s'évanouit.
Sa mère lui avait déjà expliqué ce qu'est une prêtresse. Une femme qui dédie sa vie à un culte. Si sa mère disait qu'elle était digne de confiance, alors aucun doute que ce serait le cas.
Il n'eut pas le temps de répondre quoi que ce soit qu'il se réveillait. Ouvrant doucement les yeux, la douleur lui revint à la tête. Il poussa une légère plainte gémissante. Il était confortablement installé, surtout la tête, qui était sur quelque-chose de doux et moelleux. Récupérant ses sens un à un, il sentit une main dans ses cheveux, et un éponge sur son crâne. Ses yeux maintenant complètement ouverts, il aperçut une femme, il était en partie sur elle, et elle prenait visiblement soin de lui. Son visage était magnifique. Ne bougeant pas, il se contenta de lui parler.


Tu es la prêtresse à qui je peux faire confiance? Merci de m'avoir sauvé, belle demoiselle.


La voix de la fille était douce, emplie de bonté et de générosité. Une voix de mère. Elle semblait jeune, peut-être plus que lui si on se réfère à l'âge. Même sans les conseils de sa mère, il lui aurait accordé sa totale confiance au premier regard.
Autour de la tête du garçon on pouvait  voir l'éclat de la lune, en croissant. Celle-ci était inquiète, quoi de plus normal.

Un caillou sur la route, tout fut secoué. Il avait, comme d'habitude, des tonnes de questions à poser à cette ravissante humaine.

Il vit une rougeur s'installer sur le visage de la belle, c'était la première fois qu'il voyait ça. Il se demandait d'où ça pouvait bien venir. Il se demandait aussi ce que pouvait bien être un couvent, mais il décida de garder ces questions pour plus tard. Pour l'instant il allait se contenter de répondre à la jolie blonde aux yeux bleus et aux traits fins.


Fina? C'est un bien beau nom, je l'aime beaucoup. Je me nomme Silarta.
Ce que je faisais inconscient dehors, je ne le sais pas vraiment moi-même, mais je vais vous raconter.
Je m'étais installé dans un bois, proche d'une ville. J'étais bien décidé à découvrir ce que c'était. Je n'en ai jamais vu avant. Commençant par le parc attenant à mon domicile provisoire, j'essayai de trouver le rôle et l'utilisation des petites constructions étranges qui s'y trouvaient. La dernière d'entre elles était constituée d'une petite échelle avec un plateau à son sommet et une rampe allant de celui-ci jusqu'au sol. Une fois monté dessus, je me demandai ce que l'on pouvait bien y faire quand tout à coup je me mis à glisser le long de la rampe. J'allais arriver au sol lorsque le décor, à mon grand désarroi, changea de façon considérable.
Je me suis retrouvé à plusieurs mètres de hauteur, près des arbres où vous m'avez certainement trouvé. Lors de ma chute, ma tête hurla de douleur en percutant une branche solide. J'ai eu de la chance de m'en tirer en un seul morceau.
Ensuite j'ai fait un rêve de ma mère. C'est elle qui m'a dit que vous êtes une prêtresse. Puis je me suis éveillé à vos charmants côtés.


Parler autant lui fit très mal à la tête, aussi grimaça-t-il un coup, provocant la réaction instantanée de la femme qui veillait sur lui. Mais il continua car il avait une question très importante à lui poser.


Dites-moi, serons-nous arrivés avant le lever du soleil?
Si je vous demande cela, c'est parce que je suis obligé de fuir ses rayons, il ne doit surtout pas me voir. Je dois impérativement être à l'abri avant que l'aube ne pointe.
Je suis désolé de vous imposer cela.


Il n'avait pas remarqué le paladin, et était à milles lieues de penser que celui-ci pourrait définitivement le prendre pour une quelconque créature maléfique car il refuse de se présenter au soleil. Il est vrai que ça demande demeurait étrange. Aucun être humain n'évitait le contact avec l'astre flamboyant à ce point.

Il se demandait où il pouvait bien être, et comment retournerait-il là d'où il venait. Puis il se dit qu'en fait peu importait. Il était en voyage pour découvrir, après tout, il finirait bien par revoir un endroit qu'il connait. Il avait trouvé de la compagnie, c'est tout ce qui comptait pour lui à cet instant.

Selon elle, il lui faudrait éviter de parler de son histoire. Même s'il n'a pas l'habitude de mentir, il n'en connait même pas le principe, il devrait pouvoir y arriver. Il se doutait également qu'il faudrait éviter de parler de son ascendance, car sa mère lui avait dit que les parents des autres humains étaient humains eux-mêmes, qu'il était un cas unique. Mais cette prêtresse faisait exceptions, et il savait d'instinct qu'il pouvait tout lui dévoiler.
Quand elle demanda dans combien de temps ils arriveraient, il se demanda si deux heures seraient suffisantes.


Excusez-moi, mais il faut absolument que je regarde dehors


Doucement, il se leva, puis alla passer la tête hors de la carriole. Il n'avait toujours pas vu le paladin qui chevauchait de l'autre côté. La lune s'était arrondie. Sans même un mot, il put comprendre ce qu'elle voulait lui dire. Il en avait l'habitude, la contempler suffisait. Il la pointa du doigt.


Venez voir.
Vous voyez celle qui nous illumine? La lune d'argent qui berce nos cœurs? Et bien, c'est ma mère.


Il rentrèrent à l'intérieur, laissant un peu de temps à la jeune femme pour digérer cette information à laquelle il était impossible de s'attendre. Allant un peu mieux, il s'assit en face d'elle, souriant, comme à son habitude. Quand la surprise fut passée, il reprit la parole.


Elle est ma seule famille. Je n'ai jamais connu mon père, elle ne m'a rien dit de lui. Tout ce que je sais, c'est que ce n'est pas le soleil. Il est très jaloux, c'est pourquoi depuis ma naissance, il y a vingt ans déjà, on ne l'a pas laissé avoir un regard sur moi. Si je ne veux pas, ainsi que ma mère, subir son courroux, il faudra que jamais je ne puisse voir le moindre de ses rayons.
J'ai parlé à ma mère et elle m'a dit que nous aurons le temps d'arriver.


Personne d'autre n'aurait pu croire à une telle histoire. Pour cela il fallait accepter le côté mystique du monde et avoir une foi inébranlable.
Il n'avait fait que répondre à ses questions dans la plus grande honnêteté. Tant d'informations extraordinaires d'un seul coup, il faudrait qu'il perde vite cette habitude avant de se faire trancher la tête par un quelconque zélote ou mit à la porte car il serait pris pour un bonimenteur.
Il avait pleins de questions à poser à sa bienfaitrice, mais elles devraient attendre. Il se doutait tout de même qu'il faudrait un autre temps nécessaire pour assimiler le fait que le soleil et la lune soient en couple, vivants, et que malgré son apparence, il avait vingt ans.
Il attendait les éventuelles questions qu'elle aurait envie de lui poser sur son cas très particulier.