Comme d'habitude j'aimais à me balader dans le grand centre commercial de Seikusu, j'aimais croiser toutes ces personnes différentes, les imaginer dans mes œuvres. Que pouvait il bien se passer dans leurs vies ordinaires pour qu'ils se retrouvent dans mes mangas ? Un alien pervers en quête de jeunes humaines ? Un patron sadique ? Un maître chanteur particulièrement avide ? Ou simplement une envie honteuse au détour d'une ruelle ? Les raisons me manquaient pas et me venaient naturellement à l'esprit, mais je ne me doutais pas encore que dans quelques minutes j'allais me retrouver en aussi mauvaise posture que certains de mes personnages.
Un ascenseur c'est quelque chose de banal, ça monte, ça descend, ça ne s'arrête jamais, des fois ça tombe en panne mais on s'en fiche, y'en a d'autres ou alors il y a des escaliers. Mais on ne pense pas pouvoir rester bloquée dans l'un d'entre eux pendant plusieurs heures, on n'y pense jamais parce que ça n'arrive jamais. C'est pourquoi je suis rentrée dans cet ascenseur sans me poser de questions, confiante et pensive, occupée à penser à d'autres choses, plus plaisantes. J'ai hésité à en prendre un autre, car il y avait cette fille à l'intérieur qui me mettait mal à l'aise, une sorte d'intuition, j'ai esquivé son regard et je suis montée en me disant qu'il n'y en aurait que pour quelques secondes. Puis au milieu du parcours il y a eut cette secousse, l’ascenseur a freiné brutalement, les lumières ce sont éteintes et il y a eut le silence, lourd.
Je n'ai pas crié, je n'ai pas paniqué, mais j'étais surprise, on ne s'attend pas à ce que ce genre de choses nous arrivent. Nous étions habitués aux petites secousses et à quelques ruptures de câbles, il n'y avait rien d’inquiétant à cela. C'est alors que j'ai repensé à cette fille, elle était toujours là, dans le noir et je ne savais pas trop ce que je devais dire pour démarrer une conversation. Mais il fallait que je lui parle, pour me rassurer, pour me dire qu'elle était tout à fait normale et que je me faisais des idées. Alors j'ai maladroitement bafouillé quelques mots :
"Hum, on dirait qu'on va rester un moment ici. Vous vous appelez comment ?"
Puis j'ai eu une seconde intuition étrange, je ne savais pas pourquoi mais l'atmosphère était vraiment pesante et l'obscurité n'arrangeait rien. Je ne pouvais pas voir ce qu'elle faisait, je ne savais même pas si elle allait me répondre, en fait je ne savais absolument rien de ce qu'il se passait. J’espérais que les secours viendraient vite et que le courant sera vite rétabli, lorsqu'un homme a hurlé à travers la paroi :
"IL Y A QUELQU'UN DANS L’ASCENSEUR ??"
J'ai voulu lui répondre mais ma voix était beaucoup moins forte que la sienne, lui visiblement ne m'entendait pas, il avait l'air de ne pas être au bon étage. Puis plus rien, un grand silence, personne ne savait que nous étions là et les gens étaient trop occupés à régler d'autres problèmes ailleurs. Nous étions seules pour un moment.