Que deviens-tu ? ( Seth )

Selkis s'attarda face à l'œuvre, le regard perdu. Une photographie d'une tombe. Une merveille, certes, le photographe était bon, le matériel sûrement tout autant. Mais cela ne plaisait à la déesse, non ... Pour elle, ces gens étaient de simples profanateurs de tombes. Et rien d'autres. Archéologue, artistes, nommez cela comme il vous plaira, cher peuple, mais sachez qu'en aucun cas, Selkis n'aurait laissée passer l'occasion d'égorger violemment celui qui était entré dans le tombeau. D'ici deux heures, on retrouverait le cadavre de cet homme, Selkis avait donc le temps de se balader, regardant avec attention chaque œuvre, son poignard sanglant caché dans son habituel manteau de fourrure, cette fois d'une noirceur violente. Elle continua de scruter chaque photographie, le visage neutre.

Elle serrait les dents et les poings, intérieurement, se retenant d'arracher ces photos.

Et puis, elle ne pouvait pas se le permettre. Avec son maquillage, elle s'était déjà suffisamment faite remarquer. On ne pouvait pas la louper. Elle inspira, continuant sa route. Elle vola un verre d'une boisson alcoolisée qu'elle ne boirait pas de toute façon, lança un sourire hypocrite à la femme - pardon, veuve - de l'auteur de ces photographies, sans s'arrêter pour autant. La galerie était longue ... Elle soupira longuement, regardant autour d'elle. Elle ne cherchait pas de visage familier, les humains n'étant pas ses amis, mais un instant resta bloquée.

Elle avait vue ... Non, elle avait cru voir ...

" Pas possible, songea t'elle, ils ont tous disparus "

Elle analysa la foule, fronçant les sourcils, puis se retourna, buvant en dissimulant une grimace la boisson. Une hallucination, sans doute ...

Qu'est-ce que le Dieu du Chaos faisait dans un tel endroit ? Lui-même n'avait pas la réponse à cette question, il ne savait pas ce qu'il faisait là, mais il y était attiré comme un aimant, il sentait que cela vallait la peine de se glisser dans la foule sous cette forme humaine qu'il ne supportait pas, limitant ses pouvoirs. Sous sa forme égyptienne, il rayonnait parmis les autres mortels, comme si, même sous forme humaine, il possédait quelque chose de divin qui le différenciait d'un humain banal. Son regard perçant se balladait dans la gallerie, observant tour à tour les oeuvres exposées et les personnes s'extasiant devant ces choses pitoresques. Seth n'avait jamais compris l'art, et il comprennait encore moins les gens qui ressentaient tant d'émotions devant si peu à ses yeux. Les mortels jouissaient devant l'art, Seth jouissait dans la guerre.

Ils étaient tous ennuyeux, s'étant préparés et pomponnés, ayant choisit leurs plus beaux apparâts afin d'impressionner autrui, de Seth, ils ne gagneraient que le mépris. Si Seth avait choisit l'un de ces costumes que les humains aimaient tant porter, c'était simplement pour passer inaperçu.
Il sentit un regard se poser sur lui, un regard différent des autres, duquel une aura famillière émanait. Il connaissait cette aura, et il la connaissait très bien même, mais il ne pensait pas rencontrer une déesse de son panthéon en cet endroit. C'était peut-être pour cela qu'il avait sentit une force irrésistible l'attirer dans cet gallerie d'art, endroit dans lequel il n'aurait jamais pénétrer en temps normal.
Il dirigea son regard vers la personne qui l'observait et à sa grande surprise, Selkis se trouvait non loin de lui. Selkis, l'épouse d'Horus, l'ennemi juré de Seth. A peine eut-il la possibilité de la voir qu'elle se retourna, tandis que sur le  visage de Seth se dessina un sourire malicieux. Se frayant un chemin à travers la foule, le Dieu du Chaos avança vers la déesse qui lui tournait le dos. Même si elle ne le voyait pas, elle devait sans doute sentir son esprit s'approcher d'elle. Il se retrouva juste derrière elle, assez proche pour qu'elle puisse l'entendre malgré les discutions environnantes des humains se trouvant autour d'eux. Il lui dit d'une voix profonde et presque chuchottée :

"Quelle bonne surprise... Serket."

La déesse sentit un frisson parcourir son échine, et elle serra violemment le verre qu'elle portait à sa bouche entre ses doigts fins, si bien qu'il se brisât, laissant du champagne couler le long de ses doigts, tandis qu'elle n'osait pas se retourner. Ce ton, cette voix, ce souffle ... Elle l'avait reconnue aussitôt, et l'idée même qu'il puisse être là, prés d'elle, lui faisait nettement peur. Elle plongea sa main qui n'était pas couverte de champagne dans sa poche, où dormait le couteau qui avait servit à tuer l'archéologue. Il était encore là, ce bon vieux couteau. Elle s'en servirait si Seth se montrait trop violent.

Même si elle en doutait. Il n'avait aucune raison valable de faire la peau de Selkis. Toujours est-il qu'elle se retourna doucement, jetant un regard vers le dieu, un regard surpris et rempli de son assurance habituelle. Elle eut un petit sourire, et essuya sa main trempée sur son manteau de fourrure, rejettant quelques méches qui tombaient sur son visage maquillé.

- Tu m'ôtes les mots de la bouche, Seth, ironisa t'elle.

Elle eut un nouveau petit sourire, regardant autour d'elle. Elle avait donc, face à elle, l'ennemi juré de son défunt époux. C'était stressant, tout de même. Elle se sentait presque traitresse. Elle fit aller nerveusement ses doigts, quelque peu gênée.

- Je ne m'attendais pas à te croiser ici, osa t'elle.

Selkis était vraisemblablement très gênée de voir Seth ici, même si, pour le moment, elle n'avait rien à craindre, bien qu'elle était l'épouse d'Horus et que cela n'aurait pas été étonnant que le Dieu Chacal puisse avoir une certaine rancoeur envers la déesse ayant toujours protégé son mari, tout comme Isis. Si le Dieu n'avait pas vu le verre que tenait la Déesse se briser, il avait clairement entendu ce dernier, confirmant que sa présence gênait Selkis et que par conséquent, elle ne lui faisait pas confiance, et elle avait probablement raison de ne pas avoir confiance en l'incarnation même du Chaos.
Il observait les moindres de ses gestes, la main qu'elle essuya dans la fourrure de son manteau, les mèches qu'elle dégagea de son visage, là où ses yeux regardaient, et ce, sans que lui, ne bouge d'un poil.

"Moi non plus, tu te doutes bien que ce genre d'évènements me laissent indifférents. Je me fiche bien de leur art... Mais je comprend maintenant ce qui m'a attiré ici."

Seth jeta son regard dans la foule, voyant que cette dernière n'avait pas du tout l'air interessée par les retrouvailles des deux anciens dieux Egyptiens, qu'elle n'avait même pas conscience que ces derniers discutaient au beau milieu du "chemin". Le Dieu du Chaos replongea alors son regard dans celui de la déesse et continua en la provoquant :

"Je vous pensais tous morts, c'était assez réjouissant de savoir Horus disparu alors que moi non."

La déesse serra les poings, violemment, en entendant la derniére remarque de Seth. Que cherchait-il, en disant cela ? Faire du mal, encore une fois, sans doute ... Selkis souffla doucement, pour évacuer une colère naissante et se calmer. Horus était son talon d'achille, son point faible. Elle avait tant aimé cet être, elle l'avait tant protégée, que s'en prendre à lui Horus devenait comme signer un arrêt de guerre. C'était clairement chercher les ennuis. Déjà qu'elle ne faisait pas confiance à Seth - le Dieu du Chaos, tout de même - , alors s'il la provoquait ainsi ! Elle soupira à nouveau, et releva la tête pour le fixer, les yeux dans les yeux.

- Ils ne sont pas tous morts, ils reviendront, assura t'elle sans en être sûre elle-même. Et Horus te fera payer ce que tu viens de dire.

Elle se mordit la lèvre inférieure, et vite attrapa un nouveau verre, pour le boire d'une gorgée. Il ne fallait pas qu'elle se mette dans des états pareils pour quelques paroles balancées par l'ennemi juré de son mari !

Elle se recoiffa vivement, faisant tourner le verre vide entre ses doigts.

- Et toi, Seth, as-tu seulement une bonne raison d'être de retour parmi les hommes ? demanda t'elle d'un ton presque de défi, lui faisant comprendre qu'il n'aurait pas dû la chercher ainsi.

Un petit rire s'échappa de la bouche du Dieu du Chaos, amusé par la Déesse, souhaitant par-delà sa mort, défendre son mari.

"Mais voyons Selkis... n'as-tu donc pas compris ce qui fait la majeur différence entre moi et Horus ?..."

Faisant de même que la Déesse, il prit un verre, et humma le parfum de l'alcool le remplissant, avant d'en prendre une petite gorgée et de continuer sa phrase, tout en rapprochant son visage de celui de Serket :

"...C'est que tant que le Chaos sera, je serai, et que tant que guerres il y aura, je serai... Je suis éternel Selkis, le Chaos... Je suis indispensable à l'univers, car sans le Chaos, l'univers stagnerait, et sombrerait dans l'oubli..."

Portant son verre une nouvelle fois à sa bouche, le Dieu, tout en gardant son regard posé sur son interlocutrice, finissa son verre d'un trait, le reposant d'un geste sec sur la table où il venait juste de le prendre il y a quelques instants. Seth remarqua que même en société, Selkis portait toujours son maquillage, ce qui n'allait sûrement pas l'aider à passer inaperçu, mais ça n'était peut-être pas son intention, contrairement à Seth.

"En tout cas je vois que ton coeur bat encore pour le défunt Faucon... C'est très touchant qu'une Déesse de ton rang puisse être si sensible à un tel sentiment..."

Il porta sa main jusqu'à son visage, et l'effleura du bout des doigts, ce qui ne lui plairait sûrement pas, mais le Chacal en avait parfaitement conscience.

"Et toi ? Tu as une bonne raison d'être de retour parmis les Hommes ?"