"Ryo, ce serait bien que l’on se voie."
C’était la seule et unique phrase que Nishi Takeda avait dite au flic avant de raccrocher. C’est pour dire si l’appel avait été bref. Immédiatement, Ryo avait deviné qu’il y avait une merde et que sa présence auprès du yakuza était requise. Nishi et lui étaient de vieux amis, ils avaient grandi ensemble et si l’un avait choisi la voie de la « fausse » légalité, l’autre avait grimpé unes à unes les marches de son clan pour accéder à celle, ultime, de maitre yakuza. Takeda avait la main mise sur une grande partie du quartier de la Toussaint où proliféraient trafics, prostitutions, jeux illégaux et quantités d’autres activités clandestines. La réputation du gangster n’était plus à faire et son clan faisait régner l’ordre, son ordre, sur son territoire. Et il payait grassement Ryo pour que la police évite de trop interférer dans ses affaires. En charge du secteur, l’inspecteur faisait en sorte que tout aille bien de ce côté-là, ramenant parfois de beaux résultats d’enquête … qui ne concernaient que les concurrents de son ami.
Ryo s’était déplacé pour le voir sans attendre, au cœur de son fief. L’affaire n’était pas aussi compliquée que ce qu’il attendait mais plaçait Nishi dans une position inacceptable. Il avait retourné un informateur d’un autre groupe et celui-ci était venu se réfugier sous sa protection … avant de se faire déglinguer par un envoyé de l’autre clan, qui au passage avait un peu détruit certains de ses propres hommes. La réputation de Nishi Takeda ne souffrait d’aucuns travers et s’il ne pouvait assurer la sécurité de ceux qui s’en remettaient à lui, alors, qu’en penseraient les autres ?
"Tu me retrouves cette pute et tu me la ramènes !"
C’était très clair. Et la prime en serait d’autant plus intéressante. Une fille ? Curieux… Mais cela ne changerait rien.
Il lui fut facile de remonter la piste de la nénette. Elle n’avait été ni discrète, ni prudente. Les témoignages affluaient, certains précis, d’autres plus flous mais tous la décrivaient dans le même sens : un petit lot bien foutu, bien énervé, et qui cognait dur. La femme de rêve pour n’importe quel taré comme Ryo. Retracé son parcours aussi fut assez simple et l’utilisation des caméras de la voie publique permit d’identifier un point bien précis. Un coup de fil au procureur plus tard sous prétexte d’un trafic de stupéfiants et Ryo obtenait une réquisition pour mettre en place une surveillance discrète. Il apparut qu’un bar appartenant à un groupe mafieux violent mais sans grande ambition territoriale y terrait son quartier général. C’est ce qui était supposé. La fille fut photographiée et identifiée par des témoins. En effet, beau cul, belle paire.
Il était temps d’y aller. Ryo choisit un soir pour s’y rendre, seul. Pas besoin d’une équipe d’intervention, maintenant il œuvrait en solo et pas pour le compte de la justice. Dans le bar, ça sentait la clope et le cuir usé. Des types à la sale gueule le matèrent. Rien à foutre ! Il était plus épais, plus haut, plus large, plus violent. La môme était assise à une table et il vint s’asseoir en face d’elle. Il roula ses épaules monstrueuses sous son vieux cuir et arrangea son .44 sous son aisselle. Sur la table il posa son insigne d’inspecteur et quand le mec du bar s’approcha, plus en découdre qu’autre chose, il lui coupa l’herbe sous les pieds.
"Un whisky, sans pisse ni molard et après tu dégages."
Puis à la fille.
"Tu ramènes pas ta gueule et tu écoutes, et si un seul de ces trouducs la ramène, je plombe les gosses."
Il parlait des deux jeunes aux regards brillants qui s’étaient écartés.
"T’as déconné dans mon quartier et je connais un mec puissant qui a une dent contre toi, va falloir qu’on parle tous les deux, à moins que ton groupe soit capable de soutenir une guerre ouverte contre LE clan yakuza dominant de Seikusu."
C’était David contre Goliath. Les deux groupes n’avaient rien en commun tout comme Ryo était monstrueusement énorme en face de la petite.
"Donc, où tu me suis et on va trouver un coin pour parler où tes potes vont éviter de nous suivre, sauf s’ils veulent crever ; ou alors dans une heure, tout ici aura brûler, avec vous dedans."