Là, j'avais cette étrange impression de ne pas vraiment être écoutée, que mon interlocutrice faisait semblant d'appréhender mes mots pour que je la lâche le plus vite possible. C'était terriblement frustrant et énervant, mais je m'efforçai de ne pas lui en tenir rigueur, compte tenu de son état plutôt lamentable malgré le fait qu'elle soit encore en mesure de tenir debout. Je ne pus cependant pas étouffer mes soupirs trop longtemps et en laissai un fuiter. J'étais moi-même fatiguée et cette situation ne faisait qu'accentuer cet état. Je pourrais presque m'endormir à la simple idée de devoir tout lui résumer à nouveau. Je devais cependant faire preuve d'une grande force mentale pour ne pas céder. Après tout, si je m'endormais également et que la blonde se réveillait avant moi, qui sait ce qu'elle tenterait ? Peut-être une nouvelle fuite. Certes, je serais en mesure de la retrouver assez facilement, mais tout cela n'en devenait pas moins chiant pour autant.
– Euh... Je vais pas te laisser de message, non. En tout cas, dors. T'as l'air aussi énergique qu'un lombric.
J'avais beau me moquer, je ressentais également la fatigue. Ou en tout cas, ce corps la ressentait, chose que je trouvais particulièrement débile puisque je lui accordais mon immortalité. Pourquoi pas ma non-nécessité de dormir, dans ce cas ? Peu importe, passons. Je soupirai de nouveau et me posai dos à la porte tout en observant mon milieu, sans ajouter le moindre mot. Ouais, je comptais littéralement laisser la lycanthrope s'endormir. Combien de temps devrais-je la surveiller pour ne pas qu'elle se fasse la malle ou tente de se débarrasser de moi ? J'en avais aucune idée et, franchement, je préférais ne pas y penser. La simple idée de poireauter pendant des heures sans rien faire m'alourdissait déjà les paupières.
Finalement, je ne m'étais pas montrer plus résistante que ça. Alors que j'espérais monter la garde aussi longtemps qu'il le faudrait, ce corps pitoyable céda finalement sous le poids de la fatigue pour ne plus se relever avant un moment. C'était arrivé si soudainement... Et, dans ce genre de situation, je n'étais pas en mesure de faire quoi que ce soit même si mon esprit, lui, restait conscient à l'intérieur de ce corps éreinté et à première vue sans vie. Une véritable torture psychologique ! C'est comme si je flottais au beau milieu de l'océan avec les yeux bandés, les oreilles bouchés et la bouche cousue. Bref, une privation quasi-totale des sens couplée à une attente indéterminée, au moins jusqu'à ce que ce corps soit suffisamment reposé pour se lever.
Je ne sais pas trop ce qui m'a réveillée, au final, mais je finis par ouvrir les yeux et récupérer peu à peu le contrôle de son corps. C'en était si lent et pseudo spectaculaire que cela aurait pu être comparée à une soudaine sortie du coma. Je plissai les yeux, articulai mes doigts dans l'espoir d'en sentir le bout engourdi et finis par me frotter basiquement les yeux en bâillant. Sérieusement, s'il y a bien une chose que je détestais, c'était la lenteur exaspérante avec laquelle les humains se réveillent. Si j'avais pu posséder un paresseux, cette étape aurait sans doute été similaire en de nombreux points. Bref ! Je me concentrai pour essayer de ressentir la présence de mon hôte mais y peinai vraisemblablement, toujours un peu dans le gaz. Il faut dire que je voyais toujours un peu flou et que je galérais à me relever, chose qui devait être hilarante à voir puisque ce sommeil prolongé m'avait fait m'écraser lamentablement sur le sol. Et, à vrai dire, j'en venais presque à me demander si la blonde n'aurait pas pu en profiter pour handicaper ce corps, ou même le livrer à quelqu'un d'autre. J'étais toujours en mesure de m'en échapper, certes, mais au prix d'un certain temps, une nouvelle fois. Entre deux bâillements, j'articulai quelques mots avec peine.
– Eh... t'es là ? Pas vraiment envie de jouer à cache-cache de si bon matin. Même si... je sais pas vraiment si on est le matin, en fait.